A partir du lundi 12 février et jusqu’au 7 avril, RTE le gestionnaire du réseau de transport d’électricité engage la concertation du public sur le projet de création d’une ligne électrique aérienne à très haute-tension entre Fos-Sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent (30).
Une conférence de presse avait lieu à la Maison de la mer à Fos jeudi 11 février pour présenter le dispositif en présence des dirigeants de RTE, de la sous-préfète d’Arles, Cécile-Marie Lenglet (coordinateur du projet pour l’Etat compte tenu du linéaire prépondérant dans les Bouches-du-Rhône de l’aire d’étude), ainsi que du maire de la commune hôte René Raimondi, de la conseillère régionale en charge de l’économie, Isabelle Campagnola-Savon, du vice-président de Piicto, Arnaud Catoire, également directeur des terminaux méthaniers Elengy de Fos-Tonkin et Fos-Cavaou et de Rémi Costantino, le directeur général adjoint du Grand port maritime de Marseille. Tous ont pris la parole avant les explications des responsables de RTE, Gilles Odone, le délégué Méditerranée de l’opérateur public de transport électrique, Christophe Berassen, directeur du Centre développement ingénierie Marseille et Pascale Hénaff, directrice du projet.
Les différents intervenants ont souligné l’importance du projet pour toute la région Sud. Cette dernière devrait doubler sa consommation électrique d’ici à 2030 (actuellement six à huit gigawatts en hiver), alors même qu’elle est loin d’être autosuffisante. Seulement 30% de sa consommation est fournie par l’énergie produite sur son territoire. C’est « un projet d’intérêt général » insiste Isabelle Campagnola-Savon qui souligne que le travail qui s’ouvre va se faire « dans la dentelle » compte tenu des zones sensibles que la future ligne va traverser avec notamment les parcs naturels de Camargue et des Alpilles.
VIDÉO : Ligne électrique aérienne Jonquières-Fos : un projet « d’intérêt général » (Campagnola-Savon)
Menée sous l’égide du préfet des Bouches-du-Rhône pour une durée de huit semaines, avec comme observateur et garant, désigné par le tribunal administratif, le commissaire-enquêteur Jean-Marie Blanchet, la concertation doit permettre au public de s’informer et d’éclairer le « choix du fuseau de moindre impact » des futures installations électriques. RTE prévoit de construire une ligne électrique aérienne à 400 000 volts d’environ 65 km entre les postes électriques existants de Feuillane (à Fos-sur-Mer) et de Jonquières-Saint-Vincent (dans le Gard). Dix communes sont concernées par l’aire d’étude dont cinq dans les Bouches-du-Rhône (Fos-sur-Mer, Port-St-Louis du Rhône, St Martin de Crau, Arles et Tarascon)
L’investissement de quelques 350 millions d’euros (financé à parité entre les industriels et RTE) vise à répondre aux enjeux de la transition énergétique et à l’atteinte des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050 pour lesquels la France et l’Union européenne se sont engagées. L’optimisation des lignes actuelles (via le Réaltor) va permettre d’ici 2026 de répondre aux premières demandes dont celles des douze industriels déjà enregistrées par RTE. « Or, les besoins estimés par les industriels sont de six à huit gigawatts supplémentaires, ce qui équivaut à la consommation totale actuelle de la région Provence-Alpes-Côte d’azur. Il s’agit d’une estimation : la puissance demandée n’est pas forcément égale à celle qui sera consommée in fine » déclarait Gilles Odone dans un entretien accordé à Gomet’ en novembre dernier.
Gilles Odone (RTE) : « Faire venir plus d’énergie de la vallée du Rhône »
La nouvelle ligne devrait disposer d’une capacité d’ici 2028 avec 4,4 gigawatts en acheminant l’énergie électrique, essentiellement d’origine nucléaire, produite dans les centrales de Cruas (Ardèche) et du Tricastin (Drôme).
La nouvelle ligne électrique à haute-tension Jonquières-Fos va permettre d’accompagner localement :
> La transition énergétique du territoire : les entreprises, les collectivités et les habitants qui électrifient leurs usages dans les secteurs du transport et du bâtiment ; les navires à quai qui électrifient leur raccordement.
> le vaste mouvement de décarbonation de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer avec plus de 10 milliards d’investissements annoncés dans l’hydrogène, le solaire, l’éolien…
> les projets locaux de réindustrialisation et différents projets du territoire consommateurs d’électricité
Au seuil de l’étape de cette concertation, et face aux oppositions qui se sont déjà manifestées comme celle du maire RN de Beaucaire, Julien Sanchez ou des défenseurs de la nature, les porteurs du projet ne cachent pas le caractère inévitable de l’équipement. « Je le dis très clairement, observe ainsi l’ingénieur Christophe Berassen, on ne pourra pas décarbonner et assurer la transition énergétique de la région si on ne construit pas une nouvelle artère électrique 400 000 volts. »
VIDÉO : René Raimondi défend l’indispensable nouvelle ligne électrique aérienne de RTE
L’hypothèse d’une ligne souterraine enterrée
Dans son document synthèse présentant le projet de la ligne Jonquières-Fos (voir plus bas le document source p24 et 25), RTE revient sur l’hypothèse d’une ligne enterrée qui aurait évité, a priori, les dégâts sur le paysage. Pas si simple. Deux stratégies de technologie souterraine ont été évaluées : l’une basée sur du courant alternatif 400 000 volts et l’autre sur du courant continu. Les deux font face à des problématiques techniques et financières (1,5 à 5 milliards selon les options) rédhibitoires et leur impact écologique sur des zones humides ne sont pas négligeables. Pour la première option RTE explique notamment que « son réalisme industriel est non démontré (il n’existe aucune ligne de cette puissance sur cette longueur dans le monde). » Pour la seconde, l’opérateur observe : Le palier 525kV est un palier technique récent, dont la fiabilité n’a pas encore été éprouvée. Ainsi, il n’est pas adapté au raccordement d’une zone industrielle majeure avec de nombreux clients Seveso.»
