Suppression des directeurs d’école, disparition des écoles maternelles, étudiants-remplaçants… Les inquiétudes autour du projet de loi pour une “École de la confiance” sont multiples chez les enseignants et parents d’élèves. A Marseille, depuis plusieurs semaines, ils veulent se faire entendre. Ils étaient environ un millier à défiler depuis le Vieux-Port en direction de l’inspection académique, jeudi 4 avril.
Pour rassurer et mettre un terme aux polémiques autour du projet de loi, une réunion pour échanger sur les différents points de la loi a été initiée par Cathy Racon-Bouzon, la députée LREM de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône. « Les syndicats avaient, au départ, empêché cette réunion. J’ai été agréablement surprise qu’ils acceptent enfin d’échanger », explique la députée.
Dès les premières minutes, Cathy Racon-Bouzon donne le ton : « Je me suis énormément impliquée dans ce projet de loi. J’ai été heurtée par des choses vues ou entendues qui sont à l’opposé de ce qui est écrit dans le texte. Je souhaite vous expliquer certains points et répondre à vos questions de manière franche, objective et rationnelle ! »
Vers un nouveau statut de directeur d’école
Le projet de loi pour une « Ecole de la confiance » prévoit la création d’Etablissement publics des savoirs fondamentaux (EPSF) dont le but est de permettre un regroupement d’écoles avec un collège. Pour piloter cet ensemble “collège-écoles”, un « chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école […] et les compétences attribuées au chef d’établissement ». Ces EPSF engendreraient donc selon les enseignants présents sur place “une suppression ou une modification du statut des directeurs d’écoles”.
« Il y a des failles, il manque des enseignants. On vit ça depuis des années. Cette loi n’est absolument pas claire. Il existe trop d’interprétations. Ils osent parler de confiance ? », s’indigne une enseignante de maternelle en ouvrant le débat. Une autre, syndiquée au SUD éducation 13 prend la parole : « Nous ne souhaitons pas de hiérarchie. Avec la création d’EPSF, vous souhaitez introduire un nouveau supérieur hiérarchique pour les professeurs des écoles ! Que va-t-il advenir des directeurs d’écoles ? Comment évaluer le rapport hiérarchique ? Aura-t-il un rôle de coordinateur ? »
A la suite à ces premières interrogations, les contestations émergent de toute part dans la salle où une trentaine de personnes a pris place. Les participants, dont une grande majorité est syndiquée, estiment avoir été écartés de toute concertation, ils évoquent des “économies de moyen” souhaités par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse.
Après un bref rappel à l’ordre et tandis que les esprits s’échauffent, la députée affirme qu’il n’est pas question de supprimer les directeurs d’école. Elle évoque une volonté d’aller « vers un nouveau statut de directeur d’école afin d’entériner sa mission évolutive ». Elle estime tout de même qu’il y a une erreur à corriger lors du retour du texte à l’Assemblée : « pour être un EPSF, la volonté devra émaner de vous. La communauté éducative devra saisir le rectorat et les collectivités territoriales pour devenir un EPSF. Cette volonté viendra de vous. » L’EPSF semble être donc une option donnée aux acteurs éducatifs. Ils décideront de s’organiser en EPSF s’ils le souhaitent, s’ils estiment que cette option est la bonne.
« Ce qui se passe à Marseille… »
Un directeur d’école à la retraite évoque l’insalubrité de certaines écoles à Marseille, « les plafonds qui tombent », « les sanitaires dangereux », « les odeurs nocives pour les enfants ». Sont également évoqués, l’évolution démographique en hausse depuis 2001, à Marseille. Le nombre réduit de places au concours des professeurs des écoles. 494 l’an dernier contre 300 places cette année. Pour Cathy Racon-Bouzon, « l’explosion démographique à Marseille n’est pas la réalité du reste de la France. C’est problématique pour Marseille, mais le projet de loi est national. Ce qu’il se passe à Marseille ne se passe pas forcément ailleurs. On ne peut juger cette mesure là que sur Marseille. L’Etat donne une extension de compétences aux municipalités et donc des moyens financiers considérables ! »
La députée LREM rappelle ensuite qu’il s’agit d’une loi « fondamentalement sociale », qui, en inscrivant l’instruction obligatoire à trois ans, donne l’opportunité aux enfants défavorisés d’avoir accès à un « apprentissage extrêmement important » et permet de « sanctuariser, sacraliser la maternelle ». Elle aborde également le sujet de la responsabilité des parents « qui devront scolariser leurs enfants dès 3 ans ». Ces derniers pourraient être sanctionnés financièrement. Et l’amende pourrait aller jusqu’à 9 500 euros lors d’un deuxième contrôle. Un enseignant quitte la salle.
