Pour son collage désordonné sur fond de toile marron, se chevauchent sous ratures et griffes les visages de Proust et Arafat, Mao et Kennedy – ou encore Pasteur, Gandhi et un convoi de chameaux . 1m12 sur 1,70, l’assemblage prend place, en 1993, dans “la grotte des temps futurs”. Dix ans plus tard, ce plasticien disparaît, emporté par un mal foudroyant.
Né à Meknès en 1942, cet artiste marocain n’aura pas cessé d’inventer, en marge des académies et des courants officiels. Cette grotte de 93, Mohammed Kacimi la décrit telle « un coma, un amas de chaos, une esthétique du risque, une poésie qui s’articule autour d’elle même.» Trois ans plus tard – en 1996- il présente à Dak’Art , au Sénégal , “l’oracle des temps”… Une fresque longue de 11 mètres , haute de 2,40. Foin de miniature, l’œuvre occupe un mur entier de la grande salle d’exposition du fort saint Jean. Sans cloison ni cimaise, l’art kacimien se déploie dans un espace monumental.
Afrique assumée
Cherchant à rapprocher Afrique blanche (celle du nord, son berceau) et continent noir, il ébauche un lien entre les deux rives du désert Sahara. Récusant l’exotisme prisé en Occident, Kacimi écrit, tel un visionnaire : « L’Afrique n’est pas seulement un lieu géographique producteur de signes, de rites et de safari ; elle est aussi celui de la mort, du déboisement culturel et de la désertification. »
Fasciné par le mouvement, ce “voyageur elliptique” installe, sur une plage du Bénin, un double panneau circulaire baptisé “la route de l’esclave”, une performance de 1994. Pour sa fille Batoul, il conçoit et peint de splendides robes, en pièce unique. Sur un dépliant de publicité, comme sur une machine à écrire, une table à repasser ou une valise de film, le tempêtueux créateur jette ses couleurs avec énergie, mais non sans tourments visibles.
Éphémère parisien
Se voulant homme de son temps, et de multiples sites, M.Kacimi cultive sa proximité avec la pensée culturelle panarabe, à Bagdad comme à Rabat, tout en participant volontiers à l’aventure créative de l’hôpital éphémère, au coeur du 18e arrondissement de Paris (années 1994/95). Un peu comme un symbole, entre la butte Montmartre et le métissage coloré du quartier de la goutte d’or.
Lien utile
Mohammed Kacimi 1993-2003, une transition africaine au Mucem. Plus d’informations sur le site du musée.