Vous êtes à la tête de One Provence depuis février 2023. Comment se déroule l’atterrissage en Provence ?
Lionel Flasseur : Je ne suis pas étranger au territoire. Je suis né à Marseille. Ma famille est à Marseille, mon père habite la Pointe-Rouge. J’ai fait prépa à Luminy avant d’entrer à Skema à Lille. Je suis revenu il y a une dizaine d’années pour monter une société avec comme actionnaire Voyage Privé. J’ai déménagé alors à Aix-en-Provence. Je suis donc bien contact avec ce territoire. Depuis février jusqu’en juin, l’idée a été de rassembler les pièces du puzzle. Enormément de travail a été fourni par les parties prenantes du programme d’attractivité. Pendant plusieurs années, un travail de fond, à la fois à travers ce que l’on appelle des « portraits identitaires » du territoire, dans la définition des grands enjeux, dans tout ce qui a été fait dans l’agenda économique de la Métropole. On a rassemblé tout cela, en ajoutant les pièces qui nous semblaient manquer et nous en avons fait un document de référence que l’on a traduit lors de la conférence de presse.
Que dit ce document ?
L. F. : Il traduit d’abord ce qu’est l’ambition de ce territoire et les enjeux en matière de marketing territorial. Il affiche un plan d’actions qui découle de ces enjeux ainsi que le système de marques et le récit que l’on veut mettre en place. Ces éléments tangibles ont été validés par le conseil d’administration en juin dernier. Je rappelle que ce conseil est présidé par Dominique Bluzet, président des Théâtres, qui est un acteur économique dans le domaine de la culture. On retrouve dans cette instance la Métropole, le Département, les organisations syndicales patronales, la chambre de commerce, le Top 20, les universités, l’aéroport, le Grand port maritime et Euroméditerranée. La Cpme 13, Provence Tourisme et Provence Promotion sont membres partenaires de droit. On entre désormais dans une deuxième période en affirmant l’opérationnalité de One Provence qui est l’agence d’attractivité avec un rôle qui est de « faire savoir nos savoir-faire actuels et futurs. » Il s’agit de révéler les atouts dans tous les domaines, culturel, sportif, social, économique, environnemental mais aussi de mettre en avant les potentialités. La capacité à se projeter en avant est une notion extrêmement importante parce qu’elle est motivante, elle rassemble et elle montre que ce territoire est un organisme vivant qui va de l’avant, qui affiche ses ambitions notamment dans tous les domaines des grandes transitions.
Tous les territoires peuvent prétendre à ces mêmes ambitions. Quelles sont ici les particularités ?
L. F. : Elles sont variées. La première c’est que nous sommes en prise directes avec ces enjeux de transition. Sur la dimension sociale, avec notamment les grandes migrations, cela fait longtemps que l’on compose ici avec ces sujets. C’est vrai aussi pour le réchauffement climatique car nous sommes, certainement avant les autres confrontés aux changements. C’est un laboratoire à ciel ouvert. Le deuxième élément différenciant encore plus fondamental est le caractère international avec un pied en Europe et un pied en Afrique. Ce pont qui est voulu et travaillé avec le continent africain est une réalité.
Comment se compose votre équipe ?
L. F : Nous sommes cinq personnes avec des fonctions relativement classiques dans le marketing territorial. On va retrouver de la communication, avec Maria Lacombe, de l’expertise dans le digital avec Axelle Baheux, des relations externes et internes avec Sherazade Kacimi et les partenariats avec Christophe Imbert. Tout le monde a été choisi ses capacités à élargir son champ de compétences. En aucune façon, notre travail ne se substitue aux agences en place. Provence Tourisme est là pour faire du développement touristique durable. Provence Promotion a pour objectifs d’allers chercher des investisseurs et des sociétés pour les implanter ici. D’autres filières sont organisées comme le cinéma, les arts visuels. Après ces acteurs de premiers rangs, il y en a d’autres qui ont un département attractivité comme la Métropole. La chambre de commerce ou les organisations patronales détiennent aussi un bout de l’attractivité. L’aéroport, le grand port sont aussi des acteurs incontournables. L’attractivité n’est pas leur raison d’être mais c’est une conséquence de leur mission et de leur organisation.
