En décembre 2023, le ministère de la transition écologique dévoilait la liste des 50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 en France. Sur la liste, plusieurs entreprises situées dans les Bouches-du-Rhône : Arcelor Mittal (Fos-sur-Mer), LyondellBasell (Berre), ou encore Naphtachimie (Lavera). Alors que les projets industriels se multiplient sur le pourtour de l’étang de Berre, avec l’ambition de faire émerger une « industrie décarbonée », un nouveau projet en ce sens s’apprête à voir le jour.
Baptisé Rhône décarbonation (ou Rhône CO2), il vise à construire à l’horizon 2030 un pipeline de 300 kilomètres de long entre la cimenterie Vicat de Montalieu-Vercieu (Isère) et la zone du Tonkin à Fos. Le projet, chiffré à 1,5 milliard d’euros, est porté par un consortium d’entreprises composé de la cimenterie Vicat de Montalieu-Vercieu (qui figure également sur la liste des 50 sites les plus polluants), la Société du Pipeline du Sud-est (SPSE), Elengy (filiale du groupe Engie), qui exploite le terminal méthanier de Fos Tonkin, et RTE.
Le projet se découpe en trois composantes et nécessitera la construction d’une unité de capture des émissions de CO2 inévitables de la cimenterie Vicat (projet VAIA) ; la création d’un réseau de transport et d’utilisation du CO2 au bénéfice de la cimenterie Vicat et de futurs industriels se situant le long d’une canalisation de 300 km le long de la vallée du Rhône jusqu’au terminal de liquéfaction et d’export du CO2 sur le site de Fos Tonkin (projet Rhône CO2) à Fos-sur-mer. Enfin, le projet vise aussi, à terme, à exporter le CO2 à destination de zones de stockage géologique permanent à l’étranger.
Levier de décarbonation, les technologies de capture, stockage et valorisation du carbone (CCUS) visent à réduire les émissions des secteurs sans autres alternatives. L’État a publié en juillet un document dressant l’état des lieux et les perspectives de déploiement du CCUS en France. Document source en bas de page.
Rhône décarbonation : une concertation publique à venir
Lors d’une séance plénière mercredi 24 juillet dernier, la Commission nationale du débat public (CNDP) a acté la tenue d’une concertation, dont la date n’est pas encore spécifiée, et a désigné deux garants pour mener le débat public à bien : Xavier Derrien et Jean-Michel Fourniau.
Dans une lettre adressée jeudi 1er août aux garants, le président de la CNDP Marc Papinutti souligne « les enjeux majeurs du projet, tant socio-économiques (création d’emplois et formation), qu’environnementaux » ainsi que les « nouveaux risques industriels du fait de la création de l’unité de captation du CO2 et risques spécifiques liés à la présence d’oxygène liquide et de dioxyde de carbone liquide, au transport de ces gaz qui présentent des risques d’explosion et de brûlures, notamment et à leur stockage. » Il attire également l’attention des garants sur « le coût très élevé associé aux technologies de captage du carbone pour stockage ou utilisation en comparaison avec les autres leviers de décarbonation de l’industrie. »
Enfin, une fois de plus, la CNDP insiste pour que cette nouvelle concertation à venir soit mise en lien avec les autres concertations en cours ou à venir sur d’autres projets industriels situés dans la même zone.
Un appel à manifestation d’intérêt pour identifier les émetteurs de CO2 intéressés
De son côté, le porteur de projet Elengy affirme que le futur pipeline s’appuiera sur des infrastructures déjà existantes le long de la vallée du Rhône et dans le périmètre du Grand port maritime de Marseille. Selon les estimations de l’opérateur énergétique, Rhône Décarbonation pourrait permettre d’éviter l’émission de 4 milliards de tonnes de CO2 par an. Les porteurs de projets ont d’ores et déjà lancé un appel à manifestation d’intérêt, qui s’est clôturé le 1er juillet, pour identifier les émetteurs de CO2 intéressés.
SPSE et Elengy sont aussi engagées avec d’autres partenaires dans le programme Syrius, lauréat de l’appel à projet du gouvernement Zibac (Zones industrielles bas carbone) et porté par la plateforme industrielle locale Piiicto. Par ailleurs, SPSE et Elengy participent en tant que « Promoteurs » au Projet d’Intérêt Commun (PIC) franco-italien Callisto, retenu dans la 6ème liste de l’Union européenne officialisée en avril 2024.
Rhône décarbonation n’est pas le seul projet porté par Elengy sur son site de Fos Tonkin : l’expert du gaz naturel liquéfié a aussi pour objectif d’y créer un terminal d’importation d’ammoniac bas carbone, projet pour lequel il a également saisi la Commission national du débat public. Cet ammoniac bas carbone serait ensuite stocké dans un nouveau réservoir à construire sur le terrain aujourd’hui occupé par d’anciens réservoirs de GNL qui vont être prochainement démantelés. Afin d’accueillir ces nouveaux projets, le terminal de Fos Tonkin doit faire l’objet d’aménagements.
L’étude de l’Etat sur le potentiel des technologies de capture, stockage et valorisation du carbone
En savoir plus :
> Le site de la CNDP
> Le site d’Elengy
> Notre dossier sur les projets industriels à Fos