Vent de colère dans les locaux de la rédaction de Paris-Turf, leader sur le marché de la presse d’information hippique, après que le Tribunal de commerce de Bobigny ait examiné, lundi dernier, les propositions de reprise du groupe en redressement judiciaire depuis fin mai. En cause, la probable reprise du groupe par la holding personnelle de Xavier Niel, NJJ Press, et la suppression de postes qu’elle entraînerait.
Jacques-Henri Eyraud, l’actuel président de l’OM, qui détient 66% des parts du groupe a décidé de les revendre, après une longue période d’incertitudes pour les employés du groupe. « On a eu de gros problèmes de trésorerie et une mauvaise gestion de la direction alors que notre activité a toujours été rentable » , déplore Frédéric Guignard, le rédacteur en chef de Paris-Turf.
Deux repreneurs étaient en lice pour le rachat du groupe : le PDG de Free, devenu en quelques années véritable patron de presse (rachat du titre Le Monde et Nice-Matin) et l’imprimeur Riccobono allié à Mayeul Caire. La position des salariés allait en la faveur de ce dernier, déjà détenteur d’un titre hippique « Jour de Galop » .
Un dialogue difficile
Des négociations ont eu lieu entre le CSE (Comité Social et Economique) et les avocats des repreneurs potentiels. Du côté de l’imprimeur Riccobono, le dialogue a permis un consensus pour améliorer les indemnités de départs et réduire la perte d’emplois mais chez NJJ Press : silence radio. « Sur les 250 emplois du groupe, 175 seraient sauvés par le rachat de Riccobono et les deux sites seraient conservés (Châtillon-sur-Seine et Aix) alors que la reprise par Xavier Niel en sauverait 151 et le site d’Aix-en-Provence serait clairement ciblé » explique Frédéric Guignard.
Toutes les expertises ont montré que les deux projets étaient économiquement viables mais on a clairement ressenti une partialité de la direction
Frederic Guignard, rédacteur en chef de Paris-Turf
Le rédacteur en chef, aux côtés de Didier Sichet, journaliste chez Paris-Turf depuis plus de 30 ans, déplore la manoeuvre « insidieuse » qui a conduit à cette situation. « Toutes les expertises ont montré que les deux projets étaient économiquement viables mais on a clairement ressenti une partialité de la direction » , s’indigne Frédéric.
La formule de Prepack cession
C’est avec surprise que les salariés du groupe ont appris que la société était passée sous une formule appelée « Prepack cession » , directement inspirée du droit américain de la faillite. Cette formule permet à l’entreprise de se mettre en liquidation judiciaire et de trouver un nouvel acquéreur pour une somme « dérisoire » , dans le cas présent 1 million d’euros, « pour une entreprise qui fait 65 millions de chiffre d’affaire par an ! » s’offusquent les deux salariés. Cette procédure avantageuse pour l’acheteur permet également de ne reprendre aucune dette de la société.
Le groupe Paris-Turf avait 140 millions de dettes obligataires qui dataient du rachat de l’entreprise par Jacques-Henri Eyraud. En passant par cette formule, la dette tombe à l’eau. L’acquéreur est aussi exempté des indemnités de départs des salariés, qui seront alors payées par les AGS (régime légal qui intervient en garantie des créances salariales dans les entreprises en procédure collective), de manière plafonnées.
« En tant que journaliste on a le droit à la clause de cession, à des indemnités selon l’ancienneté et là le plafond est de 82 000 euros brut. Avec une formule classique on pouvait prétendre à 120 000 euros d’indemnité. On s’assoit sur 40 000 euros. Xavier Niel est milliardaire, il ne paiera ni les créanciers, ni les indemnités ! »
Ils apprennent par la même occasion que l’offre portée par NJJ Press a été soutenue et même rédigée par deux membres de la direction. Coup de massue pour les employés, qui se mobiliseront à l’unanimité, une première pour le groupe.
« Dès la fin de l’audience on nous a informé d’une collusion entre les administrateurs et le projet de NJJ Press. Notre sort était déjà scellé depuis longtemps » . Les syndicats regrettent aussi que la « même direction qui (les) a menés au redressement judiciaire soit maintenue par le repreneur. »
En attendant, la délibération du tribunal de commerce le 30 juin prochain, la grève se poursuit, laissant une rédaction aixoise silencieuse, vidée de tous ses experts hippiques. « On réclame une reprise des négociations, sous peine d’une grève illimitée » , concluent les deux journalistes, déterminés.
Lien utile :
> [Médias] Le groupe de Jacques-Henri-Eyraud, Paris-Turf, en redressement judiciaire