« A Marseille, on a des problèmes sur les locaux et très peu de moyens à l’école. Si certains enfants ne sont pas scolarisés, c’est parce qu’il n’y a plus de places dans l’école », dénonce une professeure d’école. Une autre ajoute : « d’une part, on n’a pas de locaux pour accueillir ces enfants, d’autre part on va les sanctionner financièrement. Il s’agit d’une double peine pour les parents. J’ai du mal à faire confiance et à croire que ça va aller mieux pour le public ! » La députée indique que les jardins d’enfants ont deux ans pour se transformer et proposer de nouveaux services tandis que les écoles maternelles ne sont pas vouées à disparaître. Bien au contraire, selon elle, il s’agit au travers de ce texte, de leur donner une place prépondérante.
Des étudiants-remplaçants ?
Enfin, le projet de loi pour une “Ecole de la confiance” prévoit la mise en place de contrat de pré-professionnalisation pour les étudiants en deuxième année de licence jusqu’en première année de master. Les acteurs éducatifs y voient un moyen pour remplacer les professeurs absents et estiment qu’il s’agit de contrats très précaires et « sous payés ». Pour Cathy Racon-Bouzon, il s’agit plutôt de « tester la vocation des étudiants, lutter contre le phénomène des démissions. Les jeunes ont un manque de visibilité pratique de leur métier. Chaque jeune sera donc sous la responsabilité d’un maître formateur ou tuteur qui lui permettra d’observer, de participer à des objectifs, d’avoir petit à petit plus de responsabilités »
Là encore, le débat s’enflamme, les professeurs d’écoles et de collèges ne comprennent pas : « Nous manquons cruellement d’enseignants. Il nous faut des enseignants à Marseille, pas des étudiants ! Les termes “étudiant […] avec appui du tuteur” qui se trouve dans votre texte de loi sont totalement flous. Cela signifie-t-il qu’un maître tuteur peut laisser une classe entière à son étudiant stagiaire, le temps d’un café ? »
Les différentes interprétations et les décalages entre l’objectif du projet de loi pour une “Ecole de la confiance” continuent d’alimenter les suspicions et les doutes au sein du corps enseignant et des parents d’élèves. Malgré les tentatives d’éclaircissement de la députée LREM quant aux différents points de la loi, son auditoire n’est pas rassuré : « Nous avons conscience Mme la députée de vos bonnes intentions, toutefois, il y a une fracture. Il y a un décalage. La confiance ça se construit, ce ne se décrète pas ».
Des petits-déjeuners gratuits dans les écoles « pour tous les enfants ou rien » affirme Jean-Claude Gaudin
Offrir le petit-déjeuner aux écoliers des quartiers défavorisés est une mesure phare du plan pauvreté annoncé en septembre dernier par le président de la République. 100 000 enfants seront concernés. Jean-Claude Gaudin s’est exprimé à ce sujet. Selon lui, cette mesure, qui ne vise que les enfants en situation de pauvreté, devrait être mise en place « pour tous les enfants ou rien ».
Cathy Racon-Bouzon, interrogée par Gomet’ a réagi aux déclarations du maire : « Nous aimerions aussi que les petits-déjeuners soient offerts à tous les écoliers de France… dans un monde idéal, oui. Le fait est que cette mesure a vocation à permettre à des enfants issus de milieux défavorisés, dans une situation de pauvreté de ne pas passer des heures le ventre vide. Certains ont des carences, il fallait s’en occuper ».
Mardi 23 avril, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education et Christelle Dubos, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Santé, ont annoncé le financement de ces petits-déjeuners à hauteur de six millions d’euros pour la rentrée 2019, puis douze millions en 2020. Si la mesure ne fait pas l’unanimité auprès de certaines municipalités, c’est que celles-ci craignent que son coût s’ajoute à la cantine à un euro. Ainsi l’Association des Maires de France : « le gouvernement souhaite mettre en place une aide de deux euros pour les communes qui s’engageraient dans le dispositif de la cantine à un euro. Or le coût moyen d’un repas pour une commune est évalué entre 7,5 et 10 euros. En l’état, c’est donc un nouveau transfert de charges qui se profilerait pour les communes ».