Marcegaglia à Fos. Une usine française historique de production d’aciers spéciaux, reprise par un groupe italien ambitieux, avec le soutien et l’accompagnement des services de l’État, pour aller conquérir de nouveaux marchés. S’il voulait un symbole fort, Marc Ferracci ne s’est pas trompé.
Dans le prolongement du lancement, il y a quelques jours, de « l’Alliance européenne de l’industrie lourde », le ministre de l’Industrie et de l’Energie était en déplacement lundi 24 mars sur la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, pour saluer les investissements majeurs annoncés par le groupe Marcegaglia (1), qui espère concrétiser dans les tout prochains mois, sur son site de Fos, un vaste projet de modernisation et d’extension de son outil de production.
Marcegaglia va investir 750 millions d’euros et multiplier par 18 sa production
« C’est le plus grand investissement de l’histoire de Marcegaglia, il n’y a plus que quelques détails à régler, a souligné Antonio Marcegaglia, le président du groupe éponyme, qui a racheté le site d’Ascométal en mai dernier et qui attend notamment, désormais, d’être fixé sur la question cruciale du prix d’achat à long terme de l’électricité, pierre angulaire de l’industrie décarbonée. C’est un signal fort pour le développement du territoire et la pérennité d’une usine historique qui a été un peu troublée dans son passé mais qui, dans notre groupe, va trouver un avenir meilleur. »
Baptisé “Mistral”, le projet porté par le groupe familial italien de 7 800 salariés et 4,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires, prévoit la modernisation de l’aciérie existante et la création d’une unité de production dotée d’un nouveau four électrique pour faire passer la capacité de production totale du site de 115 000 tonnes d’aciers spéciaux aujourd’hui à 2,15 millions de tonnes d’aciers décarbonés (dont 150 000 tonnes d’aciers spéciaux) à l’horizon 2028.
Un investissement colossal, de l’ordre de 750 millions d’euros, sans investisseurs extérieurs ni financements publics, qui permettra de doubler les effectifs, de 320 personnes actuellement à 700 lorsque l’usine sera en pleine production fin 2028.
Un projet « au coeur de notre souveraineté industrielle » (Marc Ferracci)
« C’est un projet extrêmement enthousiasmant, qui fait l’objet d’un soutien de l’État et d’un alignement complet de l’ensemble des acteurs du territoire, a souligné Marc Ferracci, en présence notamment de René Raimondi et François Bernardini, maires de Fos et d’Istres, de la conseillère régionale Isabelle Campagnola-Savon, présidente de la Commission Entreprises – Région Sud, et du député de la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône, Emmanuel Fouquart (RN). Je tenais à saluer ce projet exceptionnel par son ampleur, qui est au coeur de notre souveraineté industrielle et de notre indépendance puisque l’acier, comme la chimie, sont des industries de base, qui alimentent l’ensemble des chaînes de valeur, de l’automobile aux industries de défense, dont nous allons avoir besoin de plus en plus dans le contexte géopolitique troublé que nous vivons. Et puis un projet emblématique de la stratégie de décarbonation qui est la nôtre, absolument essentielle en termes de compétitivité et de création d’emplois parce que c’est cela qui va distinguer nos industries des concurrents étrangers. »
Peser sur la Commission européenne
Un exemple, pour le ministre, de ce que doit être l’Alliance européenne de l’industrie lourde. Une alliance, créée le 12 mars, sur le modèle de l’alliance du nucléaire et regroupant pour l’instant sept pays (Belgique, Italie, Espagne, France, Luxembourg, Roumanie et Slovaquie), à l’initiative de la France, pour peser sur les débats et presser la Commission européenne de muscler les défenses de la sidérurgie européenne face à la concurrence étrangère. En renforçant notamment la clause de sauvegarde visant à limiter les importations d’acier, notamment chinoises, dans l’Europe, ainsi que la taxe carbone au frontières (ou MACF pour Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières).
« Cette alliance, ce sont des pays, dont la France, qui ont intérêt à ce que ces deux filières que sont l’acier et la chimie soient plus soutenues qu’elles ne le sont aujourd’hui, à travers des mesures de protection plus fortes, a souligné Marc Ferracci. Et je suis très heureux de voir que la Commission européenne nous a entendu puisqu’il y a quelques jours (le 19 mars, Ndlr), dans le cadre de son plan de soutien à la sidérurgie européenne, elle a annoncé notamment une évolution de la clause de sauvegarde ainsi que la révision, dès 2025, du MACF. » Deux demandes urgentes des sidérurgistes, ArcelorMittal en tête, dans un contexte de crise nourrie par la concurrence massive d’acier chinois à bas prix et de relèvement des droits de douanes sur l’acier aux États-Unis.
Feuille de route, gouvernance et ligne THT
Interrogé sur la feuille de route signée le 27 février et la question centrale de la gouvernance, alors que le préfet de Région, Georges-François Leclerc, a évoqué « une OIN d’un nouveau type », Marc Ferracci a renvoyé vers… le débat public.
« Effectivement, on a besoin d’une structure juridique pour accompagner cette feuille de route et qu’on se dote de la capacité et des moyens pour faire atterrir des projets le plus vite possible. Des discussions ont lieu au moment où nous nous parlons, à Paris, sous la forme d’une réunion interministérielle. Et je veux redire, parmi ces projets, le soutien de l’État à celui de ligne à haute tension qui doit alimenter la zone de Fos. Ce projet est crucial pour l’industrie mais aussi, plus largement, pour l’électrification générale des usages, dans la région. Je souhaite que cette ligne soit mise en œuvre dans les plus brefs délais mais j’insiste sur la nécessité de commencer par un diagnostic partagé pour rendre acceptables ces enjeux à l’ensemble de la population. C’est le sens du débat public qui commencera le 2 avril. C’est très important d’avoir, d’abord, cette démarche d’acceptabilité sociale. »
« Nous allons maintenant nous assurer que ces mesures sont mises en œuvre rapidement et de manière ambitieuse, a poursuivi le ministre, qui déjeunait dans la foulée de sa visite à Marcegaglia avec une trentaine d’industriels membres du Groupement maritime et industriel de Fos-sur-Mer et sa région (GMIF). Mais on sent que les lignes bougent en Europe. »
« La venue du ministre sur notre territoire, trois semaines après la signature de la feuille de route, constitue pour nous un vrai marqueur de l’engagement de l’État à nos côtés et une reconnaissance de l’importance des projets portés ici en termes de souveraineté nationale », a confié à Gomet Jean-Michel Diaz, le président du GMIF. Lequel a notamment plaidé auprès du ministre l’urgence « d’une simplification des procédures et d’une réduction des coûts du travail et de l’énergie ». Et la nécessité, « d’aller vite, avec des enjeux particulièrement sensibles dans le contexte actuel ». Là-dessus, tout le monde est d’accord.
(1) Lors de son déplacement, Marc Ferracci s’est également rendu dans l’après-midi sur le site du chimiste Kem One, deuxième producteur européen de PVC, à l’occasion du démarrage de sa nouvelle unité d’électrolyse représentant 200 millions d’euros d’investissement.
Document source : le projet Mistral de Marcegaglia
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