On oppose souvent le groupe à l’individu. Mais l’individu est au cœur du collectif qui est lui-même formé d’une multitude de personnes. Comment se réapproprier les technologies et le temps dans ce contexte ?
L’un des problèmes du techno-capitalisme comme je l’appelle c’est d’avoir réalisé le rêve de Margaret Tatcher lorsqu’elle disait « entre l’Etat et l’individu il n’y a rien ». Et aujourd’hui effectivement il n’y a rien. On est dans une société hyper individualiste. Quand je vois mes étudiants à l’université d’Aix Marseille, je trouve ça assez fou.
Or j’aime bien un livre d’Adam Smith « La théorie des sentiments moraux », où il nous explique que la liberté de l’Homme ne peut s’exercer que dans la relation à l’autre. Si on l’intègre dans notre République française, le techno-capitalisme a fait individu mais tué le citoyen. Je crois que tout ce dont je parle ne peut se reconstruire que si nous redevenons aussi citoyens.
Je suis persuadé qu’il n’y a pas beaucoup d’autres solutions. De là à dire que c’est la marche à suivre… Jusqu’à présent on entend peu -voir pas- de politiques s’exprimer sur ce sujet.
Vous avez cité Orwell. Si vous vous projetez dans le futur, où pensez-vous que le système actuel nous mène ?
R. V. Mon premier élément de réflexion découle du constat que l’Homme ancien est terminé. Nous ne pouvons pas aller plus loin dans la productivité a la différence de la machine. Il y a là un véritable projet politique qui commence à émerger un peu comme dans la série Netflix « Black mirror ». Il faut réadapter l’Homme à la vitesse de la machine.
Je vois une première étape en 2000 avec la « Stratégie de Lisbonne » d’harmonisation des études en Europe. Elle consiste à faire de l’Union Européenne une économie des connaissances. En tant qu’enseignant on doit transmettre un savoir-utile. Mais on ne forme plus les étudiants à être.
La deuxième étape a commencé il y a un moment, on n’est plus dans la fiction. En 1996 dans la Sillicon Valley, un scientifique a publié un article sur la captologie. La science du temps pour vulgariser. Tous les dispositifs mobiles sont des objets qui doivent pouvoir capter le temps et donc sa valeur.
En parallèle la théorie du « nudge » a émergé. Traduite par « coup de pouce », cette théorie s’intéresse au moyen d’influencer nos comportements. La fusion de la captologie et du « nudge » est une arme d’influence gigantesque. Aux États-Unis, un jeune de 21 ans a passé plus de temps sur son mobile que le cumul de sa scolarité au collège et au lycée.
La troisième étape m’a interpellé dans un article des Échos traitant du retour dans la Silicon Valley du LSD et des drogues psychédéliques censées accroître la créativité et les performances. J’ai aussi découvert qu’elles étaient, avec le mouvement hippie, au centre des recherches informatiques de l’époque et de la naissance de la cybernétique.
On arrive maintenant à l’Homme augmenté tel qu’on l’imagine : raccorder l’individu à la machine. Notamment avec des puces -qui existent déjà- nous permettant de communiquer directement avec elle. On nous dit que c’est cela qui va nous libérer du risque d’emprise de la machine. Voilà où nous allons.
On oppose souvent le groupe à l’individu. Mais l’individu est au cœur du collectif qui est lui-même formé d’une multitude de personnes. Comment se réapproprier les technologies et le temps dans ce contexte ?
L’un des problèmes du techno-capitalisme comme je l’appelle c’est d’avoir réalisé le rêve de Margaret Tatcher lorsqu’elle disait « entre l’Etat et l’individu il n’y a rien ». Et aujourd’hui effectivement il n’y a rien. On est dans une société hyper individualiste. Quand je vois mes étudiants à l’université d’Aix Marseille, je trouve ça assez fou.
Or j’aime bien un livre d’Adam Smith « La théorie des sentiments moraux », où il nous explique que la liberté de l’Homme ne peut s’exercer que dans la relation à l’autre. Si on l’intègre dans notre République française, le techno-capitalisme a fait individu mais tué le citoyen. Je crois que tout ce dont je parle ne peut se reconstruire que si nous redevenons aussi citoyens.
Je suis persuadé qu’il n’y a pas beaucoup d’autres solutions. De là à dire que c’est la marche à suivre… Jusqu’à présent on entend peu -voir pas- de politiques s’exprimer sur ce sujet.
Vous avez cité Orwell. Si vous vous projetez dans le futur, où pensez-vous que le système actuel nous mène ?
R. V. Mon premier élément de réflexion découle du constat que l’Homme ancien est terminé. Nous ne pouvons pas aller plus loin dans la productivité a la différence de la machine. Il y a là un véritable projet politique qui commence à émerger un peu comme dans la série Netflix « Black mirror ». Il faut réadapter l’Homme à la vitesse de la machine.
Je vois une première étape en 2000 avec la « Stratégie de Lisbonne » d’harmonisation des études en Europe. Elle consiste à faire de l’Union Européenne une économie des connaissances. En tant qu’enseignant on doit transmettre un savoir-utile. Mais on ne forme plus les étudiants à être.
La deuxième étape a commencé il y a un moment, on n’est plus dans la fiction. En 1996 dans la Sillicon Valley, un scientifique a publié un article sur la captologie. La science du temps pour vulgariser. Tous les dispositifs mobiles sont des objets qui doivent pouvoir capter le temps et donc sa valeur.
En parallèle la théorie du « nudge » a émergé. Traduite par « coup de pouce », cette théorie s’intéresse au moyen d’influencer nos comportements. La fusion de la captologie et du « nudge » est une arme d’influence gigantesque. Aux États-Unis, un jeune de 21 ans a passé plus de temps sur son mobile que le cumul de sa scolarité au collège et au lycée.
La troisième étape m’a interpellé dans un article des Échos traitant du retour dans la Silicon Valley du LSD et des drogues psychédéliques censées accroître la créativité et les performances. J’ai aussi découvert qu’elles étaient, avec le mouvement hippie, au centre des recherches informatiques de l’époque et de la naissance de la cybernétique.
On arrive maintenant à l’Homme augmenté tel qu’on l’imagine : raccorder l’individu à la machine. Notamment avec des puces -qui existent déjà- nous permettant de communiquer directement avec elle. On nous dit que c’est cela qui va nous libérer du risque d’emprise de la machine. Voilà où nous allons.