Le Plan Bleu vient de publier un nouveau rapport intitulé « Solutions basées sur la nature pour les villes méditerranéennes ». Cette étude donne un aperçu du concept de « solutions basées sur la nature » et de sa valeur ajoutée, pour les zones urbaines situées sur la côte méditerranéenne, sur la base de 14 études de cas de projets situés sur l’ensemble des côtes de la région. Gomet’ donne la parole à Michaël Karner, chargé de programme au Plan Bleu (PNUE/Plan d’action Méditerranée) pour expliciter ces solutions nouvelles et leur capacité à produire de la résilience
Du fait des impacts du changement climatique, la région méditerranéenne est celle qui se réchauffe actuellement le plus rapidement au monde, devancée seulement par l’Arctique. Ce constat alarmant, établi par le réseau de scientifiques du MedECC (1), The mediterranean experts on climate and environmental change, vient s’ajouter à de nombreuses crises en cours dans la région : conflits, déplacements forcés… sur fond de déperdition massive de la biodiversité unique de la région, et de ses ressources.
60 zones urbaines supérieures à un demi-million d’habitants
Les villes côtières de la Méditerranée cristallisent ces phénomènes. Souvent dressées le long d’une bande côtière étroite, elles sont soumises à des pressions démographiques (densité humaine, exode rural, tourisme), climatiques (sécheresses, canicules, tempêtes, feux de forêt, inondations, espèces invasives), environnementales (aménagement et usages destructifs, pollution terrestre et marine) et socio-économiques (pauvreté, inégalités, chômage).
Or, le pourtour méditerranéen comporte plus de 60 zones urbaines avec des densités de population supérieures à un demi-million d’habitants, dont 25 villes de plus d’un million d’habitants. Au total, cela représente 150 millions de personnes, soit les deux tiers de la population côtière totale de la Méditerranée, qui continue elle aussi de croître.
Pour faire face à ces défis, il est urgent de renforcer la capacité des villes à résister et à surmonter les impacts des chocs, naturels ou d’origine anthropogénique – autrement dit, d’augmenter leur résilience. Elles peuvent en cela compter sur les solutions fondées sur la nature (SfN), définies par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2016 comme « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité ».
Protéger, restaurer ou recréer des écosystèmes
Les SfN proposent des moyens de protéger, de restaurer ou de recréer des écosystèmes capables d’assurer et de renforcer les processus écologiques de base sur lesquels nous comptons pour vivre (eau, alimentation, matériaux, médecine, bien-être…) : capacité des sols à infiltrer et retenir les précipitations, bonne santé des sols, pollinisation, biodiversité, régulation de la température et de l’humidité, entre tant d’autres. Le Plan Bleu en présente notamment une sélection thématique dans Nature-based solutions for mediterranean cities (2024).
Introduire les SfN dans les zones urbaines et périurbaines, c’est avant tout rétablir des effets de symbiose et de connectivité bénéfiques dans nos villes, à la manière des réseaux de mycélium (2) qui portent le socle de vie, le sol, sur lequel poussent nos forêts.
Il s’agit d’intégrer, plutôt que de ségréguer
Il s’agit d’intégrer, plutôt que de ségréguer. Les SfN, même établies à petite échelle, peuvent s’imbriquer et être mises en réseau afin d’agir à de multiples et de plus grandes échelles. Qu’il s’agisse de restaurer les bassins-versants, cours d’eau et zones humides situés aux alentours des zones urbaines, ou de recouvrir nos toits et façades de végétation, afin de mieux réguler les microclimats urbains, cette imbrication est un aspect clé de la démarche. Il en va de même concernant la transformation de nos systèmes agricoles urbains et périurbains, par exemple à travers l’établissement à grande échelle de systèmes agroforestiers ou d’agriculture régénérative.
À l’échelle temporelle, les SfN sont rythmées par la temporalité naturelle, et non humaine
À l’échelle temporelle, les SfN sont rythmées par la temporalité naturelle, et non humaine. Au fur et à mesure qu’elles s’établissent, s’installent et se propagent, les SfN gagnent en efficacité et en bénéfices au fil des années, par exemple en termes de création d’emplois, de santé, de bien-être, d’éducation et de justice environnementales.
Mais la tâche est quotidienne, car elle revient à l’humain. De fait, la contextualisation des SfN dans chaque lieu et paysage est fondamentale. Celles-ci comprennent donc également les dispositifs scientifiques, éducatifs, de gouvernance et de renforcement des capacités permettant de mieux apprivoiser le concept des SfN, encore récent. À ce titre, la valorisation des pratiques et savoirs locaux est fondamentale.
La Méditerranée est, au final, largement favorisée en termes d’options de SfN applicables dans ses espaces urbains, du fait de sa remarquable biodiversité, de son climat et de sa diversité humaine.
À nous de mieux valoriser cette diversité afin de préserver et de restaurer ce qui mérite d’être préservé – notre «maison mer» à toutes et à tous, êtres humains et non-humains, êtres vivants, tout simplement.
Michaël Karner,
chargé de programme au Plan Bleu
(PNUE/Plan d’action Méditerranée)
Marseille, le18 octobre 2024
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(1) Le MedECC (Mediterranean Experts on Climate and environmental Change) est un réseau ouvert et indépendant de scientifiques fondé en 2015. Ce réseau d’experts évalue les meilleures connaissances scientifiques disponibles sur le changement climatique et environnemental et les risques associés dans le bassin méditerranéen afin de rendre ces travaux accessibles aux décideurs, aux parties prenantes et à la population. Depuis 2018, le Plan Bleu accueille le Secrétariat scientifique du MedECC dans le cadre d’un partenariat avec l’Union pour la Méditerranée (UpM). Le réseau compte plus de 700 membres scientifiques qui sont issus de 35 pays, dont 19 sont des Parties contractantes à la Convention de Barcelone et 23 sont membres de l’UpM.
(2) Le mycélium est l’appareil végétatif des champignons, formé d’une masse de filaments généralement blancs, sur lequel poussent les carpophores (fructifications), couramment nommé champignon.