Et ils osèrent triompher
Non, nous n’étions pas cette semaine sur le boulevard Michelet pour un improbable succès de l’OM. Pourtant la petite foule hystérique qui se pressait autour de deux hommes encravatés, hurlait des mots que l’on connait bien ici : « on a gagné, on a gagné ». Pour faire bonne mesure un de ces deux olibrius expliqua à de complaisants micros tendus: « c’est la remontada ». Ce n’était pas pourtant de football dont il était question, cette funeste nuit-là, à deux pas de l’Elysée, mais de la singulière décision de la justice de maintenir à l’état de légume un pauvre homme, qui, lorsqu’il s’exprimait, avait demandé l’exact contraire. L’affaire Vincent Lambert nous bouleverse et une partie de ses protagonistes nous atterre. Comme les défenseurs rémunérés des parents qui revendiquent haut et fort leurs engagements intégristes. La mère appartient à la fraternité Saint Pie X et le père a milité à « Laissez les vivre », association sauvagement opposée à l’avortement même en cas de viol. Dans ce contexte vénéneux, peu de voix se sont fait entendre pour soutenir l’épouse et les frères de Lambert qui implorent qu’on applique, pour ce malheureux, la sage loi Leonetti. Dans la région, Renaud Muselier a été l’un des rares à hausser le ton. Sur France Bleu Provence il s’est insurgé contre ce « mélange entre médecine et religion ». Il a ajouté en colère « on est en plein délire ». Médecin, le président de la Région peut, d’expérience, apprécier ce qu’est un état végétatif. L’établissement de soins, qu’il a dirigé près de la Treille, a vu passer ces polytraumatisés disloqués qui ne sont plus qu’une lointaine apparence de vie. Sur le Golgotha, Matthieu et Marc rapportent que le Christ regardant le ciel a lancé « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Dans le regard de Lambert il y a la même détresse et le même appel à la délivrance.
Aujourd’hui c’est déjà demain
Bruno Gilles accélère. Plus exactement, il fait vrombir son moteur. Ses amis le disent et le répètent, il en a sous le capot. Il a consulté sa famille, ses copains et même ses médecins, il est apte pour le service. Le seul qui compte à ses yeux celui de Marseille. Il ira donc jusqu’au bout car il le tonne puissamment il n’est le vassal de personne. Pour mieux se faire comprendre il a dessiné les contours de la politique qu’il veut mener s’il est élu en lieu et place de celui qu’il a si longtemps servi, Jean-Claude Gaudin. Il se résume à un mot que Jacques Chaban Delmas, gaulliste social, a contribué dans les années 70 à installer dans les esprits : « la participation ». Parce qu’il a senti chez ses concitoyens une « vraie envie de changer Marseille », il trace une piste à suivre, « un projet participatif ». Il précise aussi qu’il n’est « candidat à aucune investiture ». Doit-on comprendre qu’il ne se sent pas obligé de passer par la case famille politique et obtenir un quitus pour être candidat au fauteuil de maire ? Affaire à suivre. Enfin il annonce qu’il imposera aux futurs lauréats du suffrage universel « une charte déontologique des élus ». Est-ce à dire que jusqu’ici les édiles de Marseille ont régné sans déontologie. Le mystère s’épaissit.
La guerre du centre
L’expression agace les spécialistes. On parle désormais en décrivant les grandes métropoles, d’hypercentre. A Marseille c’est d’autant plus compliqué que la ville aux 110 villages n’a pas encore réussi à fixer sa zone de chalandise autour d’un noyau dur qui serait le Vieux-Port et la Canebière. A regarder certaines rues on sent néanmoins que les élus s’empressent de corriger le tir et que la piétonnisation avance à… grands pas. Aux Catalans, qui n’est pas l’hypercentre on mesure la distance parcourue et, l’apparition de terrasses relativement confortables laisse entrevoir un avenir prometteur pour ce qui est en train de devenir un ex-quartier populaire. Un peu d’audace aurait voulu qu’on ose faire disparaître totalement la circulation au-dessus de la belle plage de sable mais les particules fines ont encore un bel avenir dans ce périmètre-là. A quelques centaines de mètres – rue Paradis, cours Ballard, rue Beauvau – « c’est Beyrouth » pour reprendre l’expression d’un passant (photo). Un signe qui ne trompe pas le ravalement des façades s’est accéléré. Pas de quoi emballer totalement un Tony Sessine, président de la fédération Terre de commerces 13 qui constate que « l’arrivée des Terrasses du Port (La Joliette) associée à celle du centre Prado (Boulevard Michelet) a contribué à arrêter les gens à la périphérie. » Les Terrasses, après cinq ans d’existence, affichent il est vrai un bilan spectaculaire avec 12 millions de visiteurs en 2018 et un chiffre d’affaires de 320 millions d’euros. Pour autant les commerçants de ce périmètre peuvent tabler sur un phénomène révélé par plusieurs études : les Français reprennent le chemin des boutiques à taille humaine. Et à Marseille pays de la tchatche c’est un paramètre qui compte.