Au sein de l’aire d’étude du projet validée par le préfet le 16 novembre 2023, RTE propose différentes hypothèses de passages possibles (appelés fuseaux) pour la future ligne électrique (cf. carte des fuseaux ci-dessous).
Pour permettre au public de s’informer et de participer à l’analyse de ces différents fuseaux, la concertation préalable du public est organisée avec le dispositif suivant :
> Un site internet d’information comprenant un espace participatif : www.rte-france.com/creation-ligne-fos-jonquieres
> Deux réunions publiques (rediffusée en direct sur le site de la concertation) : le 15 février à Jonquières-Saint-Vincent et le 4 avril à Fos-sur-Mer
> Quatre ateliers thématiques : le 6 mars à Bellegarde ; le 14 mars à Port-Saint-Louis-du- Rhône ; le 19 mars à Fourques et le 21 mars à Arles en présence des experts qui ont assisté RTE dans son travail d’études.
> Un débat mobile : à l’aide d’un minibus qui sillonnera le territoire, l’équipe projet de RTE viendra à la rencontre des habitants des Bouches-du-Rhône et du Gard pour faire connaître le projet et échanger autour des différents scénarios de passage proposés.
Un calendrier serré : il faut aller vite dans un processus par étapes
Pour avertir la population des événements de la concertation, « un SMS, un email et un flyer avec une enveloppe T où ils pourront poser leurs questions ont été envoyés à tous les habitants qui résident sur l’aire d’étude » précise Pascale Hénaff. Quinze jours après la fin de la concertation préalable, le commissaire enquêteur rédigera la synthèse des observations et des propositions du public qu’il transmettra au préfet coordonnateur. Dans un délai de quinze jours à compter de la transmission de cette synthèse, RTE indiquera les mesures qu’il juge nécessaire pour répondre aux enseignements tirés de la concertation. Il établira différentes propositions de fuseaux qui seront comparées, pour identifier le « fuseau de moindre impact » qui sera présenté en juin au préfet des Bouches-du-Rhône, coordonnateur du projet et au ministre.
« On sera encore loin d’être arrivé au bout du compte explique la cheffe de projet car le corridor retenu pourra varier de dimensions : « de 30 mètres de large si l’on se trouve sur un terre plein de la nationale jusqu’à trois kilomètres s’il y a plusieurs opportunités possibles. » D’autres phases d’études et de concertation s’engageront ensuite courant 2025 pour définir le tracé de la ligne de « 100 mètres de large » au sein du fuseau retenu. Il y aura ensuite des points au plus près des habitants et des propriétaires fonciers afin d’optimiser l’installation des pylônes (ces derniers bénéficieront d’un nouveau design RTE ayant lancé un appel à projets auprès de cabinets spécialisés), une nouvelle séquence annoncée pour 2026. Une fois ce processus terminé, les travaux sont programmés en 2027-2028.
Ligne électrique Jonquières – Fos : préserver l’avifaune et la biodiversité
La nouvelle ligne va passer au travers de nombreuses zones naturelles protégées et des zones classées Natura 2000 comme les parcs de Camargue et des Alpilles, la réserve de La Crau. Autant d’espaces fréquentés par de nombreuses espèces notamment d’oiseaux dans le couloir de migration important du delta du Rhône.
La concertation doit permettre de recueillir les multiples avis sur les enjeux de biodiversité assurent les organisateurs. C’est un sujet que l’on connait bien observe M. Berassen car « RTE dispose de 90% de son réseau en milieu rural. Tout sera regardé très attentivement en travaillant avec les associations comme la LPO. Il y a des dispositifs d’anti-percussion des oiseaux. Nous avons d’ailleurs une expérimentation en cours dans le cadre d’un programme Life (instrument financier de la Commission européenne, dédié au soutien de projets innovants, privés ou publics, dans les domaines de l’environnement et du climat, NDLR), avec des dispositifs ultra-violets. Ce sont des préoccupations qui nous mobilisent au quotidien.»
Pasacle Hénaff ajoute que RTE travaille avec des experts environnementaux. « Nous avons mobilisé deux cabinets d’études, Egis et Biotope. Le premier travail est de récupérer toute la matière et les données qui existent sur ce territoire, de les traiter et de voir ce qui manque. Nous avons par exemple aujourd’hui disposer des radars, notamment dans La Crau, pour voir comment les oiseaux se déplacent et nichent. On connait peut-être bien leurs migrations mais moins leurs déplacements. Nous sommes en train de creuser ce point. »
Après ce diagnostic Pascale Hénaff promet de définir le fuseau qui aura le mois d’impact en terme de collision (balises, système ultraviolet) et de risques d’électrocution. Elle précise au passage que « les oiseaux peuvent se poser sur les lignes sans s’électrocuter. Pour cela il faudrait qu’ils touchent deux câbles en même temps mais la ligne prévue est trop grande pour l’envergure des ailes des oiseaux pour vraiment avoir ce risque. » Pasacle Hénaff se réjouit d’ailleurs que les pylônes et lignes puissent en revanche servir « d’opportunités pour faire des nids ou se percher. » La preuve ? « Tous les ans des petits aigles de Bonelli naissent dans nos pylônes.»
La spécialiste souligne enfin le travail dans la durée effectué par les observations une fois les équipements installés : « Nous sommes capables d’ajuster les dispositifs dans le temps selon les phénomènes que nous constatons. L’avifaune est une matière vivante et tout n’est pas prévisible. »