Le campus Provence Ventoux, près de Carpentras est un vaste domaine de 38 hectares qui abrite à la fois un lycée agricole, un centre de formation d’apprentis et une exploitation agricole pilote. Les apprenants bénéficient d’un enseignement en agroalimentaire, horticulture, environnement, cheval, paysage. Le domaine Louis Giraud entouré du Ventoux et des Dentelles de Montmirail, cerné par de grands crus, est planté de raisins pour l’appellation AOP Ventoux, de pommiers, de cerisiers, d’abricotiers etc.
C’est une plantation d’horticulture exceptionnelle qui va bénéficier pour la première fois dans notre région d’un équipement agrivoltaïque de haute technologie. Un hectare et demi est consacré à l’installation de persiennes agrivoltaïques couvrant le tiers de la surface, avec une hauteur sous les panneaux de cinq mètres qui vont voir pousser plus de 1500 cerisiers plantés ce printemps. La première récolte significative est donc pour dans trois ans.
Le projet est né de la volonté de la filière arboricole du Vaucluse de tester en grandeur nature les dispositifs agrivoltaïques, et d’en mesurer scientifiquement les effets. La Commission de régulation de l’énergie a donné son accord en avril 2020, la construction a commencé en septembre 2022, et symboliquement les derniers cerisiers ont été plantés lors de l’inauguration le 17 mars 2023.
30 % d’irrigation en moins
Rappelons que selon l’Ademe, telle qu’elle l’a défini en mai 2022, « les installations agricoles agrivoltaïques doivent être en complète synergie avec l’activité agricole apportant un service agronomique direct sans diminution des revenus agricoles ». Il y aura donc, à côté des 1,25 hectare sous persienne, 0,3 hectare de zones témoins confiées à la Chambre d’agriculture et au Campus Louis Giraud.
Les panneaux solaires son bi-faciaux et s’orientent donc en fonction de la luminosité ; à la fois celle du soleil, et celle qui est réfléchie pour un gain de rentabilité. Les lignées sont espacées de quatre mètres pour faciliter le passage des engins agricoles, et la hauteur de cinq mètres permettra d’équiper cette exploitation horticole contre la grêle ou contre la mouche de la cerise avec des bâches tendues entre les piliers.
Le site comprend donc des stations météo pour mesurer la température, l’humidité de l’air, le rayonnement global, la pluviométrie et la vitesse du vent ; des sondes tensiométriques vont permettre de vérifier dans le sol la disponibilité de l’eau, et aider au pilotage de l’irrigation. Enfin, des compteurs connectés vont mesurer précisément la consommation en eau de la parcelle agrivoltaïque et de la zone témoin.
Selon la première expérience de Sun’ Agri, qui pilote le projet, l’économie d’irrigation devrait être de 30 % avec en plus une diminution des pertes liées aux brûlures, au gel ou à la grêle. La parcelle en pleine activité devrait produire 15 tonnes de cerises qui seront d’abord certifiées haute valeur environnementale (HVE), puis intégreront l’IGP la Cerise des Coteaux du Ventoux.
La production électrique est gérée par une société spécifique la société Volterres, qui est gestionnaire du contrat de fourniture d’électricité avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et qui donc va fournir une trentaine de lycées en énergie décarbonée, verte et locale.
Créer des références innovantes
La Région Sud est en effet un partenaire essentiel du programme puisqu’elle est propriétaire des terres, celles du Campus et qu’elle contribue à hauteur de 150 000 € à la mise en place de cette expérimentation. Bénédicte Martin, vice-présidente de la région et président du Parc du Ventoux a souligné en mettant en terre son cerisier, que la Région Sud soutenait les agriculteurs face au changement climatique, « ce sont des défenseurs du vivant » a-t-elle dit.
Le président de la chambre de l’agriculture, André Bernard, a rappelé que «notre pays est dépendant à 50 % pour sa consommation de fruits et légumes et qu’il était donc indispensable de soutenir l’agrivoltaïque qui fait partie des solutions. Notre but, dit-il, est de créer des références qui vont permettre d’installer de jeunes agriculteurs dans des filières organisées ».
Le plan de financement, hormis les 150 000 € de la région, a fait appel à la plateforme d’investissement spécialisée dans les projets agrivoltaïques Racines, créé par R Green Invest, une société nationale de gestion d’actifs indépendante fondée en 2013, société à mission, avec 1,6 Md€ d’actifs sous gestion depuis 2013 investis dans 1500 projets. Racines permet aux investisseurs d’orienter leurs capitaux vers les projets liés à la transition énergétique et à l’adaptation climatique.
Un marché mondial de 9 milliards de dollars
La société Sun Agri a piloté le projet grâce notamment à une expérience déjà acquise à Loriol-sur-Drôme toujours dans la cerise. Cécile Magherini, directrice de Sun Agri souligne en plantant elle aussi son cerisier, qu’il est primordial « d’offrir des solutions et de l’espoir à tous les jeunes passionnés qui se lance dans le métier agricole, pour que la filière autoconstruise son avenir ».
Sun’Agri a fait de l’agrivoltaïsme un axe majeur de développement. Selon le cabinet Allied Analytics, ce « marché mondial de l’agrivoltaïque est évalué à 3,6 milliards de dollars en 2021 et devrait atteindre 9,3 milliards de dollars d’ici 2031 ». Les marges de croissance en France sont énormes car les zones faciles à transformer en fermes photovoltaïques pures sont rares et convoitées.
La clé du succès est de trouver un modèle qui soit gagnant pour l’exploitant énergétique, ici Volterres, pour l’exploitant agricole en améliorant sa production, pour le propriétaire foncier, en valorisant son bien et pour l’installateur en rémunérant son projet. Un juste et sensible équilibre qui s’invente par l’expérimentation.
Eiffage se renforce dans les ENR
Dans la région Sud, Ombrea et Voltalia avancent à grand pas. Pour accélérer sa croissance, la société lyonnaise, le Groupe Sun’R, maison mère de Sun’Agri créée en 2007, société à mission, a rejoint en décembre dernier le groupe Eiffage qui renforce ainsi son déploiement dans les ENR. Eiffage Concessions est entré au capital du Groupe Sun’R à hauteur de 80 %. Le fondateur Antoine Nogier et son équipe de management, sont toujours présents au capital et au pilotage de l’entreprise.
Au travers de ses trois activités, Sun’Agri (agrivoltaïsme dynamique), Sun’R Power (développeur et producteur d’électricité photovoltaïque) et Volterres (fournisseur d’électricité verte en circuit court), le groupe de 120 salariés est engagé avec le monde agricole avec 220 hectares protégés ou en étude, équivalent à une puissance d’environ 150 MWc. Et compte aller plus vite et plus loin en particulier vers le Sud.
À l’occasion de l’inauguration du parc agrivoltaïque le campus a ouvert ses portes et accueilli des activités comme les drones ou le labour traditionnel
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