Qui sont les habitants de ce centre-ville aujourd’hui ?
M. P. Il y a une population très pauvre, mais nous voyons se développer aussi, ces dix dernières années, ce que j’appelle une CCP : une « classe créative précaire ». Elle est formée d’abord d’étudiants. Marseille a doublé sa population étudiante en 20 ans, ils sont 60 000. Sur les 8 victimes de la Rue d’Aubagne il y a deux étudiants, c’est significatif. Noailles est un quartier étudiant !
Les CCP sont aussi des jeunes qui travaillent dans les industries de la communication, dans les médias, dans les associations artistiques, sociales ou caritatives, dans l’audiovisuel. Ce sont les employés de « Plus belle la vie » depuis 2004, de la Friche de la Belle de mai, de la Cité des arts de la rue, du Mucem… Ces institutions ont généré cette classe créative précaire, nouvelle en terme sociologique, qui ne se reconnaît pas dans le système notabiliaire classique, qu’il soit de gauche ou de droite. Ils ont des formes de vie, d’action et de discussion politique à des années-lumière de l’establishment. Ils animent ou fréquentent des lieux d’utopie urbaine, des cafés écolos, des restos alternatifs, des jardins expérimentaux, s’engagent pour le logement ou les droits des migrants.
Ce sont des métropolitains très mobiles. Électoralement, ils ne sont plus nulle part, ils ne sont pas forcément inscrits sur les listes. Ils sont précaires, mais pas incultes !
À Marseille, et pour longtemps, une faille s’est creusée entre le système politique et cette classe créative précaire.
Ce sont des mouvements émergents, aux élections européennes, par exemple, Noailles a voté comme le Marais à Paris.