Le plus grand projet d’aménagement urbain de la métropole, Euroméditerranée, continue, 20 ans après son lancement, à transformer Marseille. Le périmètre qui s’étend désormais vers le nord Euroméditerranée 2 (lire notre premier volet) fourmille de nouveaux projets et chantiers. Mais certaines réalisations livrées depuis de nombreuses années ont besoin d’ajustements ou voient parfois leur destin changer avec l’évolution de la ville. Ainsi plusieurs dossiers sensibles sont aujourd’hui sur le bureau de la nouvelle présidente, Laure-Agnès Caradec.
[pullquote] Dock des suds : « l’utilité culturelle, festive et événementielle n’est pas à remettre en cause »[/pullquote] Parmi eux, le Dock des suds. Bâtiment emblématique des nuits marseillaises, occupé par l’association Latinissimo depuis une quinzaine d’années, il pourrait bientôt disparaître pour être remplacé par… une piscine ! Pour l’heure, ce n’est qu’une hypothèse, assurent les dirigeants d’Euroméditerranée. « On va discuter avec eux. Leur utilité culturelle, festive et événementielle n’est pas à remettre en cause», expliquait Laure-Agnès Caradec début février. «Mais l’idée d’être à côté de 2000 logements du parc habité est plus compliquée… » Les trois collectivités réunies (Région, Ville et Département) et Euroméditerranée ont pris rendez-vous avec Latinissimo (le rendez-vous est fixé le 11 mars) pour « amorcer des discussions, bien connaître leurs enjeux, leur mode de fonctionnement, étudier de quoi ils auraient besoin et comment on pourrait éventuellement envisager une relocalisation. On en est aux premières rencontres. Rien n’est arrêté concernant un transfert » martèle Laure-Agnès Caradec. Mais François Jalinot, le directeur du projet s’empresse d’ajouter : « On a déjà anticipé un certain nombre de propositions et regardé notamment la possibilité d’une salle de spectacles sur l’îlot XXL (lire notre précédent volet sur Euromed 2, NDLR). »
Autre sujet sensible pour Euroméditerranée : la rue de la République. Malgré tous les efforts et les investissements consentis pour relancer cette artère stratégique pour le centre de Marseille, le succès commercial n’est pas au rendez-vous. « Il y a un vrai sujet et on reçoit vendredi (le 5 février, NDLR) les deux gros propriétaires fonciers Freo et ANF pour voir ensemble comment avoir une vraie stratégie sur cette artère. Sachant que c’est le prix de la commercialisation qui freine la réussite de cette rue. Donc c’est eux qui en sont maîtres. Sauf qu’il y a une réalité économique aussi à mettre en oeuvre » souligne Laure-Agnès Caradec.
[pullquote] « Cette rue a vocation à faire le lien entre le centre-ville et Euromed 1.[/pullquote] « L’argent public qui devait être engagé a été engagé. Il y a le tramway, il y a la requalification de la voie, il y a des parkings. Donc nous, on a fait les efforts nécessaires. Maintenant il faut aussi que les propriétaires, qui sont maîtres de leur destin, fassent aussi des efforts. Parce que cette rue a vocation à faire le lien entre le centre-ville et Euromed 1. Et ce lien là, il faut qu’ils fassent un effort pour le concrétiser. Nous avons un intérêt commun. Quel intérêt d’avoir des locaux vides ? » s’interroge encore Laure-Agnès Caradec.
