Dans un an, les grandes métropoles comme Marseille commenceront à interdire leurs centre-villes aux camions polluants. Face à ce durcissement de la réglementation, les entreprises cherchent des alternatives pour continuer à travailler. L’Ademe leur propose de miser sur le gaz naturel avec un nouvel appel à projets permettant de financer le renouvellement de sa flotte.
A partir de l’automne 2021, Marseille va mettre en place une zone à faibles émissions (ZFE) autour de son centre-ville. En clair, les véhicules les plus polluants ne pourront plus pénétrer le cœur de la ville. Si toute la population est concernée, les premiers touchés sont les professionnels, artisans et transporteurs, qui doivent rapidement trouver une solution pour continuer de desservir le centre-ville malgré des véhicules souvent lourds et polluants. Face au problème, l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’opérateur de gaz GrDF lance un appel à projet pour les aider à convertir leur flotte au gaz naturel pour véhicules (GNV), plus propre que le diesel.
La Région et l’Ademe offrent 15 000 euros pour un camion GNV
A l’occasion d’une conférence de presse (à distance, Covid oblige) mercredi 30 septembre, l’Ademe et GrDF ont dévoilé le contenu de ce nouvel appel à projets Mobigaz. Il s’adresse avant tout aux entreprises locales de transport de marchandises, de voyageurs et aux entreprises de BTP, « mais au-delà à toutes les entreprises en charge de livraison de dernier km, dont les accès aux centres-villes et aux futures ZFE demeurent indispensables », précise l’Ademe. L’agence propose d’offrir une aide pour l’achat d’un véhicule lourd de plus de 2,5 tonnes roulant au gaz naturel. Cette subvention varie en fonction du poids du véhicule, variant de 1 000 euros pour les plus petits (2,5 t) à 7 500 euros pour les camions de 7 tonnes et plus. La Région est partenaire de l’opération et participe pour le même montant ce qui porte le montant maximal de l’aide à 15 000 euros par véhicule. « Nous avons lancé ce dispositif depuis mars 2020 et nous sommes ravis aujourd’hui que l’Ademe abondent dans notre sens pour augmenter la force de ce soutien », commente Philippe Maurizot, vice-président de la commission « économie, industrie, innovation, nouvelles technologies et numérique » de la Région. La collectivité a cependant décidé de ne pas inclure les bus et autocars dans son dispositif mais l’Ademe prend le relais assurant également une aide de 15 000 euros par véhicule pour les compagnies de transports de voyageurs. « Nous n’inventons rien, avoue Philippe Maurizot. Nous nous inspirons simplement d’un mécanisme mise en place chez nos voisins d’Auvergne-Rhône-Alpes qui a très bien marché ».
Une enveloppe de 2,7 millions pour acheter plus de 350 véhicules
Lancé officiellement le 30 septembre, Mobigaz va s’étaler sur trois ans pendant lesquels les entreprises pourront soumettre leur projet pour bénéficier des subsides des trois partenaires. Au total, chacun pose 900 000 euros sur la table soit un total de 2,7 millions d’euros. « De quoi financer l’achat d’environ 120 véhicules par an », estime Yves Le Trionnaire. La société de transports installée à Lançon-de-Provence Colis Route Express annonce déjà son intérêt pour le dispositif : « En 2020, nous avons investi dans sept camions au GNV. Ça représente un surcoût de 35% par rapport aux véhicules diesel habituel mais ils sont rapidement rentabilisés car le gaz est moins cher que le diesel », indique son directeur, Philippe Roth. « De plus, nos camions polluent moins et font moins de bruit », ajoute-t-il. La grande problématique pour lui reste le manque de station d’approvisionnement. « Il y a quatre ans, il n y en avait quasiment pas mais ça commence à sortir. Il faut accélérer le processus », insiste-t-il. Le principe de Mobigaz est de soutenir la demande en avitaillement en augmentant le parc de véhicules afin de favoriser l’émergence de l’offre d’avitaillement par le développement d’un réseau de stations sur la région. Les candidatures doivent donc être portées par un partenariat entre l’entreprise qui veut financer sa flotte et un contrat d’approvisionnement signé avec un fournisseur de gaz. « En contrepartie des aides à l’acquisition de véhicules, les partenaires doivent s’engager à faire émerger, dans le cadre du même projet, au moins une nouvelle station GNV/BioGNV sur le territoire de la région et s’engager à s’avitailler tout ou partie à cette(ces) station(s) afin d’en assurer la viabilité économique », précise l’Ademe.
