La concentration des projets industriels dans la zone industrialo-portuaire de Fos va engendrer, d’ici 2030, un doublement de la consommation énergétique en Provence-Alpes-Côte d’azur, soit un surplus de 5 à 6 gigawatts supplémentaires pour la zone de Fos uniquement. Pour répondre à ces besoins, et plus largement à l’augmentation de la consommation électrique provoquée par la décarbonation de nos modes de vie, l’opérateur RTE (Réseau de transport d’électricité) prévoit la création d’une ligne à haute tension de 400 000 volts sur 65 kilomètres entre Jonquières-Saint-Vincent (Gard, région Occitanie) et Fos, afin d’amener l’électricité jusqu’à la ZIP, à l’horizon 2028. Le projet se chiffre aux alentours de 300 millions d’euros.
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« Aujourd’hui, la région produit seulement 40% de l’électricité qu’elle consomme.[…] Cette nouvelle ligne sera équivalente en termes de puissance à cinq centrales nucléaires de la taille de celle de Tricastin », illustre Christophe Berassen, directeur du centre RTE, à l’occasion d’une conférence de presse organisée jeudi 23 mai au siège de l’opérateur à Marseille, boulevard d’Haïfa (8e). En effet, la création de cette ligne est présentée par RTE comme une nécessité pour acheminer l’électricité : « Il n’est pas possible d’implanter des centrales nucléaires EPR car cela impliquerait de tripler le nombre de lignes. Quant aux énergies renouvelables comme l’éolien, avec les futurs fermes en Méditerranée, ou le photovoltaïques, ce sont des énergies trop intermittentes pour répondre à la demande », expose Pascale Henaff, directrice du projet.
Limiter l’impact paysager et environnemental de la ligne
Comme tout projet d’ampleur, celui de RTE doit d’abord passer par le crible de la concertation. Cette dernière a été lancée le 12 février dernier et a pris fin le 7 avril. « Les débats ont été très animés. On peut dire que c’est une concertation plutôt réussie ! » sourit Pascale Henaff. Celui-ci, en effet, ne laisse pas de marbre les riverains concernés … Sur les 920 participations aux réunions publiques et 1345 rencontrées lors de débats mobiles, plusieurs préoccupations ont été exprimées. La principale d’entre elle concerne le fait que la ligne sera aérienne et donc visible, ce qui impactera à la fois le paysage et la biodiversité. Mais RTE enterre le scénario d’un possible enfouissement de la ligne, comme cela a été demandé : « Aucune technologie souterraine ne serait adaptée, ni à la puissance, ni au type de ligne, surtout compte tenu du classement Seveso du site de Fos » insiste Christophe Berassen. Face à la forte demande, RTE doit faire paraître courant juin une note technique détaillée sur les raisons qui rendent impossible l’enfouissement de la ligne.
« Nous sommes conscients que le sujet paysager préoccupe énormément et nous allons faire évoluer le projet » tempère néanmoins Pascale Henaff. Parmi les changements, RTE va revoir son choix de passer par des infrastructures déjà existantes pour faire passer la ligne : « Au départ, il nous semblait judicieux et logique de réutiliser des infrastructures existantes pour limiter l’impact de la ligne. Or, ce n’est pas le cas : certaines de ces infrastructures étant anciennes, le paysage a changé depuis, avec un développement de l’urbanisation par exemple. Nous allons donc imaginer des tracés alternatifs, afin de proposer celui qui générera le moins de nuisances » admet la directrice du projet.
Agritourisme, avifaune et parcs naturels
RTE reconnaît aussi ne pas avoir assez intégré la question de l’agritourisme, développé dans la région, et avec lequel la future ligne pourrait interférer. L’opérateur travaille en outre avec le monde agricole pour informer sur l’existence d’un barème d’indemnisation. Concernant la biodiversité, RTE s’engage à mettre en place des balises avifaunes pour limiter les collisions et à modifier certains fuseaux pour éviter de perturber les outardes canepetières, une espèce d’oiseau menacée en France. En effet, par rapport à d’autres ports de France comme Le Havre ou Dunkerque, qui ont déjà franchi le pas du renforcement électrique, la région se démarque aussi, par l’existence de nombreux parcs nationaux et régionaux, notamment celui de Camargue. « Si vous regardez sur une carte, vous verrez que tous les parcs nationaux et régionaux sont collés les uns aux autres, ce qui restreint fortement les options possibles pour faire passer la ligne », souligne en aparté Pascale Henaff. A côté de cela, RTE travaille avec un cabinet environnemental pour limiter l’impact visuel des pylônes électriques.
Concernant l’impact sanitaire, qui préoccupe également les participants à la concertation, RTE s’appuie sur les données de l’Agence nationale de sécurité sanitaire pour réfuter un lien de cause à effet entre l’exposition aux champs électriques et des problèmes de santé.
« Un projet d’intérêt public »
L’enjeu est de taille, alors que le spectre du projet Hyvence de Géosel, dont le maire de Fos a demandé le retrait immédiat compte tenu des vives critiques exprimées par la population, plane encore sur l’ensemble des projets industriels de la ZIP qui n’ont pas encore tenu leur concertation … Concernant le projet de RTE, un collectif s’est même monté qui réunit des habitants de plusieurs communes alentours, des agriculteurs et des élus, dont le maire d’Arles Patrick de Carolis.
« Nous ne nous attendions pas non plus à des applaudissements sur un tel projet de ligne à haute tension » concède Pascal Henaff qui avoue avoir été « surprise par la qualité des contre-propositions. » Pour autant, si RTE se dit prêt à faire des efforts, pas sûr que toutes les doléances soient satisfaites. « Il s’agit d’un projet d’intérêt public, indispensable pour répondre à l’augmentation de la consommation. Nous sommes aujourd’hui dans un région déficitaire, qui fonctionne avec un réseau construit dans les années 70 », alerte Christophe Berassen. Il tempère cependant : « aujourd’hui, nous n’en sommes qu’au début de l’histoire. Nous allons poursuivre dans notre démarche de concertation. »
En savoir plus :
> Le site de RTE
> Ligne à très haute tension RTE : fin de la concertation préalable du public
> [Energie] HyVence (Fos) n’est pas parvenu à convaincre lors de sa concertation préalable
> Notre dossier sur les projets industriels à Fos-sur-Mer