C’est une bataille de longue haleine, qui dure déjà depuis plusieurs mois. En septembre 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault se lançait dans un périlleux exercice de conviction face à des élus de la région marseillaise, peu enclins à accepter le projet de métropole qui n’en était encore, à l’époque, qu’à ses prémisses. Le Premier ministre dénonçait les « paralysies » et les « jeux personnels » dont il fallait sortir pour qu’enfin, Marseille et sa région puissent bénéficier de leurs atouts. Sans oublier les problèmes de sécurité, qui avaient précipité la construction de la métropole.
Depuis, la fronde s’est tamisée plus que réellement estompée et les petits jeux personnels n’ont pas disparu. Mais l’ancien Premier ministre, interrogé par GoMet’, explique aujourd’hui qu’il « n’imagine pas un seul instant que des combats de court terme mettent en péril la mise en place de la métropole d’Aix-Marseille-Provence ». Métropole qui est, selon lui, « une chance historique pour le territoire » : « Le travail se poursuit entre les acteurs de la société civile. Cette nécessaire mobilisation montre bien que la création de la métropole répond à un besoin, celui de l’avenir du territoire et de son développement », défend Jean-Marc Ayrault, aujourd’hui député de Loire-Atlantique. [pullquote]« Je n’imagine pas un seul instant que des combats de court terme mettent en péril la mise en place de la métropole d’Aix-Marseille-Provence », confie Jean-Marc Ayrault à GoMet'[/pullquote]
Le nouveau conseil paritaire, créé à l’initiative de la ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, doit mieux prendre en compte les inquiétudes des élus, qui n’ont pour autant pas complètement baissé les armes. Ces derniers comptent désormais peser sur le contenu de la métropole plutôt que de mener un combat contre son existence. « Actuellement, il y a une opposition de la plupart des maires qui refusent d’entrer dans ce débat mais la Région, Marseille et MPM le font. Nous espérons que les autres les rejoindront dans une nouvelle démarche. Avec un nouveau conseil paritaire, les choses vont changer », veut croire le préfet Laurent Théry, très proche par ailleurs de Jean-Marc Ayrault, avec lequel il a longtemps travaillé – entre 1996 et 2003 – comme directeur général de la communauté urbaine de Nantes, qui s’est confié à La Provence lors d’un débat organisé par le journal pendant l’été.
« Rien n’est jamais gravé dans le marbre »
Pour lui, les choses sont claires : l’État ne lâchera pas. Il a déjà fait suffisamment de concessions aux maires pour ne pas, en plus, différer la naissance de la métropole. Mais alors, y a-t-il encore une possibilité que la métropole d’Aix-Marseille-Provence ne voit pas le jour en 2016, comme le prévoit la loi ? « Je suis convaincu qu’elle verra le jour », estime de son côté Olivier Dussopt, rapporteur de la loi MAPAM sur les métropoles, interrogé par GoMet’. Selon lui, la gronde des élus est réelle, mais « tous reconnaissent aujourd’hui l’esprit d’ouverture de Marylise Lebranchu ». Julien Damon, sociologue et professeur associé à Sciences Po, qui connait bien la problématique des métropoles, pense quant à lui que « bureaucratiquement, rien n’est jamais gravé dans le marbre ». Autrement dit, tout peut toujours changer, même une fois la métropole mise en place. Une loi peut être promulguée avant d’être complètement vidée de sa substance ou détournée par la volonté politique des élus.
Car au final, la mécanique institutionnelle finit toujours par plier face à des élus qui, concrètement, décident d’aller dans un sens ou dans un autre. La métropole sera ce que les élus en feront, explique-t-on depuis longtemps du côté de la mission interministérielle pour le projet métropolitain. Si, sur le fond, l’opposition n’est plus aussi forte qu’avant, c’est parce que les élus pensent avoir le pouvoir qui leur manquait jusqu’ici pour faire triompher leur vision de la métropole. Et celle-ci est assez différente de celle du gouvernement. [pullquote]Une fois créée, les élus pourront toujours faire bouger la métropole selon les opportunités politiques.[/pullquote]
Maryse Joissains, la maire d’Aix-en-Provence, est l’une des plus ferventes militante anti-métropole. Ce qu’elle prône, plutôt qu’une nouvelle couche institutionnelle qui vienne remplacer celles qui existent déjà, c’est une « coopération de projets » entre les différentes intercommunalités actuelles. « Il faut faire la métropole des besoins stratégiques du territoire. Les transports, bien entendu, on en meurt, la coordination économique, l’aménagement du territoire, l’environnement et les ports ». En clair, elle est d’accord sur le fond, mais refuse que disparaissent les intercommunalités, notamment celle du Pays d’Aix qu’elle préside, et qui lui confère une influence qui diminuera logiquement avec la métropole. Car dans la nouvelle architecture probable, les communes, la métropole et la région seront les trois étages du territoire. Exit le conseil général en 2020, comme l’a promit le président de la République. Et surtout adieu les intercommunalités, qui deviendraient pour leur part des conseils de territoire.
Le fait métropolitain, lui, existe
Si la métropole n’existait pas, cela donnerait donc raison aux élus, qui gagneraient une bataille politique plus qu’idéologique ; sans pour autant changer grand chose à la façon dont s’organise le territoire. Car en réalité, il n’y a guère que politiquement que la métropole n’existe pas. Le train métropolitain, lui, est déjà en marche : au niveau des entreprises, de la manière de circuler des citoyens, mais également au niveau des échanges entre toutes les communes… Le fameux « fait métropolitain » s’exprime, comme le démontre une étude de l’Insee d’octobre 2013. Ce que ne conteste pas Georges Cristiani, maire de Mimet et président de l’Union des maires, qui a pris la tête du front anti-métropole, et déclare à GoMet’ : « Certes, le fait métropolitain existe, mais ce n’est pas en créant une nouvelle institution qu’on va résoudre les problèmes du territoire. Ce qu’il faut, c’est investir pour résorber le chômage ! ».
Le report de la loi ne ferait que faire perdre du temps au territoire. Un temps qui est précieux, quand on imagine les bénéfices que pourraient apporter la métropole. C’est peut être ce qui achèvera de convaincre les élus, comme ceux d’hier craignaient l’arrivée des intercommunalités : « Les élus constateront son impact bénéfique pour leur commune », conclut Olivier Dussopt. C’est peut être le meilleur argument lancé à ceux qui espèrent encore que la métropole ne verra pas le jour en 2016.
(photo d’illustration : wikimedia commons)