Le sénateur (EELV) était présent à l’occasion du conseil métropolitain qui s’est tenu jeudi 15 décembre et a abouti, entre autres, au vote d’une nouvelle dotation de solidarité communautaire (DSC) de 15 millions d’euros en faveur de Marseille. Auteur d’un amendement qui, faute d’accord métropolitain, imposerait une meilleure péréquation au sein de la Métropole, Guy Benarroche est un fin connaisseur du dossier de la réforme de la loi 3DS. Il est en outre membre de la mission parlementaire sur les métropoles à statut spécial, qui s’est achevée cet été. Il livre ses impressions sur le conseil décisif qui vient de se tenir et dresse le tableau pour la suite de la réforme.
Gomet’ : Qu’avez-vous pensé de la séance d’hier ? La Métropole est-elle sur la bonne voie ?
Guy Benarroche : Ce conseil a permis d’aboutir à des avancées très positives pour la Métropole, telles qu’une nouvelle DSC et un accord sur les compétences voirie et propreté entre la Métropole et Marseille. Cela a été permis grâce à la double pression de l’amendement soutenu par l’Etat, ainsi que du droit de veto du maire de Marseille Benoît Payan. Maintenant, on peut avancer.
Pour autant, le travail est loin d’être fini. Sur l’année 2023, la répartition financière a été approuvée mais le contraire aurait été étonnant : en effet, c’est la première fois que les communes, même les plus riches, vont toucher une DSC en plus de leurs attributions de compensation qui ne bougent pas, puisque la Métropole dit pouvoir le financer. Mais la question du financement de la DSC demeure pour les années 2024-2025. Bien sûr, la Métropole peut toujours essayer de diminuer ses charges en limitant l’investissement et en augmentant la fiscalité, mais on sait très bien que ce n’est pas comme cela qu’elle parviendra à dégager des marges de financement (45 millions d’euros de budget de DSC pour 2024, puis 66 millions d’euros en 2025, ndlr). Pour ces deux années à venir, on ne peut que recalculer les attributions de compensation.
Plusieurs maires ont exprimé leur inquiétude à ce sujet … Cette inquiétude est-elle justifiée ?
G. B : Je n’appellerais pas cela de l’inquiétude. Les maires sont tout à fait conscients que les attributions de compensation vont être recalculées quoi qu’il advienne. Tous ont en tête qu’un nouveau rapport de la Chambre régionale des comptes doit paraître au deuxième trimestre 2023 sur le coût des charges liées aux évolutions de compétences prévues par la loi… Je retiens cependant l’intervention du maire de Vitrolles Loïc Gachon (PS) qui alertait sur le fait que les AC ne doivent pas reprendre les mêmes critères que la DSC. Les objectifs de ces deux versements aux communes sont en effet très différents [les AC compensent l’exercice par les communes de compétences métropolitaines tandis que la DSC remédie aux écarts de richesse entre les communes de la Métropole, ndlr].
D’autres maires mettent en avant le fait que leurs attributions de compensation sont dues aux efforts de leurs commune, notamment en termes d’industrialisation. Cet argument n’a rien à voir avec le but des attributions de compensation. Il correspond à des choix politiques faits par les maires avant l’existence même de la Métropole. La seule solution pour financer la hausse de la DSC, c’est de baisser les attributions de compensation, ce que l’amendement que j’ai déposé propose de faire en lissant cette baisse sur quatre ans (un amendement qui a été rejeté, ndlr).
La commission locale d’évaluation des charges transférées est maintenant à l’oeuvre pour calculer tout cela. Le conseil de ce jeudi n’était qu’une première étape.
Le président de la commission finances à la Métropole, Didier Khelfa, a mis en avant la pression de l’Etat pour trouver une solution au plus vite, qui devrait être trouvée avant le retour du Président de la République à Marseille…
G.B : Si l’Etat avait vraiment voulu mettre la pression sur la Métropole, il aurait fait passer l’amendement. Or, en l’espèce, il laisse la possibilité aux acteurs locaux de trouver une issue entre eux. Le seul coup de pression qu’a mis l’Etat, c’est l’avis favorable accordé à l’amendement par le ministre Gabriel Attal. Cela laisse très clairement passer le message que si le dossier n’avance pas, le gouvernement aura la possibilité de revenir à la charge en faisant passer l’amendement. Je ne sais pas si on peut appeler ça une épée de Damoclès (terme employé par Didier Khelfa, ndlr), mais c’est en tout cas une surveillance établie pour être sûr que l’on avance. Mais visiblement, pour l’heure, le Gouvernement a considéré aux vues des discussions sur la table que les choses avaient suffisamment avancé. Il remettra de toute façon un bilan d’application de la loi en décembre 2023.
Vous avez pris part à la mission sénatoriale sur les métropoles à statut spécial, dont le rapport vient d’être publié (voir en document source). Quelles en sont les grandes lignes et quelle est la prochaine étape ?
G. B : Ce rapport pose un certain nombre de constats sur le périmètre de la Métropole, sur une éventuelle fusion avec le Département … Mais il faut en premier lieu achever la réforme de la loi 3DS. Il pose aussi la question de la déconcentration des services de la Métropole. Les conseils de territoire, en tant qu’entités politiques, ont été supprimés, c’est une bonne chose. Ce n’est pas pour autant qu’il faut concentrer toute l’action à Marseille.
La mission se contente de dire qu’il faut avoir fixé avec tous les acteurs un calendrier pour la future réforme, « préalable nécessaire à toute évolution », si possible avant 2026. Pour ma part, dans ma contribution au rapport, je vais plus loin en disant que l’échéance d’établissement de la feuille de route doit être fixée avant 2026. J’espère qu’on arrivera à avoir une première proposition de loi dès 2025 …
Concernant la réflexion sur l’établissement d’un mode de scrutin au suffrage universel dans la Métropole Aix-Marseille Provence, c’est toujours en option, mais nous sommes suspendus à une éventuelle réforme provenant directement du Gouvernement. En effet, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est emparé du sujet et a son propre agenda. La majorité présidentielle, qui ne détient pour l’heure aucune des grandes métropoles françaises, y voit sûrement un intérêt politique à l’approche des prochaines élections métropolitaines. Nous, ce que nous demandons, c’est une grande loi métropolitaine incluant, entre autres, un nouveau mode de scrutin au suffrage universel. Mais avant cela, il faut avoir un calendrier précis.
Document source : l’amendement déposé par Guy Benarroche
Document source : le rapport de la mission sénatoriale
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