Lancé en 2019, le très attendu plan vélo de la Métropole a été voté jeudi 16 décembre. Il prévoit la construction de huit lignes de pistes cyclables sur Marseille d’ici 2024 et leur extension d’ici 2030. A mi-chemin du plan prévu pour 2024, le collectif Vélos en ville vient de publier un bilan plutôt pessimiste de l’avancée des travaux. Pour établir ce baromètre, Vélos en ville classe en trois catégories les 15 actions comprises dans le plan vélo de la Métropole en se concentrant uniquement sur Marseille : les infrastructures, les services, les changements de comportement.
Ainsi, sur 88 kilomètres de pistes cyclables prévus d’ici 2024, seulement sept sont achevés à ce jour, selon le collectif. « A mi-parcours du plan, la moitié aurait déjà dû être construite, soit 44 kilomètres ! » s’indigne auprès de Gomet’ le directeur du collectif, Cyril Pimentel, à l’occasion du séminaire organisé par Ramdam vendredi 3 décembre dernier, au cours duquel le conseiller métropolitain délégué aux mobilités de la Métropole, Philippe Ginoux, était convié pour un point d’étape. Ses propos n’ont pas convaincu les défenseurs du vélo présents en nombre : « Aujourd’hui, il est difficile de demander aux maires de la Métropole de faire des pistes cyclables lorsqu’il n’en ont pas la capacité », estimait ainsi celui qui est aussi maire de Sénas. Il accusait par ailleurs « la lenteur administrative » dans le retard du plan. A ce stade, l’avancement du plan est donc chiffré à 10,5% par Vélos en ville. « Sans doute qu’en 2024, nous ne serons pas plus avancés » déplore Cyril Pimentel.
Des projets déjà engagés avant le plan vélo
De plus, ajoute Vélos en ville dans son baromètre paru en ligne, « il faut bien comprendre que ces huit lignes ne sont pas nouvelles » : le collectif pointe le fait que certaines lignes étaient déjà en partie réalisées (la portion le long du littoral à la Joliette ou sur les plages du David et à Pointe rouge pour la ligne 1 ou bien sur les plages du David et Saint-Loup pour la ligne 2 ou encore Luminy – Valmante – Prado – Castellane pour la ligne 3) ; d’autres encore aurait été étudiées et actées bien avant l’élaboration du plan vélo, comme c’est le cas pour les lignes sur les boulevards Sakakini, Jean Moulin et François Duparc (ligne 5), le cours Lieutaud, ou encore la piste cyclable de la Corniche. « On peut donc en conclure que pour grossir son plan vélo et ses actions la métropole a englobé d’autres réalisations passées, présentes ou à venir mais pas forcément nouvelles », s’insurge le collectif. Les seules nouveautés, relève le collectif, sont la réalisation du tronçon entre Mourepiane et Arenc sur la ligne 1 (pour laquelle la Métropole a lancé cet été un marché public pour 5,5 km) et la ligne qui longe l’Huveaune.
Le bilan est un plus favorable du côté des services mis en oeuvre : le collectif Vélos en ville reconnaît une avancée à 50% à mi-parcours du plan et salue la mise en place du service de location longue durée Levélo+. « Mais il n’est pas certain que l’on pourra davantage avancer. Tout ce qui pouvait être fait a été fait », nuance Cyril Pimentel.
Enfin, le changement des comportements concerne les actions prévues par la Métropole pour inciter les usagers à privilégier les modes de transports doux. Vélos en ville considère l’action visant au développement du cyclotourisme comme « nébuleux » et l’écomobilité « au point mort ».
« Ces lignes ne sont pour l’heure que des objectifs, il n’est pas certain qu’elles soient finançables »
Philippe Ginoux, conseiller métropolitain en charge du schéma de la voirie et des aménagements cyclables
Contacté par Gomet’, le vice-président métropolitain en charge de la voirie et des aménagements cyclables Philippe Ginoux défend le bilan métropolitain : « Dans le contexte actuel, la Métropole a tout de même continué d’avancer. Les associations ne voient que la partie émergée de l’iceberg, pas la partie immergée, c’est à dire toutes les études qui sont actuellement en cours pour la réalisation des pistes ! »
Par ailleurs, « les lignes dépeintes sur le schéma (voir ci-dessus) ne sont que des objectifs prévisionnels, qui ne seront pas forcément finançables. Ce n’est pas que nous ne voulons pas faire, mais nous nous heurtons à des problèmes de foncier, de financements… La Métropole, ce n’est pas le quoi qu’il en coûte », souligne Philippe Ginoux.
En dehors de Marseille et du conseil de territoire Marseille Provence où la Métropole est pleinement compétente en matière de voirie, il relève des difficultés liées à la volonté des maires : « il faut que les associations comprennent que nous ne sommes pas seuls décideurs. On ne peut pas décider seuls, à la Métropole, d’implanter une piste cyclable où bon nous chante. Si les maires ne sont pas d’accord, nous ne pouvons pas le faire. » Des blocages aussi peuvent survenir du côté des habitants de la communes : « Aujourd’hui, ce ne sont pas 100% des gens qui utilisent le vélo. Comment voulez-vous expliquer aux usagers qui garent leur voiture tous les jours qu’il faut supprimer un parking pour remplacer par une piste cyclable ? », insiste Philippe Ginoux.
Concernant les accusations de reprise de schémas déjà initiés avant le plan vélo, « il est normal que nous avancions dans la continuité de ce qui a été fait avant. Si nos prédécesseurs ont payé es études avant notre arrivée, il ne faut pas qu’elles ne servent à rien », défend le maire de Sénas. Ce dernier espère d’ailleurs que ses successeurs « prendront la relève si le plan n’aboutit pas d’ici la fin de la mandature », aveu à peine voilé que cela constitue une hypothèse sérieuse…
Liens utiles :
> Le baromètre de Vélo en ville
> Thomas Chaussade (Vélos en ville) : « Le développement du vélo à Marseille, ça urge »
>[Interview] Un an après son lancement, Le vélo+ compte 800 abonnés (Cécile Balestrini, AMP)
> > Les actualités du vélo dans notre rubrique transports