Dix nouvelles stations GNV d’ici 2023
Aujourd’hui, la région compte six stations délivrant du gaz naturel pour véhicules sous forme compressé (GNC) ou liquide (GNL). La métropole d’Aix-Marseille est particulièrement à la pointe de ce mouvement avec trois stations en service à Aix les Milles, à Saint-Martin-de-Crau et à Port Saint-Louis du Rhône. Cinq nouvelles stations sont sur le point d’ouvrir leurs portes d’ici la fin de l’année sur le territoire à Miramas, Salon-de-Provence, Vitrolles, Bouc-Bel-Air et Aix. Et grâce à ce nouvel appel à projet Mobigaz, l’Ademe et GrDF ambitionnent de participer à la création de dix stations supplémentaires sur la région d’ici la fin de l’année 2023. Pour ce faire, les opérateurs privés de station gaz doivent eux aussi être soutenus : « Cela coûte entre 200 000 et deux millions d’euros pour installer une station service, avance Jérôme Cicile, ingénieur mobilité de l’Ademe. C’est assez lourd pour une PME et on doit leur assurer de la visibilité pour se lancer ». Parmi les opérateurs sur la métropole, on retrouve les géants Engie et Total mais pour l’instant, c’est une petite PME de Rousset Proviridis qui occupe le mieux le marché. Elle en compte déjà deux dans le département et en ouvrira trois autres en juin 2021 à Arles, Clesud et Bouc-Bel-Air. Proviridis compte d’ailleurs répondre au nouvel appel à projet Mobigaz pour ces futures installations. « On a déjà profité des autres appels d’offres et celui-ci ne fera pas exception », annonce Eric Ronco, le P-dg de Proviridis. Sur Bouc-Bel Air par exemple, il devrait s’associer à Lafarge avec qui il a créé un projet de station pour les véhicules de sa carrière.
Proviridis vise les 50 stations GNV d’ici 2025
Créée en 2012, Proviridis est le premier opérateur privé à avoir miser sur la création de station service au gaz. Cette avance lui a permis de prendre de vitesse ses grands concurrents que sont Total, Engie et Air Liquide. « Si on regarde la seule activité des stations gaz, nous sommes certainement aujourd’hui la plus grosse société », assure Eric Ronco qui contrairement aux autres acteurs a intégré toute la procédure de la construction de la station au service sur place pour les consommateurs. Proviridis emploie aujourd’hui 35 personnes « et on devrait dépasser les 50 l’an prochain », annonce le patron. Son chiffre d’affaires est lui aussi en croissance continue. L’an dernier, il a réalisé 8 millions d’euros et va atteindre les 16 millions en 2020. Grâce à une levée de fonds de 19 millions d’euros l’an dernier, elle peut déjà viser très haut et affiche un objectif de 50 stations GNV d’ici 2025 contre une dizaine aujourd’hui.
En attendant, la société prépare le coup d’après avec la mobilité électrique. Toutes ses stations GNV sont déjà équipées de bornes et accueillent beaucoup de véhicules. « On reçoit notamment beaucoup de taxis qui ont fait le choix de l’électrique mais ils sont confrontés au manque de bornes à recharge ultra-rapide notamment dans les villes », explique le P-dg de Proviridis. Après sa marque V-Gas pour le gaz, il s’apprête à lancer « Zen », pour Zero emission network, le nom de ses futures stations dédiées à l’électrique. « On est en train de monter un gros réseau de bornes dans les Bouches-du-Rhône », annonce Eric Ronco. « Le plus dur, c’est de trouver du foncier disponible dans les villes », précise-t-il. Ce nouveau défi va nécessiter un investissement conséquent si il veut créer un maillage suffisamment dense de stations pour répondre à la demande. Aussi, « nous aurons peut-être besoin dans un avenir proche de faire une nouvelle levée de fonds encore plus importante que la précédente », avance Eric Ronco. A suivre…
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