Ce n’est pas de gaité de cœur et même avec « tristesse et déception » que la jeune insoumise Sarah Soilihi a décidé de renoncer aux européennes. La porte-parole nationale du mouvement conduite par Jean-Luc Mélenchon avait fondé beaucoup d’espoirs dans cette candidature, souhaitant mener cette bataille électorale. Son statut au sein de la France insoumise, les qualités vantées par l’insoumis en chef, son travail sur le terrain… n’auront pourtant pas suffi à propulser la jeune femme dans le carré de tête. Le comité a choisi de la placer comme 9e femme sur la liste pour l’élection de mai 2019. Une « surprise » pour nombre de militants qui travaillent aux côtés de la jeune doctorante en droit. Certains parlent même « de manœuvres politiciennes », alors que le parti innovait avec le « nouveau » processus de nomination démocratique.
Victime « de petits arrangements entre amis »
Alors, la championne du monde de kick-boxing a-t-elle été sciemment évincée des européennes ? Au regard des déclarations parues jeudi 5 juillet dans Libération, les soutiens de la jeune femme semblent clairement le penser. Dans cet article, Lilian Guelfi, membre du comité électoral, affirme avoir été témoin de « méthodes scandaleuses » dans la désignation des candidats et appelle à un sursaut des militants sur la liste dévoilée mercredi 4 juillet. Parmi les exemples cités, le militant évoque celui de Sarah Soilihi, qui aurait été victime de « petits arrangements entre amis ».
Manuel Bompard, le « chef » du mouvement est mis en cause. Candidat, mais aussi membre du comité électoral, il « est à la fois juge et partie. Cela pose un vrai problème d’indépendance du comité », confie Lilian Guelfi à Libé. Et d’ajouter : « Il essayait constamment de placer ses fidèles et d’évincer les gens qu’il n’appréciait pas ou qu’il voyait comme une potentielle menace. Il a fait en sorte que nous ne tenions pas compte des commentaires positifs sur des candidats largement soutenus par les militants sur la plate-forme, comme Philippe Juraver, Sarah Soilihi, Djordje Kuzmanovic et d’autres. Certaines de ces candidatures n’ont même pas été discutées pour le haut de la liste (…) et il attaquait certaines candidatures sans arguments politiques, en décrétant que celui ou celle-ci « ne méritait pas », comme ce fut le cas pour Sarah Soilihi (…) Il ne s’agissait que d’attaques personnelles, humainement déplorables et infondées. »
Selon l’entourage de la jeune marseillaise, « Sarah est, au contraire, méritante ». La Marseillaise aurait justement payer son « franc-parler », son volontarisme et son ambition de réussir au sein du mouvement « pour le mouvement ».
Elle poursuit le combat…
Bousculée par la polémique, LFI est loin de ce en quoi la jeune femme aspirait lorsqu’elle l’a rejoint. Dans ce contexte où plane désormais la suspicion, elle a préféré se retirer et ainsi éviter d’essuyer des critiques injustifiées ou les procès d’intention. Ce qui peut s’apparenter à un « caprice parce qu’elle était en mauvaise position dans la liste » ou un égo mal placé « n’en est rien », assurent ses proches. Cela va bien au-delà. « Cela relève d’une dimension humaine. Lorsqu’on se bat corps et âme pour un parti dans lequel on croit et qu’on comprend que celui-ci semble ne pas nous faire confiance, cela fait forcément réfléchir. Et lorsqu’on parle d’attaques humainement déplorables et infondées, c’est aussi blessant », exprime un de ses proches amis. Pour une autre militante, présente à l’occasion du discours de Jean-Luc Mélenchon, jeudi 5 juillet, sur le cours Julien, pour fêter un an d’insoumission: « Sarah Soihili ne méritait pas ça. Elle a été dénigrée alors que son retrait a été fait dans la plus grande cordialité sans pointer personne, et en plus elle a bien précisé qu’elle poursuivait le combat ».
« Une erreur stratégique »
Jusqu’ici la jeune femme, qui a reçu de très nombreux messages de soutien, ne s’est exprimée que sur son compte Facebook pour annoncer la nouvelle, indiquant dans son post regretter « les polémiques qui se font autour du comité électoral ». Elle entend néanmoins rester intègre, fidèle à ses valeurs et aux militants. Compte tenu de sa popularité dans les quartiers marseillais, l’éviction de Sarah Soilihi est considérée comme une « erreur stratégique » qui dessert au mouvement, notamment dans la perspective des municipales.
La question qui se pose alors aujourd’hui est : rester ou partir ? Pour l’heure, Sarah Soilihi dit vouloir poursuivre sa mission d’oratrice nationale, et souhaite continuer « à défendre le mouvement et ses idées », en s’investissant plus encore sur le travail de terrain aux côtés des militants. Quoiqu’il en soit, la boxeuse n’a pas l’âme d’une perdante s’accordent à dire ses coaches. Elle se relèvera de ce forfait, « pour mieux repartir ». Certains la poussent déjà vers 2020. En attendant, le match des européennes n’est peut-être pas perdu, si un sursaut des militants a lieu… Dans le cas contraire, la liste définitive devrait être approuvée vers le 20 juillet.