Lionel Flasseur : « Notre mission est autant de mettre en œuvre le plan d’actions que nous avons défini que d’animer, de mettre en synergies »
Nous sommes donc en aucune façon en superposition. En outre, notre mission est autant de mettre en œuvre le plan d’actions que nous avons défini que d’animer, de mettre en synergies, d’éviter les zones de recouvrement des acteurs en entre eux. Ce dernier point est essentiel car il doit permettre décupler les efforts de chacun par rapport aux moyens dont nous disposons.
Avant d’en venir à vos actions, comment résumer l’ambition du territoire ?
L. F. : On peut la résumer simplement : « faire d’Aix-Marseille Provence le territoire méditerranéen aux avant-postes des transitions économiques, environnementale et sociales, par nature et par conviction. » C’est un mantra. Nous l’avons écrit de manière très synthétique. Nous avons un territoire très hétérogène. Cela complexifie la chose en matière de marketing territorial. Il y a des polarités extrêmement fortes. Il était hors de question d’avoir une stratégie d’homogéïnisation. En revanche, on doit se rejoindre sur un certain nombre de fondamentaux. Et l’ambition et le récit sont des points qui doivent rassembler.
Comment allez-vous évaluer l’atteinte de cette ambition ?
L. F. : Notre plan d’actions se décline à travers trois axes : fédérer, révéler et mesurer. Nous travaillons sur un tableau de bord d’indicateurs d’attractivité. Nous allons avoir plusieurs sources. L’attractivité se mesure en matière de résidentiel, d’économie, de vie culturelle,… Nous serons nourris par des données de l’Insee, de l’Etat, de différents classements. Ce sera des données que nous essaierons d’objectiver au maximum. Il y a l’étude ImageTerr de l’IMPGT (Institut de management public et de gouvernance territoriale d’Aix Marseille Université basé à Aix, ndlr) dans laquelle 2000 Français sur la désirabilité des territoires, ce qui construit l’image, les points saillants. Il y aussi l’outil Radarly, développer par la chaire de marketing territorial de l’IMPGT qui permet de savoir tout ce qui se dit sur le territoire métropolitain. Nous sommes en train de le paramétrer Dernièrement, il y eu l’étude du cabinet Stan que nous analysons. EY sort un baromètre de l’attractivité chaque année. Ensuite pour évaluer la propre performance de notre travail, nous avons des indicateurs intermédiaires.
Lionel Flasseur : « Le rayonnement doit passer par les acteurs, les parties prenantes pour de pas dire les habitants eux-mêmes »
Vous parlez surtout d’indicateurs français. Quid de l’international ?
L.F. : Oui, nous allons les regarder bien sûr. Mais nous avons un parti pris sur les 12 prochains mois : travailler sur l’endogène, le territoire lui-même. C’est un pas de côté et une différenciation par rapport aux autres métropoles comparables. On va travailler d’abord par forces centrifuges. Le rayonnement doit passer par les acteurs, les parties prenantes pour de pas dire les habitants eux-mêmes. Notre plan d’action est concentré à 80% sur ce cercle. Et très rapidement dès 2024, pour mise en place en 2025, nous allons travailler des cibles internationales. Indirectement on le fait déjà avec notamment l’opportunité d’accueillir les JO 2024. Il y aura des journalistes et des délégations du monde entier. On va donc commencer l’international sous le prétexte de cet événement.
C’est quoi l’idée ? Quelles leçons vous tirez notamment de la récente coupe du monde rugby
L. F. : Le constat, le rapport d’étonnement qui est personnel et qui n’engage que moi, c’est que l’on a un vrai savoir pour l’organisation de grands événements mais notre métier est de. tirer de ces rendez-vous un maximum d’impact en matière d’influence et d’images. C’est-à-dire comment fait de la prospection et de l’influence touristique, économique… Je pense que l’on peut aller plus loin dans la capitalisation au-delà du moment de l’événement. Il faut donner encore plus de place à la partie rayonnement et influence sur ce type d’événements et s’améliorer sur la coordination. Il faut savoir ce que chacun fait pour regrouper et tenter d’atteindre des tailles critiques. C’est très concret.
