Comment une ETI familiale, comme se définit Marfret, peut-elle se développer dans l’univers impitoyable des “bigs” de la logistique ? De 2006, jusqu’à la crise du Covid, confie Raymond Vidil, président de Marfret, « les prix baissaient et il était vraiment difficile d’être petit dans ce monde de géant ». Les équations sont simples : la majorité des navires des grands mesure 400 m de long et transporte 20 000 “boîtes”, les fameux conteneurs. Les bateaux de Marfret, avec un effort de construction d’une flotte autonome, ne mesurent que 180 m de long et transportent 2 500 boîtes. « L’art de la compagnie, c’est l’itinéraire » et au cours de la dernière décennie, Marfret loin de s’opposer aux majors, s’est allié avec Maersk ou CMA CGM.
« Nous avons vécu, déclare Raymond Vidil, deux révolutions qui ont changé notre métier : l’internet et le conteneur. L’internet nous permet de travailler avec plus de 110 pays et le conteneur a totalement transformé notre pratique. Nous ne sommes plus simplement des maritimes qui transportent des biens d’un port à un autre, nous suivons la marchandise de son point de départ, jusqu’à sa livraison au client final ». Dans cet univers, la concurrence est exacerbée pour arracher des parts de marché et massifier au maximum avec 6 000 porte-conteneurs en activité sur les mers du globe.
Mais à l’été 2020, la logistique mondiale se grippe et la mécanique qui avait permis, pendant 25 ans, une croissance de 6 à 7 % des échanges mondiaux entre en crise.
« Nous avons su alors», raconte Raymond Vidil, profiter « d’une évolution miraculeuse » ; nous étions compétents sur les fruits tropicaux, mais ils étaient jusqu’alors transportés, en palettes, dans des navires frigorifiques spécialisés. Nous avons profité d’une nouveauté dans le shipping, ce que l’on appelle le Reefer, abréviation du « Refrigerated shipping container », un grand réfrigérateur permettant le transport de cargaisons à température contrôlée, un frigo de 30 m3 ! Le conteneur Reefer est alimenté en courant par les prises du navire. Le maintien de la température est contrôlé et géré et tous les paramètres peuvent être suivis depuis la passerelle. Marfret a saisi cette opportunité pour servir ses clients historiques dans les fruits tropicaux.« On a transformé nos bateaux, raconte le Président de Marfret, on a rajouté des groupes électrogènes, on a augmenté la puissance électrique». Un conteneur normal rapporte 1 500 $ par voyage, alors que le conteneur réfrigéré réalise un chiffre d’affaires du double : 3 000 $.
Cette nouvelle niche, pilotée par Guillaume Vidil, directeur général, a permis à Marfret de continuer sa croissance. En 2021, son chiffre d’affaires est monté de 200 à 225 millions d’euros avec un EBITDA (résultat opérationnel) de 31 millions d’euros. L’entreprise familiale emploie 300 salariés dont 90 à Marseille, une partie importante des marins vient d’Ukraine et Marfret déploie sa solidarité avec leurs familles.
Liens utiles :
> Le site de la compagnie Marfret
> [Telex Eco] La Plateforme, Cnim, Marfret, le Castel, 8 Advisory…
> CMA-CGM : le défi du transport du homard vivant se relève à Carnoux-en-Provence