Tantôt agressifs et accusateurs, tantôt ironiques et provocateurs, Marion Maréchal-Le Pen (Front national) et Christian Estrosi (Les Républicains) ont débattu pendant plus d’une heure sur le plateau de France 3 Provence Alpes et sur les ondes de France Bleu Provence à Marseille mercredi 9 décembre. Un débat avant le second tour qui scellera l’avenir de la région Paca dimanche 13 décembre.
Ce sera le seul et unique débat d’entre deux tours pour les deux prétendants à la présidente de la région Paca (lire les coulisses du débat avorté sur Europe 1 – I-Télé). Mercredi 9 décembre, Christian Estrosi (LR) et Marion Maréchal-Le Pen (FN) ont accepté de débattre sur France 3 Provence Alpes avant le second tour des élections régionales. Pour rappel c’est Marion Maréchal qui est arrivée en tête du scrutin en Paca avec 40,55% des suffrages devant Christian Estrosi 26,48% et Christophe Castaner 16,59% (consultez les résultats par grandes villes et arrondissement de Marseille et départements Paca). Ce dernier ayant choisi de se retirer, à la demande du premier ministre Manuel Valls et du premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis, afin de faire barrage au FN.
Un débat aux allures de règlement de comptes pour les deux candidats qui n’ont cessé de revenir sur les déclarations et les attaques de chacun, relayées dans la presse ces dernières semaines, documents à l’appui. Nous avons sélectionné les principaux points à retenir de cette rencontre animée par Thierry Bezer et qui s’est déroulée au siège de France 3 Provence Alpes à Marseille.
1) Retrait du PS et “marchandage” des voix
Première question et déjà les reproches. Les attaques fusent sur le plateau. Thierry Bezer demande à la candidate Front national de réagir au retrait de la liste de Christophe Castaner, « un front républicain qui ne dit pas son nom ? » Marion Maréchal-Le Pen répond par des accusations. « Je ne suis pas suffisamment naïve pour croire que cela (le retrait du PS) se fera sans contrepartie […] A chaque élection on voit que cela se finit par des embauches, par des places. Par des subventions. D’ailleurs j’ai appris dans la presse récemment que monsieur Estrosi est allé acheté les voix de l’Alliance Ecologiste Indépendante en créant un comité gadget à 30 millions d’euros, donc 30 millions d’euros dépensés dans la nuit. […] Les pseudos adversaires d’hier en réalité n’en sont pas. […] Il a d’ores et déjà les mains liées, nous sommes la seule alternative car nous ne devons rien à personne. »
Alors Christian Estrosi a-t-il rencontré le leader de la liste Alliance Ecologiste qui a fait près de 3% au premier tour ? Lui a-t-il proposé la présidence d’un institut pour l’Ecologie et la qualité de vie ? Un marchandage de voix selon Sophie Camard (voir encadré plus bas). Le maire de Nice répond : « D’abord il n’y a eu aucun marchandage de voix. Nous connaissons la manière que vous avez (Marion Maréchal-Le Pen) d’amener les choses, en tout cas de mentir […] Il y a simplement Alliance Ecologiste Indépendante qui quelque part se retrouve derrière les valeurs qui sont les nôtres. » Faisant référence à la mise en place d’un Conseil territorial, après le premier tour, pour les élus sacrifiés de gauche (listes retirées ou n’ayant pas atteint les 10%), Christian Estrosi promet que « cela n’a rien d’une entente en quoi que ce soit et mes ex-adversaires de gauche n’ont rien demandé. Je n’ai pas le sentiment que Monsieur Castaner soit devenu Estrosiste et je n’ai pas le sentiment d’être devenu socialiste. Simplement il y a eu une attitude républicaine […] contre le déclin vers lequel voudrait conduire Madame Maréchal-Le Pen notre région. »
Les socialistes et @CCastaner n’ont rien demandé. Il n’y a pas eu de négociation. Juste l’envie de combattre repli & obscurantisme #FR3
— Christian Estrosi (@cestrosi) 9 Décembre 2015
Les deux candidats ne cessent de se provoquer, brandissant des documents, des tracts et des photos de co-listiers. Christian Estrosi reproche à Marion Maréchal-Le Pen son impolitesse quand celle-ci le qualifie d’indécent. Le débat politique tourne plus autour des attaques personnelles que de la volonté et du programme de chacun. Les questions recommencent alors.