Qui roule qui ?
Rien n’arrêtera ce Bus-là. Le boulevard urbain sud permettra aux automobilistes, à partir de l’A50 ou de la L2, de filer jusqu’à la Pointe Rouge. Cette merveille est prévue pour 2022 et la résistance de quelques riverains, émus par la disparition ou l’amputation de quelques espaces verts, ne semble pas émouvoir les élus à commencer par Lionel Royer-Perreaut, maire du secteur concerné (les 9e et 10e arrondissements). Dans une interview à La Provence, il affirme que vouloir se pencher sur la philosophie du projet est « illusoire ». L’élu des Républicains concède qu’il est nécessaire bien sûr de se projeter sur ce que seront les modes de transport dans quinze ou vingt ans, mais, en attendant, la quatre-voies qui est en chantier amènera au plus près du massif des calanques des milliers d’automobilistes. C’est vrai que la route des Goudes ressemble à s’y méprendre à ce qu’était par exemple le chemin qui conduisait à Saint Tropez au début du siècle dernier. Colette, l’écrivain, avouait qu’il était si chaotique, qu’une fois parvenu dans la presqu’île, on n’avait plus envie de la quitter. On connait le résultat. Désormais le plus célèbre petit port au monde est un immense parking, à partir duquel la foule envahit, l’été venu, les ruelles tropéziennes pour s’offrir une glace et admirer des pachydermes flottants sur lesquels quelques émirs se prélassent. A Marseille, ce bout du monde qu’on découvre, après avoir emprunté un tracé sinueux, révèle une architecture improbable, des rochers arides et quelques paysages de corsaire. De quoi faire saliver les spéculateurs aux aguets. Le Bus devrait leur faciliter la tâche, même si ceux qui gouvernent la ville assurent qu’ils mailleront ce réseau routier à naître, avec des modes doux de transport, tramway et autres véhicules électriques. Parier sur cette promesse parait risqué.
L’école aborde la complexité
« Au cours des siècles, l’histoire des peuples n’est qu’une leçon de mutuelle tolérance, si bien que le rêve final sera de les ramener à l’universelle fraternité, de les noyer tous dans une commune tendresse, pour les sauver tous le plus possible de la commune douleur ». Ainsi parlait au XIXème siècle un Aixois, Emile Zola. Une centaine de collégiens et des lycéens du Vaucluse, des Alpes-de- Haute Provence et des Bouches-du-Rhône ont travaillé pendant des mois sur l’histoire de l’Algérie, française puis algérienne. Ils viennent aux archives départementales de restituer leurs beaux travaux (expositions, vidéos, livres, spectacles…). L’éducation nationale et l’office des anciens combattants et victimes de guerre ont eu raison d’encourager ce devoir de mémoire. Il est grand temps que soient bousculés les mensonges, les approximations, les spéculations qui ont masqué cette histoire déjà lointaine et pourtant encore récente. Les petits-enfants dont les grands-parents sont issus de l’immigration ou de l’exode des Pieds Noirs, doivent pouvoir revisiter ces pages et découvrir quelle passion intime ou collective liait ces peuples à leur sol natal ou d’adoption. Ils donneront ainsi à la phrase d’Albert Camus dans Noces un sens inédit : « Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible ».
On fait pas le poids
La scène se déroule dit-on sur la place des Prêcheurs à Aix. Deux petits vieux assis sur un banc avisent une passante. Le premier : « T’as vu cette longue, sèche, maigre ? » Le second : « Vouai c’est ma sœur ! » Le premier « Oh, belle fille ! » Ainsi vont les Aixois que les Marseillais prétendent, un poil hypocrites. Bon on les réconciliera peut-être en leur précisant que les uns et les autres font le bon poids. Selon une étude les Provençaux portent beau. Les Marseillais en particulier dont seulement 11,7% sont en surcharge pondérale, alors que la moyenne française se situe à 15%. De là à dire que l’aïoli, l’anchoïade ou la bouillabaisse sont à recommander à tous les repas, il y a un pas que nous n’oserons pas franchir !