Le second long métrage de Guillaume Gallienne sort dans les salles de la métropole mercredi 15 novembre. Quatre ans après le succès retentissant Les Garçons et Guillaume à table !, récompensé par cinq Césars, excusez du peu, le comédien-réalisateur revient derrière la caméra dans un autre registre pour nous conter l’histoire d’une jeune actrice.
Maryline (Adeline d’Hermy) retrace le parcours d’une jeune femme de vingt ans, issu d’un milieu rural modeste qui quitte sa famille pour réaliser son rêve de devenir actrice. Lors d’un casting, Ilan Karman (Lars Edinger) un réalisateur allemand, subjugué par la présence lumineuse de la jeune comédienne, choisit Marilyne pour interpréter un premier rôle. Le tournage se passe mal, elle ne répond pas à son attente et le cinéaste la malmène. Déstabilisée, Marilyne n’arrive pas à verbaliser sa colère pour se défendre et se réfugie dans le mutisme. Humiliée mais déterminée à poursuivre sa route, Maryline va croiser sur son chemin une “bonne fée”, Jeanne Desmarais (Vanessa Paradis) …
Entremêlant blessures, humiliations et chroniques familiales, le film distille les douleurs enfouies de la jeune femme et porte un regard acéré sur le monde du cinéma. Les ellipses qui traversent le film font perdre un peu le fil de la narration, mais on se laisse emporter par ce récit touchant qui confirme le talent d’auteur de Guillaume Gallienne et par l’interprétation tout en finesse d’Adeline d’Hermy, véritable révélation du film.
« Le film est inspiré d’une histoire vraie qu’une amie comédienne m’a raconté il y quinze ans, une femme d’une grande humilité. Elle m’a raconté sa vie, elle m’a bouleversée et je porte cette histoire en moi depuis quinze ans. Et puis ma mémoire en a déformé les contours et se sont greffées à cette histoire des anecdotes que j’ai lues, vues et entendues », explique Guillaume Gallienne, rencontré au cinéma Le César, à Marseille, lors de la présentation à la presse. «Le propos est de parler d’une femme qui n’a pas les mots pour se défendre. Parler des introvertis, parler de quelqu’un qui n’a pas les armes, et aussi parler de la bienviellance qui peut sauver une vie. Je voulais raconter aussi ces petites choses de hiérarchie et de pouvoir qu’il peut y avoir dans n’importe quel milieu professionnel. J’ai choisi le théâtre et le cinéma beaucoup plus comme un contexte que comme un sujet. Il se trouve que c’est un milieu que je connais le mieux et que ça exacerbait mon propos et que c’est un rare métier où il faut parler : “ici maintenant tout de suite, action !” », poursuit-il.
Le cinéaste, sociétaire de la Comédie-Française, ne dévoilera pas le nom de la mystérieuse comédienne qui se cache derrière le personnage de Maryline (Adeline d’Hermy) mais il nous confiera que la bienfaitrice de Marilyne, une certaine Jeanne Desmarais (Vanessa Paradis) au timbre de voix si particulier et reconnaissable entre tous est bien un clin d’œil à la bienveillance qu’a eu un jour Jeanne Moreau envers une actrice. Quant au metteur en scène allemand caractériel auquel le film fait allusion ? Que nenni ! Guillaume Gallienne répondra par une référence à un auteur japonais : « Il y a une phrase qui m’a bouleversé dans ma vie c’est dans l’éloge de l’ombre de Tanesaki. Il dit : “L’or n’est jamais plus beau que dans le noir”. C’est une histoire de jeu d’ombre et lumière pour raconter la bienvieillance. J’ai dû raconter l’humiliation et pour raconter l’élévation de la fin, j’ai dû la faire sombrer avant. Histoires de relief, presque des histoires de rythmes. J’étais obligé d’aller assez loin dans le propos. »
Adeline d’ Hermy (Marilyne) est la véritable révélation du film. La comédienne, elle aussi sociétaire de la Comédie-Française depuis six ans, réussit à composer un personnage tout en retenu, fragile et fort à fois, empreint de violence et de blessures intérieures. « C’était un vrai challenge, j’ai fait très peu de cinéma (Ndlr Camille redouble de Noémie Lvovsky, Yves St Laurent de Jalil Lespert), je me disais c’est vertigineux. C’est un personnage qui traverse énormément d’étapes dans sa vie, il y avait beaucoup de choses à jouer. Il fallait jouer sur du minuscule, sur le silence, il fallait réussir à jouer sans mot à l’intérieur, au théâtre on a plutôt tendance à faire l’inverse. »
Adeline d’Hermy a déjà partagé l’affiche au théâtre avec Guillaume Gallienne dans La Trilogie de la Villégiature de Carlo Goldoni et plus récemment Les Damnés d’après Luchino Visconti, elle nous parle de Guillaume Gallienne, réalisateur : « Guillaume est extrémement précis et c’est l’avantage de travailler avec un réalisateur qui est également acteur. Il connaît forcément très bien les acteurs et leur manière de fonctionner. Il sait exactement comment faire, quoi dire pour arriver à ce qu’il veut et en même temps il laisse beaucoup l’imaginaire de l’ acteur faire. Après c’est de l’improvisation normale avec ce qui se passe avec l’instant. »
La scène finale du film se termine avec La Blessure de Léo Ferré magnifiquement interprété par Vanessa Paradis, pourquoi ce choix ? « Il m’a été soufflé par le conseiller musical du film, Nicolas Vassilieff, précise Guillaume Gallienne, et la dernière scène, en effet, résolve tout, il y a cette élévation. Je voulais un hommage aux femmes en général et cette blessure c’est L’Origine du monde du tableau de Courbet. On a jamais fait une chanson aussi belle sur le sexe féminin. J’ai joué pendant trois ans Lucrèce Borgia et je voulais aussi raconter ça, ce que j’ai pu éprouver en tant qu’acteur en me rapprochant le plus possible d’une femme. »
Guillaume Gallienne s’envolera bientôt pour enseigner aux Etats-Unis et jouera les Damnés à New-York en août prochain. D’ici là, Maryline de Guillaume Gallienne est dans les salles dès le 15 novembre 2017 aux cinémas Mazarin (Aix), Le Pagnol (Aubagne), Lumière (La Ciotat), Le Prado et Les Variétés (Marseille).