De la concurrence pour la Bonne Mère
On avait Notre Dame de La Garde. Il faudra compter désormais sur la dame de la garde rapprochée de François Fillon. Comme on dit chez les Américains la députée marseillaise « a fait le job ». Porte-parole de l’ancien Premier ministre, elle s’est multipliée sur les plateaux télé avec un art maîtrisé de l’esquive. Les aspérités de son champion – avortement, mariage pour tous ou encore relations avec la Syrie et la Russie – ont soigneusement fait l’objet d’un gommage efficace. Du coup Valérie Boyer et son ami Guy Teissier se retrouvent en pôle pour les futures municipales de 2020. Guy Teissier a déjà dit que c’était un peu tard pour lui, mais Valérie Boyer, très présente sur le terrain, sera sans doute de la partie. Les petites protégées de Jean-Claude Gaudin – Caradec et Vassal notamment – savent qu’il faudra compter sur elle à moins qu’elle renonce à être fille-maire pour un maroquin.
Les girouettes et le vent
François Fillon n’a pas pu tenir meeting à Marseille. On n’a pas très bien compris pourquoi, il a dû se replier le lendemain du premier tour sur la banlieue de Lyon. Les Républicains ont avancé un temps qu’il y avait une réunion importante au palais du Luxembourg pour le sénateur-maire de Marseille. La consultation de l’agenda du Sénat ne nous a pas éclairés. Bon, comme on l’a beaucoup entendu sur les radios et à la télévision : « on ne va pas se mentir ». La surprise Fillon, et l’élimination un peu sèche de Nicolas Sarkozy, ont laissé nos édiles sans voix, ni voie. Il fallait donc retourner sa veste dans la dignité, ce que fit Jean-Claude Gaudin avec la maestria qu’on lui connait dans ces moments-là. Il a fait le service minimum, n’étant pas non plus très enclin à apporter son soutien à son collègue bordelais Alain Juppé. Bon, un autre marathonien de la politique, Talleyrand, qui était un expert disait : « ce ne sont pas les girouettes qui tournent mais le vent ». Celui qui souffle devrait convenir pourtant à celui qui se rend régulièrement au Vatican. Mais il n’est pas sûr que le catholicisme rural de la Sarthe, soit le même que celui des Bouches-du-Rhône, même si au final Fillon vaut bien une messe.
Macron au micron près
Le passage millimétré de Macron à Marseille et particulièrement aux Pennes-Mirabeau a été suivi à la loupe par les observateurs. Cette mise en examen a permis à d’aucuns de repérer de nombreux Guérinistes dans la caravane suiveuse. De là à qualifier le sémillant candidat à la présidentielle de probable affairiste et de potentiel clientéliste, il y a un pas qui n’a pas été franchi. L’ancien ministre de l’Economie croyait que la salle de 800 personnes du Nord de Marseille était surtout remplie de chefs d’entreprises attirés là par le libéral Yves Delafon président de Pays d’Aix Initiative. Macron devra donc, si l’on en croit ces commentateurs, y regarder à deux fois avant de remettre les pieds dans les Bouches-du-Rhône. En quelque sorte Macron, toujours selon ces investigateurs vigilants, qui a choisi d’être au centre serait proche d’un certain milieu. Misère.
Marseille ne fait plus son cinéma
On peut s’appeler César et disparaître. Le coup de dague, qui a stoppé (momentanément nous dit-on ?) l’activité du cinéma d’art et d’essai de la place Castellane (notre photo), vient des difficultés financières. Voire. Il reste que c’est affligeant. Qu’une ville aussi ciné-génique et historiquement cinématographique perde une de ses petites salles qui faisait le bonheur des cinéphiles, ne réjouit personne. La faute à qui ? Sans doute pas à ceux qui ont fait vivre jusque-là ces agoras nécessaires, où on pouvait échapper à l’artillerie lourde du cinéma, pour découvrir quelques bijoux en famille ou en solitaire. On voit bien pourtant qu’il y a un public, comme les festivals le démontrent régulièrement à commencer par Cinéma Horizontes qui promeut de belle façon la magnifique production ibérique et ses magnifiques acteurs et actrices. A contrario, on a pu constater combien nul n’était prophète en son pays, avec « Chouf » de Karim Dridi, un film sur les « quartiers », qui n’a pas ou peu été programmé dans sa région. Il y a d’autres raisons avancées. Les spectateurs veulent plus de confort, des salles dans des quartiers « fréquentables », le beurre, l’argent du beurre et… Désespérantes ces dernières séances comme les chantait Eddy.
