Le professeur de droit public Rostane Mehdi a pris les rênes de l’Institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence en pleine tempête : le 1er juillet 2015, il était nommé suite aux errements de son prédécesseur, qui avait bradé aux quatre vents le label Sciences Po. Juriste et universitaire reconnu, il a remis la grande école d’aplomb et porte des projets de développement.
Gomet’ : Sciences Po Aix en Provence a-t-elle retrouvé sa cote après les années de crise de 2014 ?
Rostane Mehdi : Je cultive l’humilité et la modestie comme une vertu cardinale. Je dirais que nous avons d’abord rempli la première partie du contrat, à savoir le rétablissement du crédit et de l’image de l’établissement, Même si l’instruction de l’affaire judiciaire est toujours en cours, tout cela appartient au passé. Cet établissement a été remis sur les rails. Nous avons entièrement repensé et renouvelé sa gouvernance, nous avons assaini son mode de gestion, nous avons mis en place une offre de formation ambitieuse. Nous avons entièrement reconfiguré notre politique scientifique.
Nous avons retissé une relation extrêmement confiante et amicale avec notre environnement universitaire et notamment avec Aix-Marseille Université. Comme tous les établissements de la région nous devons construire notre projet sur les cinq prochaines années. Mon mandat se terminera dans trois ans, mais je dois évidemment me projeter au-delà pour les personnes qui me succéderont.
Quelles sont les priorités de ce projet pour les cinq ans à venir ?
R. M. : Nous devons conforter, préserver les acquis, et faire en sorte que nous nous franchissions ce que j’appelle des seuils d’irréversibilité pour qu’il soit très difficile de revenir en arrière.
Dans quel domaine ?
R. M. : Nous avons fait d’énormes progrès dans notre gestion, dans notre administration. J’entends que l’on ne recule pas, qu’on ne fasse pas marche arrière. Nous avons une organisation moderne, qui fonctionne conformément à ce qu’exigent les lois et règlements de ce pays, qui est reconnue comme étant rigoureuse par les contrôleurs : le contrôleur budgétaire, l’agent comptable, le ministère, le Haut conseil d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Nous devons poursuivre les investissements, notamment immobiliers avec un programme immobilier qui s’étale sur dix ans.
Quels sont ces objectifs immobiliers ?
R. M. : Tout simplement se doter d’une grande et belle bibliothèque conforme aux ambitions de l’établissement, se doter d’un espace convivial, d’une cafétéria, plus ambitieuse et accueillante. C’est aussi la transformation de la chapelle, qui est sur l’espace Séguin, en un auditorium moderne. C’est l’aménagement d’espaces pour la vie étudiante, notamment pour les activités sportives.
Toujours dans le centre d’Aix ?
R. M. : Je n’ai pas du tout l’intention de m’en éloigner : Gaston de Saporta en centre-ville, est l’ancienne Université de Provence ; l’espace Marceau Long, accueille des salles de cours et des bureaux administratifs ; et l’espace Philippe Séguin, dans les locaux de l’ancien hospice des Petites sœurs des pauvres, avenue Jean-Dalmas, va connaître des travaux importants.
Le 3e point sur lequel je suis très attentif, c’est la professionnalisation de nos étudiants, pour faire en sorte qu’ils acquièrent une culture générale qui est la marque de fabrique de l’établissement des savoirs disciplinaires reconnu en droit, en économie, en sciences politiques, en sociologie etc. Des compétences transverses qui assurent l’employabilité de nos étudiants. Mon rôle, c’est de faire en sorte que nos étudiants trouvent du travail, rapidement au bon niveau de responsabilité et au bon niveau de rémunération.
Quels liens avez-vous avec les entreprises ?
R. M. : C’est ce que j’entends par professionnalisation : 70 % de nos étudiants vont dans le privé, donc notre formation doit être adaptée à cette évolution. Sans oublier que 30 % d’entre eux continuent à passer les concours de la haute fonction publique. Par conséquent, nous devons trouver un modèle équilibré.
Nous ne sommes pas une école de commerce et nous ne le serons jamais. En revanche, il m’a semblé assez rapidement utile et intelligent de nouer des partenariats avec un nombre d’écoles de commerce reconnues de manière que nos étudiants qui souhaitent acquérir des compétences que nous ne pouvons pas leur donner puissent le faire dans de bonnes conditions auprès de ces écoles. Nous avons construit des diplômes communs avec Kedge, avec Audencia, avec Skéma. Nous ne changeons pas de nature, mais nous travaillons avec des établissements qui permettent de donner à nos étudiants des compétences qui seront utiles à leur insertion professionnelle.
Vous n’avez pas cité l’IAE (Institut d’administration des entreprises) de Puyricard ?
R. M. : Nous n’avons pas aujourd’hui de relations formalisées avec l’IAE. En revanche, nous avons des relations tout à fait amicales au sein de la Conférence régionale des grandes écoles dont je suis président. C’est une école de management reconnue. Ça ne s’est pas fait jusqu’à présent, mais ça ne ça ne relève pas du tout du registre de l’impossible. J’en serais personnellement tout à fait ravi.
Comment vous situez-vous par rapport aux autres IEP ?
R. M. : Nous appartenons à un réseau qui a fait de la solidarité le principe cardinal de son fonctionnement. La famille des IEP, c’est dix établissements. Nous partageons la marque qui est détenue par Sciences Po Paris, nous avons une convention de marque avec Sciences Po Paris qui nous permet de l’utiliser, nous sommes coresponsables de cette marque à neuf. Il y a neuf établissements en région, dont sept qui partagent le même concours d’accès. Nos relations sont essentiellement des relations de solidarité, donc nous évitons d’établir des classements entre nous. Nous partageons un modèle de formation qui est convergent, chacun ayant ses spécificités,
Quelles sont les spécificités de Sciences Po Aix ?
R. M. : Nous travaillons sur le monde euroméditerranéen, nous avons également une formation très performante dans le secteur de la culture et enfin, nous sommes très en pointe sur les sujets en lien avec la défense et la sécurité, notamment avec un master qui est tout à fait unique en France, emblématique : un master sur le renseignement. C’est un master qui est soutenu par la communauté du renseignement, il est ouvert à la fois à nos étudiants dans le cadre de leur formation continue et à des cadres du privé. L’ambition de ce master n’étant pas de former les agents secrets. L’idée est de favoriser l’émergence d’une culture française du renseignement, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons.
Ce master est porté par le Professeur Walter Bruyère-Ostells, et le Général de corps d’armée aérienne Serge Cholley, dont l’expérience d’officier renseignement de spécialité́ est gage d’une expertise et d’une connaissance de ces enjeux.
Pour conclure, Sciences Po Aix en chiffres ?
R. M. : Nous avons 1 800 étudiants, 147 membres du personnel, dont une cinquantaine d’enseignants titulaires et des personnels administratifs, mais on a près de 420 vacataires qui viennent du monde de l’expertise ou du secteur professionnel.
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