Par Florence Klein, avec Bertrand Connin
Visuel: Florence Klein
Comment choisir une agence de communication responsable et compétente en matière de RSE? Certes, certaines agences avouent traiter leurs clients liés au développement durable de la même manière que leurs clients traditionnels. Mais la plupart des communicants qui ont fait leur credo du développement durable et de la RSE offrent à leurs clients “responsables” un savoir-faire particulier et une véritable réflexion consacrée à l’impact social et environnemental de leurs actions. En commençant par s’appliquer à eux-mêmes certains principes, au détriment parfois d’une immédiate course aux profits ; voire au risque de ne pas plaire à tous leurs clients potentiels.
Un engagement très fort des fondateurs
Les pionniers du secteur s’en souviennent, la com’ autour du développement durable ne s’est pas imposée dans le paysage comme une évidence. « Quand l’agence a été créée il y a onze ans, le sujet n’était pas à la mode. Les fondateurs, issus de filières environnementales, voulaient au départ conseiller les entreprises pour qu’elles intègrent la RSE dans leur stratégie. Très vite, la communication est apparue comme un puissant levier permettant d’accélérer la transition », relate David Coste, co-fondateur de l’agence Patte Blanche (Montpellier).
Mêmes souvenirs pour Daniel Luciani, l’un des pionniers de la communication autour du développement durable en Occitanie avec son agence Icom (Toulouse) : « Lorsque j’ai engagé l’agence Icom dans cette voie en 2001, le sujet ne parlait pas à tout le monde. J’ai été inspiré par la méthode appelée ‘Performance globale’ pour construire la stratégie de ma propre entreprise autour de la RSE. Aujourd’hui, je m’apprête à aller encore plus loin : fin juin 2018, je vais changer l’objet social de mon entreprise pour y intégrer la prise en compte des impacts environnementaux et sociaux ».
C’est aussi le choix de Thomas Piettre-Leclair, fondateur de Com’On Light (Montpellier). Après un début de carrière dans l’automobile chez PSA, ce communiquant passionné a eu besoin de faire coïncider son activité professionnelle et ses convictions : il a créé son agence au pied des Cévennes, en la dédiant au développement durable. Pour cet entrepreneur engagé, le thème s’est imposé : « La seule solution pour préserver l’environnement, c’est de faire changer les comportements. Les communicants ou publicitaires peuvent y contribuer, en choisissant des thèmes et des messages responsables plutôt qu’en promouvant l’accumulation frénétique de biens ».
Quand les agences s’engagent elles-mêmes
Ces agences pas comme les autres s’engagent elles-mêmes dans une démarche de développement durable. D’où le choix d’appliquer dans leur propre activité certains principes, respectueux de l’environnement, des collaborateurs, et des publics.
Com’On Light a rédigé une charte éthique qu’elle conjugue au quotidien : 10 engagements, ou 10 Commandements, de la communication durable. « En tant qu’agence de communication dédiée à la promotion et la valorisation de pratiques, produits, services et organisations apportant une valeur ajoutée positive à la collectivité, nous nous sommes fixé un code de conduite cohérent avec nos valeurs », peut-on lire sur son site internet.
Ces choix se reflètent aussi dans les business models intrinsèques des agences. A l’instar de ce qu’elle prône, l’agence Icom édite régulièrement son propre rapport de développement durable : engagements sociaux, environnementaux, politique à l’égard des collaborateurs, choix d’un bâtiment bio-climatique pour le siège… Dans une grande transparence, tous les sujets sont passés en revue, avec des pistes d’amélioration affichées. Pour aller encore plus loin, l’agence vient de créer une nouvelle filiale, Pikaia, pour accompagner ses clients dans leur transition durable.
Autre exemple, Patte Blanche (Montpellier) a opté pour une certification B-Corp : il s’agit d’un label de certification international, attestant que l’entreprise répond à une série de critères sociétaux et environnementaux en interne et vis-à-vis de ses parties prenantes. Seule une cinquantaine d’entreprises françaises ont obtenu ce label. L’agence a également développé une start-up pour mettre la communication en partage : « Le but est que la communication, qui coûte beaucoup d’argent aux entreprises et aux collectivités, ne soit pas jetée et puisse être réutilisée », explique David Coste. Et pour faire rayonner ses valeurs dans son éco-système, Patte Blanche a aussi créé un tiers-lieu, The Island, pour accueillir des porteurs de projets en matière d’innovation sociale à Montpellier.
