Dans une série policière, c’est la dernière question de l’inspecteur Colombo, sur le pas-de-porte, qui est toujours la plus révélatrice. Et dans le panel de l’Apec, le 24e slide de la présentation des chiffres annuels de l’emploi des cadres (1), révèle ainsi que « 47 % des cadres de la région ressentent l’envie de démissionner de temps en temps ou régulièrement ». Le blues du cadre du Midi n’est donc pas une légende.
Et le constat de ce mal-être au travail est confirmé par les réponses à la question suivante : « Quelle importance accorderiez-vous à chacun de ces critères si vous deviez changer d’entreprise ? » Viens en premier à 58 % « l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle » ; vient en 2e position « l’intérêt des missions » à 55 % et enfin à 52 % la rémunération proposée. Un tiercé significatif, puisque derrière la localisation de l’entreprise, c’est-à-dire les trajets domicile-travail envisagés, ne compte que pour 37 %.
Autrement dit, un cadre sur deux envisage, de temps en temps de quitter son boss, et ce qui peut le faire changer d’avis, tient à sa qualité de vie, à l’intérêt du travail et en troisième à la rémunération proposée. Et cette attention à la rémunération devrait interpeller les recruteurs qui, malgré les conseils de l’Apec, persistent à publier des offres d’emploi sans indication de rémunération.
La marque employeur en panne ?
Tous les efforts dont nous parlons souvent sur la qualité de vie au travail, sur la marque employeur, sur la RSE ne sont pas encore partagés par toutes les entreprises. Si un certain nombre d’acteurs novateurs ont compris que la fidélisation de leurs équipes passe par des efforts sur l’intérêt du travail ou sur le respect des managers, la reconnaissance des talents, des filières entières en restent au management de papa, comme le commerce, l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, etc.
L’Apec confirme le déphasage qu’il y a entre les attentes des salariés sur le télétravail et une vision patronale qui tend à recentrer, sous une autorité physiquement visible, le travail quotidien. Alors que les jeunes en particulier ont besoin qu’on leur accorde confiance et autonomie. Plus d’un tiers des cadres (37 %) s’affirme être prêt à « entreprendre des démarches actives afin de changer d’entreprise ». Mais seulement 6 % passeront à l’acte !
La responsabilité sociétale et environnementale s’est imposée, mais elle a encore, comme on dit pudiquement, des marges de progrès. Les professions ne pourront pas longtemps rester conservatrices au point de vue social sociétal et environnemental tout en se plaignant de rencontrer des difficultés de recrutement. 10 030 cadres séniors de 55 ans et plus sont inscrits à France Travail au 31 décembre 2024, une ressource toujours négligée par les recruteurs.
Les chiffres de l’année 2024 présentés par le délégué régional Anthony Fumard le 3 avril 2025 montrent toujours une grande tension sur le marché des cadres, même avec une baisse des recrutements. Notre région compte 249 972 cadres en emploi, dont 127 161 sur le seul département des Bouches-du-Rhône.
Une baisse des recrutements informatiques
En 2024, les recrutements ont retrouvé le niveau de 2022 à 19 260 (en chute de 11 %) et il devraient se stabiliser en 2025. 3 400 postes de cadres ont été créés en 2024 contre 4 780 en 2023, les entreprises semblent avoir pris le parti de la rareté des talents et ont privilégié la promotion interne au recrutement externe en grande difficulté.
Pour Anne-Marie Chopinet, présidente du Comité paritaire Apec Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, « le marché de l’emploi cadre connaît une contraction marquée dans la région en 2024 avec des recrutements de cadre en baisse de 11% sur un an supérieur à la tendance observée à l’échelle nationale (-8 %). »
La répartition par secteur n’est pas au diapason du national puisque nous connaissons une baisse significative des recrutements en informatique qui passent de 21 % à 14 %, mais une hausse du secteur des études et de la recherche & développement qui passent de 16 à 20 %. L’univers tonique de la tech aspire des chercheurs de tous secteurs. Les difficultés de grandes enseignes commerciales que nous connaissons n’ont pas encore atteint le score à 18 % du secteur du marketing.
Les PME, toujours génératrices d’emploi
Pour les prévisions 2025, 72 % des recrutements de cadres devraient être réalisés par une PME contre 64 % sur le plan national. Les services à forte valeur ajoutée sont en tête et l’industrie fait un joli score à 12 %.
Les familles de métiers qui déposent le plus d’offres d’emploi cadre pour 2025 sont dans un top 5 : le développement informatique, la comptabilité, le commercial, l’ingénierie d’affaires et les services informatiques.
La dynamique des emplois cadres souligne Anthony Fumard est toujours en croissance, « Nous sommes une des régions les plus dynamiques de France en matière d’emploi des cadres ». Mais nous avons, souligne-t-il, un « déficit de formation initiale d’ingénieurs ».
Gardarem lo païs
Enfin, qu’il soit originaire d’ici ou d’ailleurs les cadres n’ont pas envie de quitter le Sud : 79 % des cadres travaillant en Provence-Alpes-Côte d’Azur se disent attachés à la région dont 40 % se disent très attachés à cette région. C’est moins bien que les Bretons qui sont 90 % à chérir la Bretagne, mais c’est mieux que les Parisiens qui ne sont attachés à l’Île-de-France qu’à 49 %. Le premier atout est le climat suivi du cadre de vie. Le logement reste le point noir de la région pour 75 % des cadres interrogés.
Anthony Fumard veut rester prudent face à la conjoncture géopolitique internationale agitée et aux incertitudes nationales qui sont la cause de la chute des investissements comme des recrutements fin 2024 début 2025. « Les volumes sont là, mais ils sont perturbés, on a pris une claque » reconnaît-il, mais la demande reste forte.
(1) Enquête réalisée en septembre octobre 2024 auprès d’un échantillon de 631 cadres du secteur privé travaillant dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse. Échantillon redressé pour être représentatif des cadres du secteur privé de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse en termes d’âge, de sexe, de taille d’entreprise, de secteur d’activité, de lieu de travail (urbain / rural).