Je ne vais pas révéler ce qui va se passer pour les JO. Ce n’est de notre ressort et je pense que c’est un peu prématuré. Le programme va commencer dès janvier et qui sera cadencé. Christophe Imbert est chargé d’un groupe coordination avec les organisations patronales, chambre de commerce, Top 20, les agences, la Métropole, le Dépattement pour une mission de rayonnement. Le point d’orgue sera l’arrivée de la Flamme le 8 mai. C’est un grand moment qui est potentiellement plus important que les JO en eux-mêmes. A travers le Département, nous serons aussi présents à Paris au sein du Club France.
Lionel Flasseur : « Vous ne pouvez pas dire d’un côté “on veut développer dans ce sens” et de l’autre on veut “démarketer” »
Quelle articulation avec la Région et la Ville de Marseille ?
L. F. : Une partie de mon travail avant le recrutement de l’équipe a été de rencontrer et d’échanger avec le Comité régional du tourisme et de l’agence Rising Sud. Ils sont au courant. Il y a une explication de texte permanente sur ce que l’on fait. Je pense que l’on peur aller plus loin dans la relation. Mon expérience précédente à Only Lyon et Rhône Alpes Auvergne Tourisme, me laisse penser que les régions ont tout intérêt à ce que les métropoles aient des programmes de marketing puissant. Plus les marques d’un territoire sont fortes, plus on s’en trouve grandi. En aucune façon, nous sommes en concurrence. Concernant Marseille, on pourrait citer Aix-en-Provence, deux points. Premièrement, techniquement ces villes ont été impliquées dans le travail qui a été réalisé ces dernières années. Deuxièmement, notre repère c’est l’agenda du développement économique parce qu’il a tout ce qui fait métropole. Aujourd’hui les villes de Marseille et d’Aix ne font pas partie directement du programme de marketing territorial. Certains diront qu’il faut qu’ils soient impliqués, d’autres que ce n’est pas nécessaire puisque la Métropole comprend ces villes comme l’ensemble des communes. Personnellement je préfèrerais qu’au-delà des contacts techniques que l’on continue d’avoir, on aille dans le même sens au moins dans le discours. Vous ne pouvez pas dire d’un côté « on veut développer dans ce sens » et de l’autre on veut « démarketer ». Attention d’ailleurs à ce terme car que le démarketing c’est du marketing ! On appelle cela du « marketing de pénurie. » Il est donc nécessaire d’aller dans le même sens. L’autre point important est que le programme d’attractivité ne soit surtout pas politisé. On répond à une vision politique mais on ne doit pas être politisé. La frontière est fine mais si on ne la respecte pas, on ne peut embarquer tout le monde.
Quelles sont les actions que vous avez mis en place ?
L.F : Il y en a dix. D’abord de la communication notamment pour la diffusion du manifeste de One Provence. Nous sommes en train de mettre en place, c’est une première en France sinon en Europe, un site Internet de marketing territorial uniquement basé sur l’intelligence artificielle. On fera un lancement au 1er trimestre 2024. Nous allons lancer un réseau d’acteurs du changement. Il s’agit de mettre en réseaux les réseaux existants et non pas de créer le nième réseau d’ambassadeurs. Il y Massilia Mundi, les ambassadeurs de Provence récemment créé par le sous-préfet d’Aix-en-Provence. Tous les réseaux d’Alumni sont aussi extrêmement intéressants. Là aussi on veut faire un pas de côté. Nous voulons plutôt essayer de fédérer les réseaux et d’identifier certains membres qui sont particulièrement actifs pour le rayonnement de cette métropole. Ce sont des gens que l’on va reconnaitre, que l’on va mettre en valeur, que l’on va pouvoir mobiliser et valoriser. Ils seront reconnus comme des acteurs du changement avec une image médiatique. Cela peut se matérialiser par une carte qui leur permettra d’entrer dans des expositions ou dans tels ou tels endroits. Ils auront un traitement qui les reconnait en tant que personne qui compte. On va leur confier « les clés de la ville ». Cela peut être des gens de milieux très différents.
