Par Florence Klein, avec Bertrand Connin.
Visuel: Florence Klein
Le développement durable…. Depuis les années 2000, les acteurs de la communication, qu’ils soient annonceurs ou agences, surfent sur ce concept. Démarche authentique ou effet d’image? Tendance de fond ou opportunisme? Verdissement du discours ou méthodes vérifiées ? Com&Médias Sud vous invite à un tour d’horizon régional sur ce qui se fait dans le Sud.
Dans ce premier volet, petit retour sur l’historique et les grands principes de la communication responsable et autour du développement durable.
La communication responsable: kézako ? Responsable de quoi au juste? Il s’agit en fait d’un type de communication qui veut mettre en avant des démarches présentant une forte composante sociale ou environnementale, mises en œuvre aussi bien par les annonceurs que par les agences de communication. La première difficulté consiste à faire la différence entre la communication autour du développement durable et de la RSE, et la communication responsable, même si souvent les chemins finissent naturellement par converger : « Pour traiter ces sujets, il faut nécessairement se placer dans une approche de communication responsable », estime David Coste, co-fondateur de l’agence Patte Blanche basée à Montpellier.
Se refaire une santé dans le dos de la planète ?
C’est dans les années 2000 que la communication autour des thématiques sociales et environnementales a véritablement explosé. « Après le krach boursier de 2001, les grandes entreprises ont vu dans le développement durable un prétexte pour se redonner une légitimité. Elles ont voulu verdir leurs logos, leurs baselines, leurs discours, au point de galvauder le concept », se remémore Thomas Piettre-Leclair, fondateur de l’agence engagée Com’On Light (Montpellier).
C’est aussi pour rompre avec certains excès que de nouvelles réglementations ont fleuri, imposant aux entreprises des obligations en matière de Responsabilité Sociale (RSE), en France et en Europe. Dès 2001, la loi dite NRE (Nouvelles Régulations Economiques) a imposé aux entreprises françaises cotées en Bourse de publier un rapport sur les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités ; elle a été complétée par d’autres lois, notamment la loi Grenelle 2 en 2010, et par des directives européennes. D’où l’explosion des rapports et communications autour du développement durable.
Image, contraintes et lobbying
Rapidement, les entreprises ont tenté de faire de ces nouvelles contraintes une opportunité. Un lobbyiste à Bruxelles, spécialiste des questions agroalimentaires (il n’a pas souhaité que son nom soit mentionné…), confirme : “Les réglementations en matière environnementale sont de plus en plus strictes pour les entreprises et particulièrement dans le secteur de l’agro-industrie. Alors, les marques utilisent ces contraintes pour en faire des atouts dans leur communication : je suis obligé de faire ça, donc je dis que je le fais car ça améliore mon image. Et en plus, si j’ai une bonne image, peut-être que derrière la pression réglementaire cessera de d’augmenter.”
Cet expert évoque notamment le cas de Nutella : longtemps visée par un projet de taxation de l’huile de palme, l’entreprise Ferrero a contre-attaqué dans sa communication. Le géant italien de la pâte à tartiner explique dans une large rubrique de son site Internet intitulée “Parlons Qualité” comment il veille à ce que les plantations d’huile de palme destinées à ses produits ne soient pas situées dans les zones de vies des orang-outangs. La marque parle même de replanter des arbres.
Pour que com’ durable ne rime pas avec green washing…
Tous les géants industriels, particulièrement ceux qui sont critiqués pour leurs activités, ont très vite compris que leur communication devrait occuper le terrain du durable sous peine d’être violemment pris pour cible par la presse et les ONG. « Les plus gros budgets en RSE proviennent des entreprises qui polluent le plus et de celles qui ont le plus à se faire pardonner… pétroliers, cimentiers, chimistes… Mais est-ce que la communication responsable, c’est contribuer à rendre acceptable la stratégie de ces grandes organisations, qui certes évoluent, mais ne changent pas fondamentalement ? Il faut arrêter de faire croire que l’on peut continuer dans la même direction ! En tant que communicants, les agences ont une responsabilité dans l’avènement d’une société responsable. Pour faire évoluer les pratiques, le défi est culturel plus que purement technique,», s’insurge Thomas Piettre Leclair (Com’On Light).
…des bonnes pratiques et des normes
Loin du cynisme et des contraintes, des initiatives engagées ont donc porté le mouvement vers une communication plus responsable. Et pas toujours dictées par des agences parisiennes !
Dans le Sud-Ouest, Daniel Luciani et son agence de communication Icom est l’un des tout premiers à s’être engagé dans cette voie dès 2001. «Pour une TPE du Sud Ouest d’une dizaine de personnes à l’époque, c’était novateur. Mais j’ai voulu très tôt que nos valeurs transforment notre métier, porté par la conviction que quand la RSE est au cœur de la stratégie de l’entreprise, elle a un impact sociétal plus important », se remémore le dirigeant.
Après avoir exploré diverses pistes pendant plusieurs années, l’agence Icom a créé le collectif des publicitaires éco-socio innovants avec six autres agences pour faire bouger les lignes. L’objectif : passer d’une posture « encore très défensive et orientée vers la croissance à tout prix, vers une envie d’assumer pleinement son rôle et ses responsabilités sociales dans les changements des modes de vies et de consommation auxquels aspirent le public ». Ce collectif a œuvré pour adapter la norme Iso 26000 (standard international de la RSE) aux métiers de la communication et de la publicité.
Et même si les comportements évoluent lentement, force est de constater qu’aujourd’hui aucune entreprise raisonnable ne prônerait des comportements contraires à l’éthique, à l’honnêteté et à la déontologie. « En 20 ans de RSE, les choix des entreprises évoluent lentement. C’est pareil pour le consommateur : il aimerait une offre responsable, mais quand il doit choisir entre un coton bio et un coton pas cher, son porte-monnaie va décider… », observe Thomas Piettre-Leclair (Com’On Light). D’où le besoin d’une communication à la hauteur des enjeux, par ses méthodes et par ses choix, pour semer la petite graine dans les esprits…
A suivre:
Développement durable: des agences pas comme les autres pour des clients pas comme les autres?