Le Premier ministre, Jean Castex, a choisi le Journal du Dimanche pour annoncer au plan national, une décision régionale. Il a répondu « très favorablement à l’initiative de Renaud Muselier. » Ce dernier, Président sortant de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, avait annoncé, dans la semaine, sa volonté de rassembler au-delà de son parti, le LR, sans passer par des accords d’appareils. Il a été entendu par la majorité au gouvernement et, n’en doutons pas, par Emmanuel Macron dont l’horizon ne se limite pas au rendez-vous électif de juin.
Thierry Solère, transfuge des Républicains et désormais conseiller de l’Elysée, a enfoncé le clou pour affirmer que cet accord entre la Macronie et Muselier était d’autant plus logique que « ses électeurs sont souvent les mêmes que ceux du Président ». Et de parler à propos de cette péripétie d’un « grand moment de clarification politique ». Il faudra sans doute attendre un peu pour se réjouir autant, l’histoire de la Région Provence Alpes Cote d’Azur ayant toujours été marquée par des rebondissements violents, des retournements imprévisibles, voire des trahisons possibles.
Castex a retenu des intentions de Muselier une phrase qui, si le succès est au rendez-vous, fera date : « on s’honore toujours à se dépasser ». Les observateurs les plus optimistes diront qu’elle s’inscrit dans une tradition gaulliste, qui veut que certains moments de l’Histoire exigent de ceux qui sont engagés de la hauteur et du courage.
D’autres affirmeront qu’il ne s’agit là que d’une tambouille visant à limiter les dégâts, et repousser le danger d’un scrutin sanction, visant le quinquennat de Macron et par ricochet le mandat de Muselier. Eric Ciotti, LR mais ennemi juré de Christian Estrosi maire de Nice, s’est du reste empressé de condamner ce qu’il considère comme « une mauvaise soupe ». Christian Jacob lui a emboîté le pas en affirmant que « la peur de perdre des uns ajoutée au cynisme des autres » n’avait jamais « fondé une ligne politique » (voir notre précédent article).
Christian Jacob ira-t-il cette semaine jusqu’à opposer à Renaud Muselier une liste plus conforme à une orthodoxie dont on a du mal à cerner les contours ?
Hervé Nedelec
Il sait de quoi il parle le président des Républicains, lui qui devra expliquer dans moins d’un an à ses militants, la ligne politique à géométrie variable que dessinent aujourd’hui les Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Bruno Retailleau et autres Michel Barnier. Son parti, dispersé façon puzzle, ira-t-il cette semaine jusqu’à opposer à Renaud Muselier une liste plus conforme à une orthodoxie dont on a du mal à cerner les contours ? Il faudra à Jacob, l’ancien agriculteur, de l’audace pour creuser ce sillon-là.
Muselier va devoir quant à lui expliquer à ses chers compagnons pourquoi il a ainsi tendu la main à des marcheurs que l’on dit à bout de souffle.
Il aura pour argument les sondages qui tangentent vers des chiffres qu’avaient atteints en son temps Marion Maréchal, contraignant le socialiste Christophe Castaner à retirer sa candidature pour sauver la droite. Le Marseillais sait notamment que le Rassemblement National a fait souche dans certains départements comme le Var et le Vaucluse où il tient quelques places fortes. Que certains républicains comme Eric Ciotti, Valéry Boyer ou Guy Teissier, ne sont séparés des idées de l’extrême droite et particulièrement de celles de Thierry Mariani, un ancien compagnon, que par la minceur d’un papier de cigarette. Il n’ignore pas que la gauche, comme l’a encore démontré la pâle mobilisation du 1er mai, a vu partie de ses électeurs la déserter au profit, là encore, d’un rassemblement national prêt à défendre désormais toutes les causes du peuple.
Il y a fort à parier, à partir de ce dimanche orageux, que les élections à venir, et au premier chef les régionales, seront totalement détournées de leur objet. Une fois encore les yeux de la France vont se tourner vers le sud, en lui reprochant d’avoir perdu le nord.