2) La sécurité et la vidéosurveillance
La sécurité s’invite donc dans le débat, un domaine qui intéresse particulièrement les électeurs après les attentats de Paris. Chacun expose ses propositions. Marion Maréchal-Le Pen ne veut pas promettre aux électeurs de résoudre l’ensemble des problèmes de sécurité qui relèvent de la compétence de l’Etat. Au sujet de l’installation de vidéosurveillance, la tête de liste FN affirme que ce n’est pas « une solution miracle, on en a vu la démonstration notamment à Nice » (ville dirigée par Christian Estrosi). Celle-ci propose de se concentrer sur les TER en renégociant les contrats avec la SNCF en incluant obligatoirement d’augmenter le personnel au sein de l’actuelle police ferroviaire. Elle souhaite également, sur le modèle de Paris, coordonner les forces de l’ordre afin de lutter plus efficacement contre la fraude et la délinquance sur des secteurs à risques. Concernant l’éventualité d’un ajout de portiques de sécurité dans les gares, Marion Maréchal-Le Pen affirme finalement que leur mise en place engagerait un investissement trop important.
“La proposition des portiques de @cestrosi n’est pas sérieuse selon le dirigeant @SNCF lui-même” @F3cotedazur pic.twitter.com/z94HE7M2GM
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 9 Décembre 2015
Du côté de Christian Estrosi, c’est une réponse toute autre. « Toutes les rames de TER en 2016 seront équipées de vidéosurveillance. L’année dernière nous avons fait 2 700 flagrants délits dans ma propre ville avec la vidéosurveillance pour ceux qui contesteraient la sécurité. Nous mettrons en place des portiques de sécurité » dans les gares.
En 2016 toutes les rames de TER seront équipées de vidéoprotection reliées à un centre de supervision #FR3 https://t.co/bj79ZuXFeX
— Christian Estrosi (@cestrosi) 9 Décembre 2015
3) L’économie et l’emploi
Le patriotisme économique, une grande différence entre Marion Maréchal-Le Pen et Christian Estrosi. La candidate FN met en avant la volonté de « faire bénéficier prioritairement dans les marchés publics les entreprises locales de Paca en mettant en place des clauses économiques et sociales qui ne font pas tout jouer sur le prix et donc qui feront en sorte que ce ne soit pas systématiquement les grands groupes multinationaux qui remportent les marchés. » Et lorsque la parole vient à Christian Estrosi et que celui-ci questionne sa rivale sur ses connaissances économiques de la région Paca, la riposte ne tarde pas : « Je ne suis pas votre élève et ce n’est pas un quizz Monsieur Estrosi ». Ce dernier reprend alors son propos pour exposer sa volonté de faire rayonner économiquement la région à l’international mais aussi d’augmenter le nombre d’apprentis en Paca, de 29 000 à 50 000 « une filière d’excellence ».
J’ai un programme économique structuré autour des filières pour que du grand groupe à la PME ce soit gagnant/gagnant #FR3
— Christian Estrosi (@cestrosi) 9 Décembre 2015
4) La culture et les associations
La polémique sur les subventions du planning familial ne pouvait échapper à ce débat. Marion Maréchal-Le Pen, qui souhaite supprimer ces subventions (environ 200 000 euros selon elle), s’en est expliquée : « Je ne financerai pas les associations communautaristes de préférence étrangères ou politisées. L’argent public c’est l’exigence de la neutralité. » La candidate FN affirme que le planning familial est « une association militante de gauche qui milite pour une certaine conception de la famille et pour l’accueil des réfugiés. Il n’est pas question de remettre le débat de la légalité de l’avortement ou de l’accès à l’avortement. » Elle ajoute : « La fin de ces subventions ne remettra pas en cause l’existence du planning familial. »
“Je ne financerai pas les associations communautaristes.” @F3cotedazur pic.twitter.com/jE4IsmNUhZ
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 9 Décembre 2015
Une prise de position que Christian Estrosi ne comprend pas, il se dit « effaré » et juge Marion Maréchal-Le Pen « profondément archaïque. » Il souhaite poursuivre la politique de soutien du planning familial. « Le rôle du politique n’est pas de trier. » Concernant la culture, les deux candidats souhaitent poursuivre la politique culturelle actuelle de la région en continuant de subventionner les festivals et événements culturels. Marion Maréchal-Le Pen souhaite créer un Puy-du-Fou (parc de loisir) provençal quand Christian Estrosi veut mettre un place un Pass Festival pour favoriser l’accès à la culture à tous et soutenir les festivals.
