Cette question revient sans cesse au cours d’une vie : « Suis-je légitime dans mon rôle ? ». Elle est d’autant plus présente chez les chefs d’entreprises qui portent sur leurs épaules la responsabilité du succès de toute une équipe. Difficile cependant pour un dirigeant d’estimer la légitimité de son projet. Faut-il encore connaître les indicateurs qui la définissent ? Deux chercheurs d’Aix-Marseille Université, Bénédicte Aldebert et Antonin Ricard, et l’entrepreneur Jean-Baptise Jaussaud, ont décidé de se pencher sur la question et ont créé en janvier 2020 la première chaire dédiée à la légitimité entrepreneuriale. Dans le cadre de leurs travaux et pour impliquer l’ensemble de la communauté académique et économique, ils ont lancé l’université d’été sur la légitimité entrepreneuriale les 12 et 13 juillet à la Cité de l’innovation et des savoirs d’Aix-Marseille.
La légitimité : du concept abstrait à l’indicateur utile
« Chaque échelon de la vie de l’entreprise supplémentaire relance cette question de la légitimité », avance Laurie Giuggiola, co-fondatrice de la start-up marseillaise Alt-GR, spécialisée dans les data science à l’occasion d’une table-ronde de l’université d’été. La légitimité du projet entrepreneurial se pose aussi bien pour les jeunes sociétés que pour les grands groupes. Elle prend simplement des formes et des indicateurs différents. « Personne ne connait les dirigeants de Coca-Cola, la marque vit en dehors de leurs identités. A l’opposé, tout le monde connaît Xavier Niel mais assez peu l’ensemble de ses activités », explique Nicolas Mérindol, le président de Carmin Finance et de ces universités d’été sur la légitimité entrepreneuriale. Ce concept varie donc selon les stratégies mais les chercheurs souhaitent le préciser pour en faire un outil d’aide à la décision des entreprises.
Un algorithme pour évaluer la légitimité des entreprises
En 2004, les économistes Frédéric Delmar (EMLyon) et Scott Shane (Case Western, US) publient un article concluant à une plus forte réussite dans les 30 premiers mois d’existence des entreprises qui peaufinent leur légitimité. Cette publication interpelle de nombreux chercheurs dont Antonin Ricard et Bénédicte Aldebert qui décident d’élaborer un outil concret de mesure de cette fameuse légitimité : « Les travaux sont encore trop théoriques (…) Nous voulons offrir aux décideurs une solution pour se conformer à certaines audiences afin de faire croître leurs entreprises sans pour autant perdre leur identité », explique à Gomet’ Bénédicte Aldebert. Grâce à sa chaire, elle a lancé le développement d’un algorithme traitant les données des sociétés disponibles sur les réseaux sociaux et dans la presse. « Selon les secteurs, ce sont les deux vecteurs les plus impactant sur la réputation », précise-t-elle. Pour démarrer, ils travaillent sur les secteurs des biotechnologies et des fintech. « Le but est au final de détecter tous les bruits autour des entreprises pour avoir une idée de leurs évolutions et de pouvoir indiquer si elles vont dans le bon sens ou pas. C’est un outil d’aide à la décision », explique-t-elle. Aujourd’hui, une quinzaine de personnes travaille sur le projet, chercheurs et entrepreneurs confondus. Une déclaration d’invention a été déposée avec la société d’accélération de transfert de technologie (Satt) Sud-Est et la première version efficace de l’algorithme est attendue pour le début de l’année prochaine.
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