Ce devait être un conseil décisif marquant « un tournant dans l’histoire de l’institution », comme annoncé en préambule par la présidente Martine Vassal. Jeudi 15 décembre, le conseil métropolitain a pourtant une nouvelle fois fait ressortir de vieilles rancœurs entre communes. En cause, le calcul de la dotation de solidarité communautaire (DSC), qui reste en travers de la gorge de nombreux maires. Selon ce calcul, la dotation de solidarité communautaire, qui a pour but de rétablir les écarts de richesse entre les 92 communes membres, représente un budget de 22 millions d’euros pour la Métropole, dont 15 millions d’euros directement fléchés sur Marseille. Il constitue surtout un effort financier nouveau pour la Métropole pour qui cette DSC était jusqu’alors minuscule (100 000 euros).
Il faut dire que le maire de Marseille, Benoît Payan, disposait dans cette bataille d’un argument de poids : son droit de veto qui, s’il l’avait utilisé, aurait eu pour effet de remonter l’ensemble des compétences des communes vers la Métropole. « Je ne veux pas utiliser mon droit de veto. Mais je veux que les Marseillais soient entendus », plaide Benoît Payan, dans un ultime espoir de convaincre ses homologues. Bien que la dotation de solidarité ait été approuvée lors du conseil, des élus continuent d’affirmer haut et fort leur hostilité.
En effet certains édiles, à l’instar du maire de Peynier (LR), se sentent lésés : « Le revenu moyen par habitat à Peynier est de 140 euros, et je touche 30 000 euros seulement de DSC. […] A l’avenir, j’espère que la solidarité sera pensée pour toute la Métropole, et pas uniquement pour Marseille », lâche amèrement Christian Burle. « Le vote de cette DSC est un outil indispensable pour que nous puissions jouer collectivement. La requête de Marseille est légitime. Mais pour les communes comme Vitrolles ou Martigues, avec un fort potentiel financier mais un revenu par habitant bas, il faut que nous puissions aussi trouver cette solidarité. Je vous invite donc à retravailler la base de critères », estime pour sa part le maire (PS) de Vitrolles Loïc Gachon. « Je concède que nous pouvons encore faire évoluer les choses et affiner les critères », reconnaît Didier Khelfa face à ces critiques.
Métropole : un pacte financier et fiscal « de rattrapage » pour Marseille ?
Les attributions de compensations menacées ?
Pour d’autres, la préoccupation est davantage d’ordre financière. En effet, beaucoup craignent que le rééquilibrage de la dotation de solidarité n’aboutisse à un abaissement des attributions de compensation, sommes versées aux communes pour l’exercice de certaines compétences métropolitaines, qui constituaient jusqu’alors un des principaux revenus des communes. « Comment justifier que les critères retenus pour l’établissement de la DSC écartent de facto toutes les communes qui font état d’une richesse importante, et qui ont fait des efforts pour y parvenir ? Les attributions de compensation ne sont pas des cadeaux tombés du ciel, c’est le fruit d’investissements rentables », insiste Gaby Charroux, maire communiste de Martigues, qui a voté contre le texte. Yves Vidal, ex-maire de Grans, a lui voté pour le texte, mais pas parce qu’il en approuve le fond … « C’était ça ou faire péter la bombe nucléaire ! »
Vote de la DSC marseillaise : « C’était ça ou faire péter la bombe nucléaire ! »
Yves Vidal, adjoint au maire de Grans
De fait, la Métropole et la Ville de Marseille se sont mises d’accord sur une DSC évolutive, amenée à croître dans le temps. Ainsi, en 2024, cette DSC marseillaise passera de 15 millions à 30 millions d’euros de dotation de solidarité communautaire, puis à 45 millions en 2025. Un investissement qui implique, pour la Métropole, de dégager une manne financière importante : 66 millions d’euros en 2025. Or, pour l’heure, les modalités de financements restent floues. Interrogé en marge du conseil métropolitain, le président de la commission finances et maire de Saint-Chamas Didier Khelfa, hausse les épaules : « Il y a plusieurs leviers que nous pouvons actionner : les économies de gestion, la fiscalité, pas d’investissement … ». Sur la fiscalité, le rapport dédié à l’approbation du pacte financier et fiscal, qui comporte le calcul de la DSC, et que Gomet’ a pu consulter, évoque en effet un possible relèvement de taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la contribution foncière des entreprises « tout en préservant autant que possible le contribuable ménage avec un taux de foncier bâti intercommunal (TFPB) qui restera inchangé » peut-on lire dans ce rapport.
« Trouver des solutions avant la prochaine venue d’Emmanuel Macron »
La Métropole pourrait bien être contrainte de trouver une solution plus vite que souhaité. Car le spectre de l’Etat rode toujours. « Nous ne pouvons pas oublier cette épée de Damoclès que nous avons au-dessus de la tête sous la pression de l’Etat. L’amendement envisagé dans la loi de finances [qui imposerait à la Métropole un mode de péréquation choisi par l’Etat, ndlr] peut revenir à tout moment. Nous devons trouver un accord avant la prochaine venue du Président de la République », explique Didier Khelfa.
Face aux doutes qui assaillent les élus, l’Etat semble avoir une solution toute trouvée, qu’il serait prêt à imposer faute d’accord local : « L’Etat attend de nous que nous créions de la DSC à partir des attributions de compensation. Sur le papier, cela voudrait dire récupérer les 45 millions d’euros d’AC “indus” et les réinjecter sur le territoire sous forme de DSC. Sauf que la répartition entre communes ne serait pas la même », remarque le président de la commission finances. La situation pourrait bien se débloquer en janvier, date annoncée du retour d’Emmanuel Macron en terre marseillaise.
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