Comme nous l’avions annoncé en avant-première (lire notre article), sous l’impulsion du nouveau bâtonnier, Geneviève Maillet, le barreau de Marseille vient de lancer, son incubateur, avec pour objectif premier de mettre le numérique au service de la profession plutôt que de remplacer les services de la profession par le numérique.
Cet incubateur du barreau de Marseille est le fruit d’une réflexion, longue et aboutie, de près de 25 ans et qui s’est concrétisé le lundi 27 mars 2017, avec le coup d’envoi du projet. Il y a 25 ans justement, Geneviève Maillet lançait Marseille Innovation aux côtés de Christian Rey, en travaillant sur la création juridique et technique. « A l’époque, le terme innovation paraissait presque bizarre, aujourd’hui, il est sur toutes les lèvres et paraît presque désuet, au moment où finalement il prend vraiment forme dans le langage quotidien, souligne le bâtonnier, dans son nouveau bureau. Et on s’est bien rendu compte au fil du temps que le digital impactait nos vies. On a tous un téléphone portable mais nous n’avons pas tous de stylos ».
Depuis 20 ans qu’elle est l’avocate de Marseille Innovation, elle a donc eu le temps de travailler sur la question, arrivée à sa maturité en 2017, pour une mise en œuvre avec ces avocat(e)s qui ont également atteint une maturité professionnelle dans le numérique, et ce jusqu’à recevoir des distinctions dans ce domaine : « On n’imagine pas des avocats recevoir ce type de prix, mais ça existe. Des consoeurs et confrères ont été primés au CES de Las Vegas ou encore à Paris il y a quelques mois (lire encadré). Ça montre que lorsque l’on sème, au bout d’un moment, même à Marseille dans le calcaire il y a des belles choses qui poussent », sourit la patronne du barreau. « A Marseille, nous sommes quand même aux portes de la Méditerranée, nous avons un port qui – au sens étymologique du terme – est assis sur le câble de toute l’Europe, donc on devient le port du numérique ». Il était donc « légitime » de lancer cet incubateur, le deuxième en France, après Paris.
Qu’est-ce que c’est ? A quoi ça sert ?
L’idée est simplement de créer un espace personnel en ligne de chaque membre du barreau sur le site de l’Ordre « un peu comme une boîte aux lettres personnelle, une bibliothèque ou même un réseau social ». Exemple : « Une avocate a lancé mafiscalité.com. Elle a trouvé un moyen de développer une spécialité de manière interactive et cela peut intéresser d’autres confrères. » Un système qui vise à fédérer ceux qui ont déjà cherché des solutions pour accélérer leurs modes de communication ou majorer leurs résultats. Et in fine qui permet de promouvoir l’innovation dans la profession d’avocat.
Autres axes de développement : l’aide à la diffusion d’un projet et informer sur les ressources techniques en encourageant les avocats à lancer leurs propres initiatives. « On est persuadé qu’il y a beaucoup de belles idées qui peuvent servir les jeunes entreprises, les confrères et les justiciables ». Pour ces derniers, il s’agira d’apporter une réponse à celles et ceux qui, par exemple, ne sont plus en capacité de se déplacer : « Demain, les mémés que nous seront auront peut-être besoin d’avoir une application de tutelle, parce qu’elles n’auront pas les enfants pour venir donner un coup de main, elles seront bien contentes d’avoir un interlocuteur direct et non pas des listes de documents qui ajoutent à leurs angoisses ».
Une profession à la page… du numérique
Dans la recherche des enregistrements, le traitement des dossiers archivés, de la protection des données… Le numérique ouvre de multiples possibilités « en repensant les modes de fonctionnement, mais ensemble et avec les contraintes déontologiques ». Une manière, pour le bâtonnier, d’anticiper les prochaines révolutions numériques : « On a peu l’impression qu’on a regardé passer le train des révolutions numériques à tel point que certains pays sont plus avancées que la France. » Développer l’ensemble de ces axes aura pour effet d’offrir un autre regard sur la profession, faire évoluer l’image de l’avocat « que l’on image encore parfois confinés dans des bureaux supposément poussiéreux alors qu’on a tourné la page ».
Une profession à la page qui s’inscrit dans une dynamique, puisque le bâtonnier envisage un Printemps de l’innovation, toutes les années, avec d’autres incubateurs, dans un endroit différent ; persuadée qu’après Paris et Marseille, viendra le tour d’autres barreaux de proposer « ces think tank de l’innovation », laboratoire de bonnes pratiques et d’expérimentations personnelles au service des confrères. Parce que qui dit numérique, ne dit pas disparition des échanges. Véritable levier, l’incubateur permet au contraire d’être source de rencontres, comme à l’occasion du lancement. « ça ne désemplissait pas. Tous ceux qui prenaient la parole ouvraient de nouveaux horizons. C’est passionnant », s’enthousiasme Geneviève Maillet.
Si l’incubateur du barreau est bel et bien lancé, dans neuf mois, le temps des travaux, un espace lui sera entièrement dédié dans la bibliothèque de l’Ordre des avocats. Au même endroit devra également voir le jour un espace de co-working qui permettra « à des confères qui se trouvent dans des situations plus fragiles ou, au contraire, plus avancées d’avoir un endroit dans lequel ils peuvent renseigner les justiciables et répondre aux rayonnements d’initiatives innovantes. »
Ces « étoiles » du numérique en robe noire
Une commission communication et numérique a été créée dès le début du mandat de Geneviève Maillet, qui a immédiatement travaillé à la création d’un incubateur Barreau de Marseille. L’incubateur compte une équipe de 6 personnes : Eve d’Onorio di Méo, Sébastien Salles, Julien Ayoun, Julia Braunstein, Philippe Amram et Olivier Raynaud. Parmi elles, deux étaient finalistes du « Prix de l’innovation des avocats du Village de la Justice en 2016 », Sébastien Salles et Eve d’Onorio di Méo qui a, par ailleurs, remporté le « Prix du public » pour sa plateforme EtaxFrance, il y a un an. Autre distinction dans le domaine du numérique pour la plateforme collaborative Astra Librae. Laurence Khashimov-Fara, Marie-Dualt et Sarah Bonnet, élèves-avocates à l’Ecole des avocats du Sud-Est ont remporté le prix du jury du concours « Projet Innovant 2016 » du Conseil national des barreaux. Elles ont reçu leur distinction des mains d’Emmanuel Macron, dans le cadre des 24 heures de l’innovation juridique, qui va permettre à l’équipe d’être accompagnée dans la mise en œuvre de leur projet. Astra Librae est une plateforme collaborative de gestion de carrière, de développement de cabinet et de communication digitale à destination des avocats. L’objectif de la plateforme est de donner aux avocats les moyens de s’approprier les outils numériques pour exercer de manière plus performante et plus entrepreneuriale.
Les dates à retenir. Le Printemps de l’innovation, chaque année. Tous les six mois, le Café de l’innovation à l’occasion duquel sera invité une personnalité du monde de l’innovation. Sera organisé à ce moment-là un cycle de consultation gratuite par visioconférences. Plus tard, une charte de l’innovation devrait voir le jour de façon à harmoniser l’ensemble des projets ainsi qu’une certification incubateur pour les projets innovants.