François Jalinot observe qu’il y aura probablement bientôt des annonces nouvelles. Et selon Laure-Agnès Caradec interrogée par Gomet’ à la mi-février sur ce sujet, les deux opérateurs fonciers s’apprêtent à présenter un plan nouveau qui devrait être rapidement dévoilé. Jean-François Royer, le directeur du développement d’Euroméditerranée souligne qu’Euromed’ accompagne étroitement ANF et Freo dans la commercialisation. « De ce point de vue, il y a eu quelques bonnes nouvelles. Comme Le NH hôtel, un futur quatre étoiles. C’est la nouvelle attractivité du quartier entre St Charles et la façade littorale qui a convaincu l’opérateur. Et Axis, qui est un opérateur marseillais, a pris 1500 mètres carrés pour développer des espaces de coworking. Sur le numérique, on développe aussi, rue de la République, une offre immobilière nouvelle pour ce type d’entreprises. Sachant qu’il y en a déjà une, Mybox, développée par ANF, qui fonctionne très très bien, tout en bas de la rue de la République, côté place de la Joliette. Ce sont des bureaux flexibles et ils sont pleins à 100%. »
[pullquote]Des tarifs de 20 à 30% supérieurs au marché…[/pullquote] Le directeur général adjoint, Paul Colombani, se penche aussi sur le « cas République » et veut remettre en perspective le dossier. « On pourrait cependant se souvenir que cette opération n’a pas été tout le temps dans cet état de léthargie, rappelle-t-il. Au départ les opérations de Lone Star se sont conduites très rapidement et cela a donné l’impulsion et la dynamique à la ville. De la même manière, ANF a réalisé la quasi totalité de la rénovation de son patrimoine et a une politique très agressive de location de ses rez-de-chaussée commerciaux. Le problème est que le deuxième propriétaire a un patrimoine extrêmement mêlé au patrimoine d’ANF. Le commerce ayant ses règles, à partir du moment où un propriétaire ne fait pas d’effort, parce qu’il garde une grille de prix extrêmement élevée, ça bloque le reste. Rappelons que ce n’est pas par désintérêt de cette zone que l’on se trouve dans cette situation. C’est parce que l’adéquation du loyer avec la réalité commerciale de cette rue aujourd’hui ne se fait pas. Aujourd’hui on a un grand espoir avec le nouvel asset manager (le fonds d’investissement allemand Freo Group a remplacé Atemi en septembre dernier) qu’il y ait une relance à condition que le business plan soit conforme au marché. C’est à dire qu’il faut qu’ils perdent au moins 20 à 30% de ce qu’ils avaient dans leur BP initial. »
François Jalinot conclut enfin : « Il ne reste que 200 logements à réhabiliter. Il va y avoir un hôtel, les logements sociaux ont été faits. Une résidence de personnes âgées est en travaux sur l’îlot 22; une résidence étudiante a été réalisée. Des logements sont en commercialisation. Grosso modo Atemi a fait une bonne partie du job. Le point noir, ce sont les commerces. L’autre point noir c’est l’îlot 12 (voir ici le plan) . Il y a une situation très compliquée avec trois propriétaires, des travaux à faire pour une histoire de raccordement à un réseau d’égoûts qui a été mal fait, si bien que les locaux sont incommercialisables… Il faut aussi dénouer cette affaire. »
[pullquote] Mourepiane : « un rapport bourré d’inepties » selon François Jalinot.[/pullquote] Enfin concernant, le terminal de transports combinés de Mourepiane (hors zone d’Euroméditerranée) dont le destin lie celui du transfert de la gare du Canet (projet de parc des Aygalades sur Euromed 2), François Jalinot ne mâche pas ses mots. « Le rapport d’enquête publique est bourré d’inepties et d’inexactitudes » lance-t-il. Laure-Agnès Caradec a « la volonté avec le port de remettre à plat le projet et d’essayer de rediscuter. Ce qui a fait carence, c’est la concertation. La voie a été laissée aux élus qui se sont opposés au dossier. Et on n’a entendu qu’eux, alors qu’il y avait une vraie pertinence à faire ce chantier combiné. Le cheval de bataille, c’est le passage à niveau de Saint-André. C’est là-dessus qu’il faut se battre, pas sur le projet lui-même. »
Notre série : Euroméditerranée, les grands enjeux de 2016
Euroméditerranée 2016 (1/5) : Euromed’ 2 entre en phase active
Euroméditerranée 2016 (2/5) : piscine, aquarium, casino, arena, grande plaisance… des projets en réflexion
Demain : Euroméditerranée 2016 (4/5) : Et le numérique dans tout ça ?