Citons encore l’agence de communication Duodaki, à Marseille, qui a gravé son engagement pour le développement durable dans ses statuts. En effet, Hugo Néron et son associé Arnaud Forestier ont choisi le statut de SCOP (Société coopérative et participative) et ils affirment dans leurs statuts “une adhésion à des valeurs coopératives fondamentales : la prééminence de la personne humaine, la démocratie, la solidarité et le partage.”…
Choisir ses clients sur leurs critères sociaux et environnementaux ?
Exigeantes envers elles-mêmes, ces agences le sont aussi envers leurs clients. Allant parfois jusqu’à les choisir pour ce qu’ils apportent d’un point de vue social et environnemental.
« Notre premier critère, c’est l’utilité sociale et environnementale du projet que l’on doit promouvoir. Aussi, nous ne proposons nos services et n’acceptons de travailler qu’avec des organisations dont les produits, services, projets et démarches sont cohérents avec nos valeurs et notre mission.», explique Thomas Piettre-Leclair (Com’ on Light).
La plupart de ses clients sont des entreprises déjà sensibilisées aux questions liées au développement durable, des associations et des événements qui promeuvent la prise en compte des questions environnementales à l’instar de l’association pour le développement de l’apiculture en Languedoc-Roussillon. Parmi ses engagements, l’agence montpelliéraine refuse de travailler avec des sociétés cotées en bourse car elle estime “que la vraie légitimité d’une entreprise ne vient pas de sa capacité à créer de la valeur pour l’actionnaire, mais de son aptitude à améliorer le bien-être de ses publics par les services et produits qu’elle propose”.
Tout aussi engagée, l’agence Duodaki explique vouloir privilégier dans son portefeuille clients les acteurs “responsables” en leur proposant des tarifs plus attractifs qu’aux autres clients de l’agence. Pour Hugo Néron, co-fondateur de l’agence, ces réductions sont pleinement justifiées car selon lui, “les acteurs de l’économie sociale et solidaire n’ont pas l’habitude de communiquer, et ce sont généralement de petites structures” qui ont donc moins de moyens à consacrer à leur communication que les entreprises plus classiques. Ainsi, Duodaki effectue un démarchage ciblé en direction des acteurs engagés socialement et envers l’environnement : “Pour notre modèle économique, nous préférons avoir beaucoup de petits clients plutôt que quelques gros clients”.
Quelquefois, ce sont les annonceurs eux-mêmes qui s’aperçoivent que la communication menée de façon responsable ne va pas pouvoir être appliquée à leur problématique. « Certains clients viennent vers nous pour notre image : honnête, éthique, déontologique. Mais parfois, quand les messages ou le mode de communication responsable que nous leur proposons sont trop éloignés de leur modèle économique, nous ne sommes pas retenus », constate Daniel Luciani (agence Icom). Des galeries marchandes ou des entreprises du nucléaire ou du solaire ont ainsi refusé les recommandations de l’agence.
Pour autant, tout n’est jamais ni tout noir ni tout vert… L’agence Patte Blanche compte ainsi dans son portefeuille de très gros clients, comme l’Oréal, la Fondation Maisons du Monde, Ikea…qu’elle accompagne sur leur communication RSE et autour de projets durables. A une période donnée, après un débordement de green-washing, les entreprises craignaient de communiquer sur ces sujets, par peur des critiques de la part des ONG. « Il y a eu pas mal de maladresses et de bad-buzz parce qu’elles confiaient ces sujets à des communicants classiques », relate David Coste. Or entamer des démarches plus responsables représente un coût pour ces organisations, et il semble légitime qu’elles retirent une valeur de leurs efforts : « à condition de mettre en œuvre une communication juste, pas trompeuse, transparente. Et nous les accompagnons avec des méthodes appropriées », poursuit David Coste.
Et là, pas question de se limiter à fleurir le discours ou à coller des photos de plantes vertes : pour convaincre le consommateur et marquer les esprits, il faut de véritables outils et une expertise qui ne s’improvisent pas !
A suivre notre prochain volet: Développement durable: Comment communiquer de manière responsable?
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