Vous comptez en recruter combien ?
L.F : Je pense que si nous arrivons en avoir entre 50 et 100, ce serait bien. 100 ce serait très bien ! Le lancement est prévu en janvier-février.
Vous préparez également une académie. En quoi cela va consister ?
L.F : One Provence souhaite créer une “académie” pour former les salariés ou représentants de chaque instance membre. L’objectif est que les personnes concernées au sein des parties prenantes aient un vernis épais sur tout ce qui fait métropole, actuellement et à l’avenir. Cela va se concrétiser par cinq à six rendez-vous de formation, en présentielle ou distancielle, dans l’année. La première session aura lieu le 25 janvier.
Combien de personnes souhaitez-vous atteindre ?
L.F : Je pense qu’il y a entre 500 et 1000 personnes que nous devons toucher et qui doivent être, au bon sens du terme, des VRP de la métropole. Les formats de l’académie peuvent intéresser un deuxième cercle comme des opérateurs immobiliers, des agences de communication etc. Plus on aura de monde, plus on va développer un sentiment d’appartenance et une motivation. C’est évident. Les formats de l’académie seront mis à disposition sur une plateforme numérique qui pourra être enrichie pour alimenter une base de documentation.
D’autres projets pour 2024 ?
L.F. : Il va y avoir un film manifeste. C’est un outil très important car il ne faut pas sous-estimer la fierté d’appartenance qu’il crée. Nous allons aussi lancer un réseau de lieux totems. La plupart des démarches de marketing territorial aiment avoir un lieu extraordinaire. Ici c’est un lieu extraordinaire (entretien réalisé au Club 29 de la tour La Marseillaise, ndlr). Il y a un effet whaouh en haut d’une tour comme la sky room d’Only Lyon mais cette dernière a fermé. Les équipes ont changé et la sensibilité politique aussi… Nous, le pari que l’on veut faire ici c’est de tenir compte de l’hétérogénéité du territoire, de sa taille et de la multiplicité des domaines d’excellence. Il s’agit donc de créer un réseau de lieux totémiques, une dizaine de sites pour l’année 2024 soit un par mois. C’est l’objectif. La définition du lieu est qu’il provoque « l’effet waouh ». Cela peut-être visuel ou intellectuel et doit être conjugué à l’emblème qu’il représente mais aussi les personnes qui l’incarnent. Le data-center Digital realty, lieu extraordinaire, emblème mondial, avec un dirigeant extraordinaire et passionnant (Fabrice Coquio, ndlr), ça c’est un lieu totémique. L’aéroport de Marseille Provence sera aussi l’un de ces lieux comme le port center du GPMM.
Vous souhaitez aussi élargir la base des membres de One Provence
L. F. : Oui. Il est important que des grandes entreprises ou des sociétés pointues dans leur domaine aient envie de rejoindre le collectif One Provence. Nous aimerions atteindre les 20 à 25 membres dans un an. Les nouveaux partenaires pourront apporter leur contributions tant financièrement qu’en nature par leur rayonnement, la personnalité du dirigeant…. On va élargir le cercle des acteurs au service du rayonnement du territoire.
L’ambition du Club Top 20 qui regroupe les plus grandes entreprises du territoire à sa création était d’entrer dans le top 20 des métropoles européennes. Comment vous différenciez vous ?
L. F. : L’ambition est plus qualitative et moins quantitative. Je ne dis pas que les ranking ne sont pas importants et ils feront partie des indicateurs. Aujourd’hui, l’ère est à la qualité et pas à la quantité. Le rêve que l’on veut proposer est plus noble que d’être dans un classement dont les critères sont forcément partiels.