Enfin point épineux de la culture, à Marseille, la Villa Méditerranée. Christian Estrosi ne souhaite plus la vendre, en tout cas pas s’il trouve une meilleure solution afin de trouver un réel projet et une fonction à ce bâtiment dont il juge l’architecture magnifique. « Si nous trouvons un moyen de la faire vivre nous la ferons vivre » affirme t-il. Marion Maréchal-Le Pen juge ce revirement de situation comme étant « la première concession » de Christian Estrosi à la gauche qui s’est retirée en sa faveur. De son côté la nièce de Marine Le Pen ne conservera pas la Villa Méditerranée, trop coûteuse en investissement et en fonctionnement.
Comme annoncé le 9 octobre je consulterai pour choisir entre nouvel usage ou mise en vente direct #VillaMediterranée pic.twitter.com/6tF6fh1fvY
— Christian Estrosi (@cestrosi) 9 Décembre 2015
“@cestrosi fait encore une concession à la gauche en refusant de vendre la Villa Méditérranée.” @F3cotedazur pic.twitter.com/UW1G2wjrI1
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 9 Décembre 2015
5) Si j’étais président…
La Région Paca c’est un budget de 2,1 milliards d’euros et une dette de 2,6 milliard d’euros. Il va donc falloir faire des économies et Marion Maréchal-Le Pen estime que cela devra passer par une baisse des dépenses de fonctionnement : « Non remplacement des départs à la retraite, maintien ou pas de contractuels et requalification de personnel dans certains services en cas de besoin ». La candidate FN souhaite faire un audit financier pour cela et réduire le nombre de vice-présidents. En cas de victoire au second tour, elle affirme vouloir collaborer avec Christian Estrosi et la droite, dans un état d’esprit constructif. En cas de défaite, elle siégera évidemment.
1,4 milliard d’euros, c’est le montant du budget chiffré et financé par Christian Estrosi. Un financement qui passe par un certain nombre d’économies de fonctionnement, notamment par rapport aux baisses des dotations de l’Etat. Il s’engage à baisser la fiscalité locale et favoriser l’investissement. Le candidat Les Républicains ne souhaite par réduire le nombre de vice-présidents, il donne d’ailleurs déjà le nom de son premier vice-président qui sera Renaud Muselier en cas de victoire. Christian Estrosi ne souhaite pas faire d’audit financier s’il accède à la présidence, il avoue faire confiance aux vérifications déjà existantes. Concernant son Conseil territorial visant à associer la gauche non représentée dans la future assemblée, il sera mis en place immédiatement après son élection afin que chacun puisse s’exprimer. « Si je suis élu président je serai attentif à un débat le plus démocratique possible » avec le Front national promet-il. En cas de défaite, Christian Estrosi explique que « dans le respect des électeurs », vainqueur ou battu, son rôle sera de « siéger là où on l’aura désigné. »
Une heure plus tard, le débat se termine sur une minute de temps de parole pour chaque candidat dans le but de convaincre l’électorat. Ont-ils convaincu ? La réponse dimanche sur Gomet’ avec le résultat du second tour des élections régionales en Paca.
Marion Maréchel-Le Pen battue dimanche d’après deux sondages
Deux sondages publiés dans la soirée, mercredi 9 décembre placent Christian Estrosi (LR) en tête face à Marion Maréchal-Le Pen (FN) au second tour dimancheLa réaction de Sophie Camard (Région Coopérative) après les révélations dans la presse d’un accord qui atteindrait une valeur de 30 millions d’euros entre Christian Estrosi et l’Alliance Ecologiste Indépendante :