Aux kiosques citoyens
La Marseillaise, née pendant l’épopée de la Résistance, résistera-t-elle encore longtemps. Sa grande sœur, l’Humanité, qui fut sacralisée par la plume de Jean Jaurès, est quasiment au stade de la mort clinique. Pour le quotidien marseillais, certaines mauvaises langues affirment aujourd’hui que sa notoriété ne tenait plus qu’à un fil, celui qui sert à mesurer les points aux concours de boules. Ils désignent ainsi ce grand rassemblement ludique et sportif qui voit affluer chaque été, amateurs et people au parc Borély. C’est vrai qu’un des piliers et responsables du journal, l’inusable Michel Montana a su, de spectaculaire façon faire du titre du journal une marque. Au moins dans le domaine de la pétanque. Mais aujourd’hui comme l’écrivait Vladimir Oulianov dit Lénine « les faits sont têtus ». La Marseillaise ne se vend pas et les 14% d’abonnés en plus, n’ont pu éviter l’épisode actuel : le journal s’est placé sous la protection du tribunal de commerce en déposant le bilan. Personne ne peut se réjouir de cela et surtout pas les journalistes. Il y a eu dans ces pages des talents, des rigueurs, des fulgurances qui se sont exprimés au fil des années. Sans doute a-t-il raté une occasion d’élargir son audience, lorsqu’au tournant des années 2000, Le Provençal et le Méridional ont disparu, laissant orphelins ceux qui trouvaient leur compte dans les identités éditoriales des deux titres. Cette opportunité La Marseillaise, trop solidement amarrée au Parti Communiste, l’a laissée passer. Dans les années 80, Le Matin de Paris qui faisait concurrence à Libération, a été condamné à mort par François Mitterrand qui, arrivé au pouvoir n’avait plus besoin de lui et encore moins d’une pensée de gauche critique. Le cordon ombilical avec la sphère politique étrangle parfois les journaux.
La délinquance et l’éducation
Un livre, que nous vous recommandons d’urgence, d’autant qu’on le doit à « Actes Sud » magnifique maison d’édition arlésienne, nous parle de cette jeunesse des quartiers réputés difficiles où des milliers d’ados, se noient, se perdent, agonisent. Le Toulousain Magy Cherfi, nous livre une perle lumineuse « Ma part de Gaulois ». Ce membre du groupe Zebda, a mouillé la chemise et vidé l’encrier, pour décrire sa « jeunesse pas sage » comme le disait Jacques Brel. Il explique, au détour d’une page, pourquoi il apparaissait aux yeux de ses potes des tours de béton comme un zombi et, pire à leurs yeux, un « PD ». N’avait-il pas osé répondre à une invitation pressante d’un de ses copains : « éventuellement ! » A Marseille, comme le rapporte La Provence, un groupe de chercheurs du CNRS a interrogé cinq cents de ces gosses, et retenu quelques points communs. Pas de père à la maison, une santé chancelante, souvent battus très tôt et puis un tronc commun, si on ose dire, un manque d’éducation parentale jumelé à des parcours scolaires chaotiques. J’ai souvenir d’un sociologue qui m’avait expliqué que les mères des quartiers ne descendaient pas au centre-ville à pied, parce qu’elles ne savaient pas lire le nom des rues. Il y a aujourd’hui à Marseille des gamins qui ne disposent pas des mots pour dire leur révolte, leur souffrance, leur solitude. Certains veulent nourrir l’illusion que les rappeurs peuvent les aider. On veut l’espérer. Des étudiants d’Aix, entraînés par un ancien étudiant de Sciences Po, Jérémy Cornu, ont créé un très beau concours de l’éloquence. Ils veulent aussi à Marseille notamment avec générosité toucher ces publics réputés difficiles. D’autres préconisent, comme on a pu l’entendre lors de la primaire des Républicains, des solutions radicales comme l’enfermement. Qu’ils se rassurent ils sont déjà enfermés dans leurs ghettos physiques et lexicologiques. Dans son discours de réception du Prix Nobel de Littérature (1957), Albert Camus enfant pauvre des quartiers déshérités d’Alger a rendu hommage à son premier instituteur, Louis Germain. Et si soixante ans plus tard on méditait la leçon.