Avec l’application de la loi 3DS, la ville de Marseille a récupéré la compétence tourisme le 1er janvier 2023à la Métropole Aix-Marseille. La gouvernance de l’Office du tourisme revient donc à la municipalité. L’adjoint à l’économie, Laurent Lhardit (PS), pourrait être élu président de l’Office de tourisme lors du prochain conseil d’administration. L’actuel président de l’OT, Marc Thépot, assure que « la transition se déroule de manière intelligente et apaisée. » Dans un entretien, l’élu socialiste livre à Gomet’ les grandes lignes de sa politique touristique jusqu’en 2026.
Vous reprenez les rênes de la politique touristique à Marseille, auparavant une compétence métropolitaine. Qu’est-ce que ça va changer ?
Laurent Lhardit : Le 10 février, en conseil municipal, nous allons voter les nouveaux statuts de l’Office du tourisme de Marseille, qui pour l’essentiel, transformer les conseillers métropolitains en conseillers municipaux. Nous allons présenter notre projet du développement touristique aux 45 salariés de l’Office du tourisme et commencer à travailler avec eux. En parallèle, nous allons certainement créer une organisation, comme un conseil de développement, pour associer tous les acteurs du tourisme aux grandes orientations de la politique touristique.
Pourquoi mettre en place cette nouvelle méthode ?
L. L : Actuellement un comité de direction très large se réunit. Mais il n’a pas de sens car par exemple les transporteurs ne sont pas représentés. Nous tenons donc à associer la SNCF, la Régie des transports métropolitains (RTM), le Grand port maritime de Marseille (GPMM) et l’aéroport Aix-Marseille Provence pour orienter les décisions. Nous souhaitons aussi les faire travailler ensemble. Par exemple, les hôteliers ont besoin de parler à la RTM pour connaître les services de bus en été. Et bien là ils pourront le faire directement. Mes relations avec Marc Thépot [Président actuel de l’Office du tourisme depuis 2020, professionnel de l’hôtellerie, bientôt remplacé par un élu de la ville.] sont excellentes. Il sera surement associé à ce conseil de développement.
Quelle est votre ambition pour le tourisme à Marseille ?
L. L : Sur le fond, nous souhaitons développer une politique de tourisme durable dans toute sa dimension. La transition écologique des activités touristiques doit passer par la transition des transports car un touriste, c’est une personne qui se déplace. Le tourisme doit être supportable par Marseille et bien s’intégrer dans l’économie.
Quels sont vos objectifs pour développer le tourisme durable ?
L. L : Nous avons deux principaux objectifs. D’abord, étendre les flux touristiques sur l’ensemble de la ville. Les mairies de secteurs seront associées aux décisions pour travailler leur propre politique touristique. Par exemple Sophie Camard, maire (GRS) des 1er et 7e arrondissements, essaie de gérer les flux et le sur-tourisme dans le centre-ville, alors que Sylvain Souvestre (LR), maire des 11e et 12e arrondissements, veut attirer au Château de la Buzine ou sur les sentiers de Pagnol. Le deuxième axe est de désaisonnaliser. Nous ne voulons plus faire de promotion touristique l’été. Notre objectif est d’accélérer l’attractivité de la ville en hiver, ce qu’on appelle les ailes de saisons.
Nous voulons étendre les flux touristiques sur l’ensemble de la ville et accélérer l’attractivité de la ville en hiver.
Laurent Lhardit (PS), adjoint à l’économie et au tourisme
…En créant de grands événements l’hiver par exemple ?
L. L : J’ai fait une proposition au maire, Benoît Payan, que l’adjoint à la culture, Jean-Marc Coppola (PC), soit un membre de droit de l’Office du tourisme. Les événements culturels drainent du tourisme, comme les concerts. Il y a encore quelques années, quand les tourneurs des grands concertistes venaient dans le sud, ils passaient par Montpellier et Nice mais ils évitaient Marseille. Alors qu’aujourd’hui, les professionnels nous le disent, ils veulent tous venir. Surtout que les concerts peuvent passer par Marseille en janvier et février. C’est très important d’intégrer la dimension tourisme avec la dimension loisirs. Pour nous les premiers touristes, ce sont les marseillais. Avec l’Été marseillais, nous avons déjà montré que les Marseillais en profitent autant que les touristes, notamment à l’espace Bargemon. L’Office du tourisme doit se tourner vers les loisirs.
Quelle est votre vision de l’augmentation de l’activité Airbnb pour le développement du tourisme à Marseille ?
L. L : En 2022, la contribution des locations de courte de durée à la taxe de séjour était de 2,8 millions d’euros. La ville capte la taxe de séjour pour la redistribuer à l’Office du tourisme. [la part de taxe de séjour des locations de courte durée représente de 40% du budget total de l’OT de Marseille qui est de sept millions d’euros, Ndlr]. Cette augmentation de volume ne veut pas forcément dire qu’il y a plus de Airbnb, mais que la fréquentation à Marseille est plus régulière et que les prix augmentent. Les hôteliers sont beaucoup moins véhéments par rapport à Airbnb qu’auparavant car ils sont taxés dorénavant.
Notre volonté est de renforcer la contrainte sur les locations de courte durée.
Laurent Lhardit
Souhaitez-vous mieux réglementer les locations Airbnb ?
L. L : J’entretiens cette discussion avecl’adjoint au logement, Patrick Amico (Printemps Marseillais). Ces réservations de courte durée affectent le marché de l’immobilier dans toute sa globalité. Notre volonté est donc de renforcer la contrainte sur les locations de courte durée. Ça ne va pas les faire disparaître mais il faut les limiter.
Quelle sera votre position sur les bateaux de croisière ?
L. L : Je n’ai pas de problème avec la petite et la moyenne croisière. Ce sont bateaux géants mon problème, les flux et les effets de stress sur la ville. Nous n’avons pas les équipements adéquats pour accueillir autant de gens qui se concentrent sur les mêmes endroits en centre-ville. Autant, nous reconnaissons l’impact économique positif de la grande croisière sur le port de Marseille-Fos, autant nous affirmons que ces touristes génèrent des retombées économiques faibles pour la ville de Marseille.
Si l’été prochain, nous faisons face à de nouveaux des pics de pollution, nous allons demander au préfet de réduire l’accès au port.
Laurent Lhardit
Pour autant, les raccordements à l’électricité sur les terminaux du port sont en train d’être installés…
L. L : Oui, mais nous avons un mandat jusqu’à 2026 et nous avons des engagements vis-à-vis des Marseillais. Donc, quand le port nous annonce l’électrification à quai opérationnelle en 2025, voire 2026 si les travaux prennent du retard, c’est trop tard pour nous. Il est vrai que les compagnies font déjà beaucoup d’efforts mais nous voulons que ça aille plus vite et plus fort. Si l’été prochain, nous faisons face à de nouveaux des pics de pollution, nous allons demander au préfet de réduire l’accès au port. Regardez ce que font Nice et Monaco en limitant les bateaux à 150 mètres. Ici, nous accueillons des bateaux longs de 350 mètres. Nous allons renforcer nos demandes à l’Organisation maritime internationale (OMI) pour passer en zone ECA [Emission control area, zone encore plus contraignante que la zone SECA, mise ne place au 1er janvier 2025, Ndlr]. Et on ne demande pas la lune… On demande juste ce qui existe déjà en Europe du Nord, sur les côtes américaines, sur les côtes chinoises. Nous devons sauver cette mer Méditerranée.
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