Le collectif Va jouer dehors ! qui réunit autour de l’architecte marseillais Matthieu Poitevin des professionnels de la fabrique de la ville (architectes, urbanistes, promoteurs…) poursuit son travail d’exploration. Après plusieurs expériences lancées depuis 2018 dont celle organisée en 2021 dans les ex-Halles Slimani, à côté du marché aux puces de Marseille, Va jouer Dehors ! présente Le Festival de La Ville sauvage.
Pourquoi “ville sauvage” ? Matthieu Poitevin, concepteur de la Friche de la Belle de mai, présentait en juillet dernier l’événement. Celui qui affiche de longue date des valeurs d’une urbanité puisée dans la ville informelle affiche ses valeurs :« C’est en revenant à ce qui la fonde que la ville trouvera l’élan pour se projeter dans le futur. La ville informelle est sans doute la forme novatrice de la ville à venir et Marseille se propose de devenir le carrefour de cette nouvelle urbanité. Il s’agit de revendiquer cette réalité de ville sauvage et d’en faire un atout.»
Voici donc la dialectique, une sorte de retour aux sources pour mieux s’adapter au monde d’aujourd’hui. Comment donc reconstruire une ville résiliente face aux mutations profondes du monde contemporain, à commencer par le défi climatique ? « La ville sauvage est d’abord une ville vivante. » Le collectif Va jouer dehors ! accuse clairement la charte d’Athènes (*) et son modèle de ville rentable et fonctionnelle de nous en avoir éloigné. C’est une ville qui fige et fixe une forme une fois pour toute. Ce modèle obsolète ne peut que tuer la ville avant même qu’elle ne puisse émerger puisque rien ne peut y advenir, rien ne peut y être modifié ou transformé. Ses nouveaux quartiers sont momifiés à la naissance.» Comme souvent avec Matthieu Poitevin, les formules et les mots claquent fort et affichent leur ambition. A l’urbanisme aseptisé qui règne un peu partout dans le monde, la ville sauvage veut renaître en étant « la ville de la vie…»
Va jouer dehors ! Un collectif aux expériences multiples
Pour phosphorer, le Festival de la ville sauvage s’appuie sur un collectif solide d’acteurs bien en place dans le secteur de l’architecture, de l’urbanisme ou de l’immobilier. Aux côtés de Matthieu Poitevin, le président architecte de l’association et fondateur du cabinet Caractère spécial, on notera la présence de Sopie Rosso, vice-présidente de l’association, professionnelle de la promotion immobilière (DGA développement et opérationnelle de Redman) et Youssef Tohmé (architecte libanais, vice-président) et de Laure Délivré, secrétaire de l’association et par ailleurs, directrice des programmes et du projet Les Fabriques (Linkcity Sud-est).
Parmi les membres d’honneur, citons Emmanuel Launiau, le président du groupe Quartus ou encore Anne Lecaton (architecte et Pritzker 2021. Plusieurs personnalités sont également présentes au conseil d’administration à l’instar Mathieu Rozières (Black Euphoria), Nathalie Solia (Fiesta des Suds), Nicolas Détrie (Yes We Camp) ou encore Olivia Fortin (Mad Mars et adjointe au maire de Marseille).
A ce noyau dur, le Festival de la ville sauvage ajoute de nombreuses contributions extérieures qui viendront durant trois jours alimenter les réflexions. Le lieu des réjouissances n’est pas choisi au hasard. Cette fois, on va jouer dans les anciens entrepôts Abitbol, chemin de la madrague. Un site situé dans le 15e arrondissement, en friche et destiné à accueillir un futur campus du numérique, évolution en version XXL de l’actuelle école présidée par Cyril Zimmermann.
Ville sauvage : c’est comment ailleurs ?
Plusieurs temps forts sont programmés (document source ci-dessous) à commencer, jeudi 15 septembre, par Citta’s Banquet (sur invitation) de 17h à 22h : 150 convives réunis dont une trentaine d’intervenants qui déclameront leur vision de la ville sauvage. Le lendemain, plus classiquement des débats autour d’un tandem d’intervenants, dont un étranger, exploreront des thématiques variées.
Ainsi Mathilde Chaboche, l’adjointe à l’urbanisme de la Ville de Marseille interviendra en compagnie de Giulia Perri (Association Semillas – Pangoa, en provenance du Pérou). Quatre questions seront posées à chaque duo :« Qu’est-ce qui compte dans un projet ? Les bâtiments doivent-ils être durables ou éphémères ? Comment peut-on laisser faire ? Une belle ville peut-elle être moche ? »
En fin de journée, rendez-vous pour la séquence Coeur sur la ville qui présentera une étude de la Fondation Jean Jaurès consacrée aux aspirations des Marseillais en termes de logement et d’urbanisme. Samedi, retour à une vision croisée et internationale avec la mise en perspectives du destin de trois villes soeurs méditerranéenes : Athènes, Naples et Marseille. Les Figures libres (de 14 à 16h) proposent à des groupes de travail composés d’un architecte, représentant de sa ville, un élu, un maître d’ouvrage et/ou promoteur et trois personnes de la société civile de travailler sur un projet visant à réparer par une oeuvre architecturale un lieu existant. Enfin, La Grande chaîne réunira dans une exposition des micro-projets proposés par des étudiants de l’Ecole d’architecture de Marseille. Quelle vitalité ! On va jouer cette fin de semaine à Marseille.
Liens utiles :
> Le site du Festival de la ville sauvage
> L’invité de la rédaction : Matthieu Poitevin, architecte de la ville de demain
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(*) La charte d’Athènes a constitué l’aboutissement du IVᵉ Congrès international d’architecture moderne, tenu lors d’un voyage maritime entre Marseille et Athènes en 1933 sous l’égide de Le Corbusier. Le thème en était « la ville fonctionnelle ». Source Wikipedia