« Jusqu’ici tout va bien ». C’est ce que disait l’homme tombé d’un immeuble entre le cinquième et le quatrième étage. Noir ou pas, il faudra de l’humour pour affronter à la fin de ce mois le scrutin des régionales. Jour après jour, les sondages donnent Thierry Mariani gagnant, quels que soient les cas de figure. Pour le Républicain Renaud Muselier qui se bat comme un beau diable, allant ferrailler sur tous les terrains où la Région a un rôle, c’est sans aucun doute le pire des chemins de croix… de Lorraine, subi jusqu’ici. Lui qui fut un adversaire résolu des socialistes et des communistes, ce qui lui valut d’être sauvagement agressé par des nervis de la CGT au début des années 90, se voit reprocher aujourd’hui d’être de gauche. Comprenez « macroniste », et, sous-entendu, « libéral », ce qui dans son camp est un péché mortel, depuis qu’en 1981 un certain Valéry Giscard d’Estaing a sombré, torpillé par Chirac, comme aujourd’hui Muselier par son propre camp.
Alexis de Tocqueville, qui eut maintes fois raison avant d’autres, affirmait ainsi : « En politique, ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux. » Et, à suivre la campagne des régionales, qui a complètement effacé des écrans celle des cantonales, on ressent bien la difficulté des adversaires de Thierry Mariani à appréhender, ne serait-ce qu’un peu l’opinion publique, de cette région si particulière.
On a assisté par exemple, ces dernières heures, à une convergence des critiques de gauche et de droite, visant l’ancien ministre des transports de Nicolas Sarkozy, passé avec armes et bagages chez Marine Le Pen. On lui reproche tout à trac, son appétence pour quelques dictatures, son passé de mauvais gestionnaire municipal (Il fut maire de Valréas dans le Vaucluse), son absentéisme chronique au parlement européen, son goût pour les voyages et le luxe… Des gouttelettes, au final, sur les plumes d’un canard qui s’ébroue sans complexe dans la marre de l’extrême-droite, qu’il combattit pourtant dans sa période gaulliste.
Du coup Muselier et les autres tentent de hisser haut le drapeau de la région, en espérant un sursaut de patriotisme provençal, azuréen et alpin. Il sait pourtant que cette « Paca », dont il conteste le nom, a une identité à géométrie variable. Comment fédérer dans un même élan, le retraité de la promenade des Anglais, l’ancien mineur du centre Var, le chômeur des quartiers nord de Marseille, l’horticulteur du Vaucluse, les saisonniers des Alpes.