Plonger dans ce qui a fait ce que nous sommes collectivement
Le titre III reviendra plus précisément sur les conséquences que l’on doit tirer de cette analyse dans le cas particulier de la France. Car notre pays, plus que les autres, et de manière originale, s’est inscrit dans toute cette histoire d’une façon qui, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, n’est désormais, ni durable, ni reproductible. La mue naturelle qu’impose aux structures vivantes l’adaptation au monde qui change, est dans notre cas plus difficile, car plus profonde. Alors, autant plonger dans ce qui a fait ce que nous sommes collectivement et dont nous sommes tellement imprégnés, même inconsciemment.
L’exercice n’est pas facile et n’a pas pour objet de se flageller sur l’autel d’on ne sait quelle modernité dictée de l’extérieur. Mais tenter d’aller de l’avant et de donner un sens nouveau à la construction européenne nous impose de regarder l’originalité de notre rapport à la violence. Quelque chose qui nous est propre et qui continue de caractériser le fonctionnement de nos institutions et les rapports entre nous. Quelque chose qu’il nous appartient de changer.
Il y a en Europe un stock immense de souffrances qui impose le respect, le calme, la compassion
Finalement, avec le titre IV il s’agira de rassembler toutes ces mémoires européennes, éparses et meurtries, oubliées bien souvent, mais pourtant toujours pesantes. L’exercice n’a pas pour objet de réveiller les vieilles querelles, mais au contraire de permettre à chacun d’entre nous, séparément, mais aussi tous ensemble, de mesurer combien chacun de nous a souffert. Il y a en Europe un stock immense de souffrances qui impose le respect, le calme, la compassion. Un stock de souffrances à l’aune duquel chacun ressent charnellement que c’est aussi et peut-être surtout cet héritage qui, loin de nous opposer, nous unit. Un héritage qui fonde une identité commune dont nous pouvons faire le ciment d’une vie commune. Comme si la diversité des mémoires était justement un des éléments structurants de l’identité européenne secouée par une nouvelle mondialisation, qui en tout état de cause s’impose à elle avec la force d’un gigantesque tsunami.
Philippe San Marco
Octobre 2019