Ils s’affichaient côte à côte, jeudi 28 juin, pour célébrer les 20 ans de l’Ecole de la Deuxième chance (E2C). Et ils ont même discuté, « sincères et pragmatiques » en coulisses (voir la vidéo ci-dessous). Un peu plus tôt dans la journée, Renaud Muselier, président de la Région Sud – Provence-Alpes-Côte-d’Azur, était catégorique. « Je n’irai pas voir Muriel Pénicaud à l’occasion des réunions prévues cette après-midi ». Il faut dire que même si les deux se « tutoient », les relations avec la ministre du Travail sont tendues. Renaud Muselier ne s’en cache pas, « j’ai dit un certain nombre de méchancetés sur sa réforme, avec ma façon de m’exprimer souvent très claire, elle m’a répondu de façon tout aussi claire ».
A midi, il était donc hors de question pour lui de feindre la bonne entente à l’occasion de sa venue à Marseille, mais il ne pouvait pas manquer cette célébration, car l’E2C s’inscrit pleinement dans « sa stratégie emploi formation », parce qu’elle est née à Marseille, alors qu’il était en charge de l’emploi à la Ville, mais plus encore parce que « gagner la bataille de l’emploi » passe avant tout. L’occasion pour lui d’égrener quelques chiffres sur l’apprentissage pour lequel il mise gros. 27 000 apprentis en 2015, 32 000 apprentis visés cette année 2018. L’objectif est d’atteindre 50 000 apprentis d’ici la fin du mandat. Au-delà de leur désaccord, les remerciements pour la présence de la ministre étaient naturellement de rigueur. Le point de mésentente réside dans la fermeture des centres de formation dans la région consécutive à l’application de la réforme.
A #Marseille nous fêtons les 20 ans de l’#école de la 2ème chance !
Une formidable aventure pour les enfants de Marseille qui connaissent des épreuves dans leur scolarité. Face aux difficultés de la vie, chacun a le droit à une 2ème chance. C’est là tout le sens de ce projet. pic.twitter.com/nmttrQe5Pf— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) 28 juin 2018
Après plusieurs allers-retours par courriers ou presse interposés, Renaud Muselier s’était rendu directement au ministère pour rencontrer Muriel Pénicaud et son directeur de cabinet en charge du dossier, pour « aborder le problème ». Lui estimait, dans son mode de calcul, que sur les 72 CFA de la région, « 33 partent à la casse, notamment des ruraux ». Le ministère, de son côté, faisait état de seulement trois, pour lesquels la Région aurait reçu une compensation. Dans ces circonstances, les colères exprimées paraissaient injustifiées.
Pour préciser plus finement ces chiffres, les services respectifs ont procédé à un comptage minutieux. La première séance a mis au jour un chiffre identique pour la Région Sud, alors que le ministère avançait finalement 12 CFA (au lieu de trois) soumis à une potentielle fermeture. Avec une volonté d’avancer pour trouver une solution satisfaisante, le ministère décidait donc de faire cette étude sur trois régions de France : Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le Pays de la Loire et la Sarthe, de façon à faire comparatif. « On n’a pas de nouvelles, mais elle avance aujourd’hui de son coté sur la loi, donc je reste inquiet ».
La ministre qui nourrit « une grande ambition pour les CFA », tout comme le président de la Région, espère trouver une solution positive au problème des CFA. Celle-ci s’est peut-être engagée sous une forme inattendue, puisque la ministre fait un pas vers la Région en faveur de la formation avec la mobilisation de 534 millions d’euros sur 4 ans dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences (Pic). Ce plan de 15 milliards d’euros à l’échelle nationale – qui sera conduit entre 2018 et 2022 – vise à former un million de jeunes peu qualifiés et un million de demandeurs d’emploi de longue durée faiblement qualifiés ainsi qu’à transformer en profondeur l’offre de formation. « Un effort sans précédent ».
Renaud Muselier a d’ailleurs suggéré d’intégrer les écoles de la Deuxième chance au cœur du Pic et proposé de faire de leur développement en Région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur, « un axe fort de notre futur partenariat ». L’occasion de se laisser une nouvelle chance… Le dialogue n’est pas rompu comme l’atteste la conversation entre les deux protagonistes jeudi 28 juin, à l’arrière de la scène où venaient de se tenir les discours pour les 20 ans de l’Ecole de la 2e chance.
Vidéo
Muriel Pénicaud : “Je suis sincère et pragmatique.” Renaud Muselier : “Moi aussi”
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