Mathieu Fonsny, programmateur musical de Marsatac et de plusieurs festivals en Belgique (Brussel summer festival, Fifty lab, Festival de Dour) au sein de l’agence créative KuratedBy, explique à Gomet’ comment il conçoit le « line-up » du festival organisé ce week-end au Parc Borély sans jamais s’éloigner de l’ADN hip-hop et électro.
Vous concevez la programmation du festival musical Marsatac depuis quatre ans. Comment en êtes-vous arrivez là ?
Mathieu Fonsny : Le festival de Dour pour lequel l’agence Kuratedby travaille, fait partie d’une fédération européenne de festivals qui s’appelle De concert ! Marsatac est aussi l’un des adhérents. Il y a une trentaine de festivals et nous nous réunissons deux à trois fois par an pour des échanges d’idées, sur des sujets très divers. L’équipe de Marsatac aimait bien notre travail et notre façon d’appréhender les choses. Au moment où l’ancien programmateur de Marsatac (Dro Kilndjian, co-fondateur de Marsatac, NDLR) a souhaité se retirer, il nous a demandé si nous étions prêts à prendre le témoin. Nous aimions déjà Marseille et nous venions souvent à Marsatac.
Comment travaillez-vous pour choisir votre programmation ?
M. F. : Nous gérons la programmation de plusieurs festivals, ce qui nous permet de nous imprégner d’un lieu mais aussi d’un public et d’une capacité. C’est presque une étude sociologique. J’habite à Marseille mais quand je viens à Marseille j’essaye de m’imprégner de l’esprit marseillais, de comprendre quel est le public et son ADN. C’est que l’on appelle en sociologie de « l’observation participante » : arriver au sein d’une population, y comprendre ses codes, et essayer de la transposer sur l’affiche d’un festival, en l’occurrence Marsatac.
Comment peut-on suivre fidèlement la scène marseillaise depuis Bruxelles ?
M. F. : On vient déjà toutes les six semaines. On sort dans les fêtes officielles ou officieuses. Et puis nous avons des antennes. Notre époque permet de se nourrir très facilement par Internet… On suit aussi beaucoup les collectifs comme La Stud.
Comment vous organisez-vous avec l’association Orane qui porte le festival depuis le départ ?
C’est nous qui avons le dernier mot sur la programmation.
Mathieu Fonsny
M. F. : Nous décidons souvent ensemble, parlons en amont des choix possibles comme pour Naps qui vient de rejoindre la programmation. C’est un rappeur marseillais et cela correspond bien à notre envie de valoriser les artistes locaux, sans parler bien sûr de son talent. C’est nous qui avons le dernier mot sur la programmation. Car nous sommes engagés par Orane pour cela.
Comment intégrez-vous dans votre ligne artistique les contraintes d’audience et de succès populaire ?
M. F. : L’idée c’est de comprendre le public, de lui donner une programmation alléchante pour le faire venir. Tout est imbriqué : on propose quelque chose qui va faire de la billeterie. Après, il y a des contraintes extérieures, en particulier dans la période que l’on vit. Des contraintes d’accès pour le public avec le passe sanitaire, des contraintes d’accès pour les artistes avec les limitations de voyages, des jauges réduites, des spectateurs assis, ou debout… masqués ou pas masqués… Nous voulons proposer quelque chose de qualité avec les contraintes qui nous sont données au moment où on le fait. Ainsi la programmation du festival 2021 a été réalisée au mois d’avril-mai au moment où les spectateurs devaient être assis. On avait même pensé mettre des gradins.
On imagine que cela a été un vrai défi de s’adapter à ces contraintes ?
M. F. Marsatac, c’est de l’électro et du hip-hop. A l’époque où on a pensé cette programmation, l’électro pure et dure de dance-floor était difficilement imaginable. Heureusement, les contraintes ont pu être allégées mais on a du composé avec les mesures en vigueur à ce moment-là.
Par exemple, quels artistes avez-vous programmer avec les contraintes initiales (assis, gradins, etc) ?
M. F. Tous. Y compris les rappeurs. On leur a demandé s’ils étaient d’accord pour un public assis, la plupart ont dit « oui » car leur volonté était de reprendre les concerts, de montrer ce qu’ils avaient produit, de partager leur album… En revanche envisager de l’électro techno avec de l’énergie « dance floor bras en l’air », on s’est dit à l’époque que c’était compliqué d’envisager cela cette année.