Dans leur rapport présenté à l’Assemblée nationale sur l’étang de Berre (voir notre dossier), les députés ont désigné la centrale EDF de Saint-Chamas comme le principal coupable de ses troubles environnementaux. Le directeur d’EDF hydro Méditerranée, Hervé Guillot, explique à Gomet’ pourquoi il ne partage pas cet avis.
Dans leur rapport, les députés accusent la centrale de Saint-Chamas de rejeter trop d’eau douce dans l’étang mettant en péril sa faune et sa flore. Etes-vous d’accord avec ce constat ?
Hervé Guillot : Nous ne partageons pas toutes les observations du rapport et nous ne sommes pas les seuls. Plusieurs scientifiques, notamment ceux du conseil général de l’environnement et du développement durable, mettent en doute le rôle majeur de la centrale dans la détérioration des eaux de l’étang de Berre. Depuis 2006, tous les acteurs locaux s’accordent à dire que la situation s’améliore. Les herbiers ont notamment été multiplié par quinze jusqu’en 2017. Ensuite, il y a eu la malaïgue en 2018 qui a fait beaucoup de mal mais rien ne prouve que nous soyons responsables. L’étang de Thau a connu les mêmes problèmes avec les mêmes conséquences et pourtant, il n’y a pas de centrale turbinée là-bas.
Les députés vous proposent de réduire de moitié vos rejets d’eau douce dans l’Etang de Berre. Est-ce que ce serait possible ?
Hervé Guillot : Si on réduit de moitié notre débit à Saint-Chamas en bout de chaine de Durance-Verdon, on produira moitié moins d’électricité. Je rappelle que la chaîne Durance-Verdon représente environ un tiers de la production de la région. Il faudra bien compenser et aujourd’hui, notre seule solution de secours serait de se retourner vers les centrales au gaz qui enverrait dans l’air plusieurs dizaines de milliers de tonnes de CO2. Le bilan écologique serait largement négatif. De plus, le rapport sous-estime les conséquences environnementales d’une baisse du débit d’eau douce dans l’étang. Aujourd’hui, il y a un certain équilibre naturel dans les eaux de l’étang. Si demain, on turbine moins, il pourrait y avoir un effet inverse avec une fragilisation de l’apport en nutriment dans l’étang. De plus, il y aurait aussi des conséquences économiques sur l’entreprise elle-même. Diviser par deux le débit à Saint-Chamas, c’est aussi diviser par deux le chiffre d’affaires.
Le rapport évoque aussi la possibilité de déverser l’eau dans la Durance plutôt que dans l’étang…
Hervé Guillot : Impossible. Vous imaginez demain si on se mettait à envoyer 250 mètres cubes par seconde dans la Durance ? Ce serait beaucoup trop important, elle ne pourrait pas le supporter et l’impact serait encore plus important sur l’écosystème de la rivière.
Et votre avis sur l’idée d’un canal de dérivation vers le Rhône ?
Hervé Guillot : Son coût estimé à plus d’un milliard d’euros. Cela me semble colossal et de plus, sa faisabilité n’a pas encore été prouvée.