« C’est là que se forgent les tendances et les opinions de demain.» Laurent Marfisi, directeur général et co-fondateur de la « space tech» marseillaise Unistellar, créée en 2015, nous explique pourquoi, pour la troisème fois, ses équipes participent au South by Southwest festival (SXSW) qui se déroule aux USA, à Austin, dans l’Etat du Texas. Le festival des industries créatives, organisé du 11 au 20 mars, est en effet un rendez-vous important dans l’agenda mondial des filières culturelles de plus en plus mêlées aux technologies. Dans ces secteurs, les Etats-Unis, avec Hollywood d’un côté et la Silicon Valley de l’autre, continuent de donner la tendance.
Unistellar et ses télescopes connectés, ultra puissants (100 fois plus qu’un télescope normal) et communautaires, se positionne justement à la croisée de nombreux mondes représentés au SXSW. Ici, les industries de l’image, du numérique, de l’éducation et des sciences côtoient les professionnels de la musique, du cinéma et des médias, le tout dans une ambiance à la fois festive et business.
Parallèlement aux nombreux show-case et révélations, des conférences avec des panels de haute volée sont organisés à Austin. Ainsi Unistellar, qui affiche l’ambition de porter au niveau mondial « sa voix et sa vision» veut se faire entendre. La start-up marseillaise, participait à une conférence, avec la Nasa et le Seti (centre de recherche sur la vie extra-terrestre) de San Francisco, consacré à la nouvelle astronomie. Ce mouvement se développe dans le sillage du « new space », l’aventure spatiale désormais dynamisée par l’arrivée d’acteurs privés qui prennent le relais des traditionnelles agences spatiales étatiques.
Unistellar à la pointe de la nouvelle astronomie
Unistellar se veut notamment à la pointe de la démarche de «science participative » qui associe le grand-public à l’astronomie. « Il y a un vrai enthousiasme autour de notre projet de « nouvelle astronomie » se félicite Ludovic Nachury, le responsable de la communication qui était présent à Austin. Il constate que « de plus en plus de personnalités et d’influenceurs rejoignent l’appel et le manifeste lancés par Unistellar et d’autres entreprises ou ONG.» La dynamique va être alimentée par « une série de nouveautés » promet Laurent Marfisi, le directeur général, qui veut toutefois préserver les effets d’annonce concernant la feuille de route des prochains lancements. Il sait qu’il est observé de près par le marché, les investisseurs et la concurrence.
Une année 2021 riche en événements
En 2021, l’entreprise qui a déménagé dans l’immeuble de bureaux Le Virage, en bordure de l’Orange Vélodrome, dans le huitième arrondissement de Marseille, a connu une nouvelle accélération. Après une première levée de fonds réalisée en 2019 (deux millions d’euros pour financer la production des premiers télescopes), un nouvel appel au marché sur deux plateformes de financement, l’une aux Etats-Unis, l’autre en Europe, a permis de réunir plus de quatre millions d’euros. Au terme de l’opération, les quatre fondateurs (Laurent Marfisi, Franck Marchis, Arnaud Malvache et Antonin Borot) restent « largement majoritaires. » De quoi réinvestir fortement pour recruter. Une vingtaine de personnes vont s’ajouter à l’effectif qui compte aujourd’hui 50 collaborateurs au siège et cinq à San Francisco.
La levée de fonds doit permettre aussi de financer l’évolution des fonctionnalités des deux télescopes mis sur le marché mais aussi de lancer une nouvelle gamme. Unistellar évoquait ainsi lors de son appel au marché en juin dernier le lancement d’un télescope pour amateurs d’espace mais aussi un télescope plus grand public pour les curieux attirés par l’univers des étoiles. Les deux produits actuellement sur le marché, eVscope eQuinox et eVscope 2, coûtent respectivement 3000 à 5000 dollars l’unité. Tous les segments du marché ne sont pas encore occupés, d’où les ambitions réaffirmées d’Unistellar.
« Nous voulons continuer sur une croissance très importante et nous adresser à des marchés de plus en plus grand public.»
Laurent Marfisi
Près de 10 000 télescopes ont déjà été vendus en deux ans. Ce qui laisse présager de la suite. D’ailleurs, Unistellar ne cachait pas son ambitieux plan de marche en présentant l’année dernière son projet aux investisseurs : de 50 à 100 000 ventes pour le seul appareil grand public par an à l’horizon 2025. Sans confirmer ces objectifs, Laurent Marfisi ne cache pas son ambition : « Nous voulons continuer sur une croissance très importante et nous adresser à des marchés de plus en plus grand public. Il y aura une croissance qui sera à l’avenant… »
« Marseille, le nouveau San Francisco »
Etre basé à Marseille, une chance ou un inconvénient ? « Marseille, c’est un peu comme San Francisco au tout début de la Silicon Valley. On voit plein de jeunes entrepreneurs arriver de Paris et d’ailleurs. Les nouvelles technologies apportent un nouveau souffle. C’est quand même plus sympa de se mettre au soleil à côté des calanques que de rester sous la grisaille parisienne. On voit que la dynamique est en marche. Les énergies sont là pour que Marseille devienne vraiment San Francisco. Il ne faut pas rater cette opportunité. » Laurent Marfisi
En 2020, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros et le début d’année était très bon avec une tendance exponentielle de 100% selon les derniers chiffres communiqués l’été dernier. « Nous avons doublé nos ventes sur l’année » confie aujourd’hui Laurent Marfisi.
La levée de fonds de 2021 doit contribuer au recrutement, à l’enrichissement des fonctionnalités et à la R&D pour préparer les nouveaux produits. Des partenariats industriels existent en parallèle avec Nikon (la marque apparaît sur l’occulaire du téléscope) ou encore le Français Altyor (Orléans), qui fabrique les télescopes Unistellar dans son usine de Shanghaï. Depuis Marseille, les équipes supervisent les assemblages des composants optiques, robotiques et électroniques.
Les « Unistellar » invités par la Nasa
La communauté des utilisateurs d’Unistellar est désormais bien connue dans le monde de l’astronomie. Elle contribue de plus en plus activement aux observations qui viennent parfois nourrir les scientifiques jusqu’au plus au niveau.
Laurent Marfisi cite volontiers cette expérience de participation à la science vécue par des membres de la communauté Unistellar. L’année dernière, plusieurs dizaines d’entre eux ont participé à une campagne d’observation d’un astéroïde qui sera visité d’ici quelques années par une sonde américaine. Pour préparer sa mission, la Nasa avait besoin de données. Or « Unistellar et son réseau proposent une façon particulièrement efficace et efficiente de récupérer ces données. » Et cerise sur le gâteau, les participants ont été invités au lancement de la fusée qui a envoyé la sonde dans l’espace.
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