Pressée par l’Etat de réformer la Métropole en quelques semaines, Martine Vassal, la présidente de la Métropole Aix Marseille Provence joue les arbitres entre les 92 maires des territoires et le président de la République qui lui promet un milliard pour les transports. Elle a accepté de répondre aux questions de Gomet’ sur la réforme en cours dans un entretien exclusif qui s’est déroulé jeudi 28 octobre. A suivre demain, la suite de l’entretien avec la conférence fiscale, la fusion Département Métropole, l’élection au suffrage universel direct, et mercredi, le volet transports.
La question de la réforme de la Métropole est revenue sur le devant de l’actualité depuis la venue du président de la République à Marseille avec son plan “Marseille en grand” mais le sujet est en discussion depuis longtemps. Depuis quand le gouvernement a décidé de l’inscrire dans la loi ?
Martine Vassal : Depuis sa création en 2016, personne n’est content du fonctionnement de la Métropole et je réclame une modification de la loi depuis le départ. En fait, cette question a toujours été étudiée de près ou de loin par le gouvernement. Le premier épisode concret a débuté fin 2018 quand le président de la République annonce qu’il veut fusionner la Métropole et le Département. A ce moment-là, je préviens mes collègues qu’il va falloir donner notre avis pour éviter de se retrouver avec quelque chose que l’on n’aura pas choisi. Je suis donc allée voir le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, qui m’a commandé un rapport sur la fusion. En parallèle, le préfet Dartout a également été missionné pour mener son enquête de son côté. Au final, on débouche sur deux rapports très similaires à quelques détails près. En avril 2019, le Premier ministre vient à Marseille pour finalement repousser la réforme estimant que la situation du Pays d’Arles et la répartition des compétences est trop complexe. Entre temps, la crise du Covid bloque toutes les discussions puis vient sur la table la loi 3DS (Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification anciennement 4D, NDLR) en fin d’année 2020. Si au départ, rien n’était prévu sur la Métropole, le Premier ministre a finalement souhaité inscrire le fameux article 56 sur la révision de la répartition des compétences.
Ce qui a changé, c’est que le gouvernement s’intéresse maintenant beaucoup à Marseille
Martine Vassal
Le gouvernement a tenté, sans succès, de faire passer en juillet dernier un amendement pour réclamer une baisse des attributions de compensation d’environ 5% aux communes. Cette proposition a fait remuer ciel et terre chez nous. J’ai alors dit qu’il fallait faire attention et voir exactement comment la répartition des compétences pouvaient fonctionner. Mais le sujet n’est pas nouveau, je n’ai pas attendu le mois de septembre, que le Président vienne taper du poing, pour travailler sur le sujet. Ce qui a changé, c’est que le gouvernement s’intéresse maintenant beaucoup à Marseille et je suis ravie d’avoir été entendue sur la nécessité de changer la loi. Maintenant, on est en train de travailler avec Mme Gourault pour finaliser la répartition des compétences. Nous n’avons jamais été aussi près de réformer la Métropole et je m’en félicite.
Dans un courrier qu’elle vous a adressé le 9 septembre, Maryse Joissains écrit « le bruit court que la solution proposée par Emmanuel Macron aurait été préconisée par ton entourage ». De quoi parle-t-elle ? Aviez-vous discuté d’un projet de réforme avec Matignon lors de votre rendez-vous avec Jean Castex en juillet dernier ?
M.V : Pour être clair, quand j’ai rencontré le Premier ministre en juillet, nous avons parlé du plan de relance mais pas du tout de réforme métropolitaine. On a quand même parlé des attributions de compensations mais c’est une habitude de longue date. C’est un serpent de mer qui vire à l’obsession au gouvernement. Depuis que je suis présidente de la Métropole, la cour des comptes, les préfets, les ministres… Tout le monde me parle des attributions de compensation.
Pensez-vous qu’il est nécessaire et possible de réduire ces attributions de compensation ?
Il faut mettre en place des solutions de péréquation
Martine Vassal
M.V : La ministre de la Cohésion des territoires nous a expliqué lors de la dernière conférence des maires que, contrairement aux autres métropoles, nous n’avions pas de dotation de solidarité entre les communes. Il faut mettre en place des solutions de péréquation. C’est ce qui nous manque. C’est l’une des solutions pour avoir un meilleur équilibre financier entre les territoires. Sur les attributions de compensation, le problème est que les communes et l’Etat sont en désaccord sur leur origine. Pour les municipalités, c’est une compensation de la taxe professionnelle qu’elles ne touchent plus et pour le gouvernement, ce sont des sommes indues. Alors, on met le sujet de côté pour l’instant et on se concentre en premier lieu sur le partage des compétences.
Le projet de loi 3DS sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 6 décembre prochain. Concrètement, qu’espérez-vous y inscrire pour réformer la Métropole ?
M.V : Je souhaite y inscrire les cinq grandes compétences de la Métropole : le développement économique, l’aménagement du territoire, la mobilité, l’environnement et le logement. Ensuite, de fait, toutes les autres compétences pourront être rendues aux communes. Mais ce n’est pas la loi qui décidera. Aux maires de s’organiser dans le respect des règles existantes. Nous avons quinze jours encore pour régler le partage des compétences, aller dans le détail avec les maires et présenter une version finale au gouvernement avant l’examen du projet de loi.
Sur les conseils de territoire, la ministre Jacqueline Gourault estime « qu’il n’ont plus de raison de perdurer ». Les maires ne semblent pas tous d’accord. Doivent-ils disparaître ?
M.V : La ministre a effectivement acté la fin des territoires, elle a été claire. Mais en fait, rien de très nouveau car leur disparition à terme est déjà inscrite dans la loi Maptam. Il ne sera peut-être donc pas nécessaire de l’écrire dans la loi 3DS. Au départ, j’étais pour revoir le rôle des territoires. Actuellement, ils font la même chose que la Métropole. Ce n’est plus possible. Ils ne doivent plus s’occuper des compétences stratégiques.
Certaines petites communes ne souhaitent pas récupérer des compétences lourdes comme les déchets, l’eau ou la voirie. Qu’est ce que la loi prévoit pour ces cas particuliers ?
M.V : Les maires sont en effet très inquiets sur les conditions d’exercice des compétences qui leur seront rendues. Les villages comme Saint-Antonin-sur-Bayon ou Saint-Marc-Jaumegarde n’ont pas les moyens de s’occuper de la propreté et de la collecte des déchets. Cet étage de la réforme est encore un peu flou pour eux. La ministre explique que la Métropole a la possibilité d’avoir des agences par groupement de communes comme nous en avons au Département pour les routes par exemple. Le personnel de ces agences travaillent ainsi à la demande des communes. Autre possibilité, les mairies peuvent se rapprocher entre elles pour gérer certaines compétences. Il y a déjà des exemples comme le nouvel hôpital de Salon pour lequel les communes de Salon-de-Provence, de Miramas et de Grans ont signé une convention pour le construire. Ce type de partenariat est autorisé. Ou alors les communes peuvent déléguer des compétences à la Métropole. C’est légal dans ce sens mais pas dans l’autre. Une chose est sûr, le gouvernement ne veut pas entendre parler du retour des syndicats mixtes.
Demain la suite de notre entretien avec Martine Vassal
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