Depuis la venue de Jacqueline Gourault à Marseille en octobre, les informations sur la réforme tombaient au compte-goutte. « On n’est au courant de rien de ce qui se passe là-haut », s’agace Georges Cristiani, le président de la association des maires des Bouches-du-Rhône. Mais visiblement, le gouvernement travaille et la première mouture de l’amendement à l’article 56 de la loi 3DS a été présentée aux députés LREM du territoire vendredi 19 novembre. Gomet’ a pu se procurer le texte qui n’est pour l’heure qu’un « document de travail ». Il est donc susceptible de changer d’ici le 6 décembre et le début de son examen à l’Assemblée nationale.
Les conférences territoriales remplacent les conseils de territoire
« Le présent amendement vise à réformer l’architecture et la répartition des compétences au sein de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Les spécificités de ce territoire, en termes de superficie, de nombre de communes membres et de population regroupée, appellent une réponse adaptée en termes de gouvernance », précise le gouvernement dans son nouveau texte. Et première information, la suppression des conseils de territoires est bel et bien prévue à partir du 1er juillet 2022. La loi propose en lieu et place de ces anciennes intercommunalités la création de conférences territoriales des maires : « Les maires des communes formant les anciens territoires pourront se réunir sur des sujets d’intérêts communs », indique sans plus de précision le texte.
Place ensuite au partage des compétences entre la Métropole et les communes qui doit entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2023. Au final, l’amendement dresse une liste de dix compétences qui seraient transférées aux municipalités. Parmi ces dernières, « la voirie et les espaces publics dédiés à tout mode de déplacement urbain ainsi qu’à leurs ouvrages accessoires » sont en effet récupérées par les maires qui le réclament pour nombre d’entre eux. Par contre, le gouvernement ajoute une précision importante : « lorsque celles-ci ne sont pas d’intérêt métropolitain » sans pour autant définir en détail cet intérêt métropolitain. Même chose pour le « soutien aux activités commerciales » et « les parcs et aires de stationnement ».
L’amendement propose ensuite de rendre aux communes érigées en stations classées de tourisme la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ». Enfin, figurent également la gestion des cimetières, les actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager, la protection incendie, les réseaux de chaleur et froid, les infrastructures de charges pour véhicules électriques et l’autorité concessionnaire de l’Etat pour les plages. De son côté, la Métropole pourra toujours élaborer des grands schémas stratégiques concernant certains de ces domaines : la voirie, le tourisme, les réseaux de chaleur urbain, la mobilité électrique et les activités commerciales.
La chambre régionale des comptes à la manoeuvre sur les attributions de compensation
Dans sa dernière partie, l’amendement précise le rôle à jouer de la chambre régionale des comptes (CRC) sur la refonte des finances et notamment les attributions de compensations versées aux communes. Les magistrats doivent rendre un avis sur ces questions avant le 1er juillet 2022. Cet avis sera transmis à la commission locale d’évaluation des charges transférées (Clect) qui formulera des observations dans les deux mois. Enfin, le conseil de la Métropole devra débattre de ces deux rapports au plus tard le 1er novembre 2022 pour « une révision libre des attributions de compensation versées par la métropole aux communes ».
Enfin, le président de la CRC présidera les Clect qui détermineront les charges transférées liées au nouveau partage de compétences entre les communes et la métropole prévu par cet amendement. Il préside uniquement les CLECT qui auront lieu jusqu’en 2023, en lien direct avec ces transferts de compétences.
Une première ébauche loin de faire l’unanimité
Si le document de travail n’a officiellement été transmis qu’aux députés de la majorité présidentielle, les autres élus locaux ne se privent pas pour autant de le commenter avec pour certains une vision très critique. Le sénateur marseillais PCF Jérémy Bacchi estime pour sa part que « le Président veut afficher cette réforme comme une médaille dans le cadre sa prochaine campagne électorale. Et pour cela il n’hésite pas à utiliser les promesses financières en contrepartie de l’acceptation des directives de son gouvernement », dénonce-t-il. L’élu regrette également que « la seule concession apportée aux demandes légitimes des maires, à savoir la rétrocession de certaines compétences de proximité, se paie au prix fort par la suppression des conseils de territoire, maillons essentiels de l’action publique et de la démocratie locale ».
Cet amendement a également été au coeur des débats du conseil municipal d’Aix-en-Provence du 24 novembre. Sophie Joissains et son équipe sont depuis longtemps opposés à cette réforme et le premier adjoint Gérard Bramoullé s’en fait le porte-parole accusant Emmanuel Macron de vouloir « tuer les communes ». Très attaché aux attributions de compensations, il estime que leur baisse pourrait coûter à terme 30 millions d’euros à la commune. « Tout ce que vous dites est faux », se défend la député LREM Anne-Laurence Petel qui rappelle que rien n’est encore décidé sur la renégociation des aides aux communes renvoyant à la conférence fiscale promise par Jacqueline Gourault l’été prochain.