Jusqu’au 31 décembre se tient la 16e édition d’art contemporain de Lyon autour d’un « Manifesto of fragility », conçu par les commissaires invités Sam Bardaoui et Thill Fellrath. Cet événement phare au plan national et international réunit cette année les œuvres de 202 artistes dont 88 contemporains issus de plus de 40 pays, parmi lesquels quelques artistes marseillais. À découvrir lors d’une pérégrination culturelle mémorable, à moins de 2 heures de Marseille en TGV.
« La fragilité comme intrinsèquement liée à une forme de résistance, initiée dans le passé, en prise avec le présent et capable d’affronter l’avenir ».
Sam Bardaoui et Thill Fellrath
Dernière exposition avant réhabilitation
Avec ses 29 000 mètres carrés répartis en sept halls, le site des anciennes usines Fagor est l’un des principaux lieux d’exposition la biennale cette année encore. Mais pour la dernière fois. Y arriver à l’ouverture pour une déambulation de plusieurs heures et se retrouver quasiment seul face à cette diversité d’approches artistiques est un privilège que l’on savoure à chaque pas, d’autant que les choix scénographiques réussissent à préserver toutes les surprises. Alors dans cette immensité, en passant de l’étonnement à l’interrogation, de l’amusement à la compassion, on se rapproche de ce que les commissaires Sam Bardaoui et Thill Fellrath définissent comme « le caractère inévitable de notre fragile humanité et l’incroyable promesse qu’elle engendre (…) – une invitation à réfléchir à la précarité de notre condition humaine ».
Des calanques et des hommes
Ciel bleu azur, roches blanches, quelques brins de garrigue : en passant devant cette installation video, on reconnait les calanques de Marseille. Sara Sadik les a choisies pour mettre en scène des hommes qui organisent une société idéale et la protection leur territoire. Ils finiront dans les ravins, une œuvre entre fiction et documentaire. A l’inverse, c’est dans un lieu clos au sol jonché de minéraux que nous emmène l’artiste lyonnaise désormais marseillaise Sarah Del Pino. Là aussi, entre fiction et documentaire, son travail au titre si évocateur, Amiosite, interroge sur l’instabilité de nos constructions, de même que la fragilité des hommes et des femmes qui risquent une contamination.
Organon Art Cie en écho de Marseille à Lyon
Précarité, migration, pauvreté… si Valérie Trebor et Fabien-Aïssa Busetta ont choisi la Belle de mai, le quartier le plus pauvre de France, pour y fonder Organon Art Cie, c’est parce que c’est là qu’ils vivent et travaillent avec celles qu’ils nomment « leurs voisines ». Aujourd’hui, c’est dans l’ancien bâtiment syndical des usines Fagor que l’on découvre des productions réalisées ou en cours, comme Belle de Mai à l’assaut du ciel, une série de podcasts retraçant le parcours du jeune Karim à la recherche d’un éventuel ancêtre comorien engagé dans le premier bataillon de la Belle de mai à prendre les armes lors du soulèvement de la Commune à Marseille, en 1871, et le dernier à les rendre. Également une vingtaine de portraits, « des gens du quartier à qui nous avons demandé s’ils se sentaient descendants du bataillon » nous explique Valérie Trebor. Ces photographies au collodion, réalisées par Solène Charrasse, dans le style “portrait à l’ancienne” illustrent en quelque sorte le concept de la compagnie : travailler à partir d’archives réelles avec des gens d’ici dans leur quotidien. Depuis 2021, Organon Art Cie travaille avec des groupes de femmes et de collégiens de Marseille et de Lyon à la réécriture de la pièce d’Eschyle Les Suppliantes, « une histoire de migration, de marche vers l’espoir et de droits des femmes, intemporelle et universelle » qui sera jouée en juin 2023 au théâtre national de La Criée.
Fragilité et résilience avec Ugo Schiavi
Autre lieu principal d’exposition, le musée Guimet à deux pas du parc de la Tête d’or. En pénétrant dans la grande salle après une déambulation à en perdre tout sens d’orientation, la surprise est de taille. Là où l’on pouvait voir, avant la fermeture du bâtiment au public en 2007, les collections du muséum d’histoire naturelle de la Ville, Ugo Schiavi a installé son œuvre monumentale Grafted Memory et transforme le visiteur en Indiana Jones à la découverte d’une civilisation perdue où la nature a repris possession des data centers. On s’y aventure tel un archéologue d’un futur antérieur et la démarche de l’artiste, que nous avions découverte lors d’une exposition au musée Réattu d’Arles avec une autre série de sculptures et de vidéos, captive. Il intervient également au MAC de Lyon dans le cadre de l’exposition Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet, mais son travail au musée Guimet prend une dimension remarquable et remarquée. Comme cette 16e édition de la Biennale d’art contemporain de Lyon.
La 16e Biennale d’art contemporain de Lyon en chiffres :
> 202 artistes de plus de 40 pays dont 88 artistes contemporains
> Budget général : 12 millions d’€ dont 6 442 K€ de financements publics (Etat, Région, Métropole, Ville). À noter le désengagement de la Région à six mois de l’ouverture à hauteur de 253 000 euros qui a… fragilisé la biennale
> Près de 250 personnes employées
> 280 000 visiteurs en 2019, avec près de 50% de moins de 26 ans.
Infos pratiques :
> Biennale d’art contemporain de Lyon jusqu’au 31 décembre 2022
> du mardi au vendredi, de 10h à 18h et le week-end de 11h à 19h
> Tarif normal 18 € (billetterie en ligne) donnant accès aux 6 sites d’exposition – 7 autres en accès libre
> Marseille-Lyon : entre 1h30 et 1h50 en TGV, à partir de 10 € avec Ouigo et de 20 € en TGV Inoui