Après le « temps des fondations », est venu « le temps de l’opérationnel. » A l’issue de deux ans de gestation, la Société publique locale d’aménagement d’intérêt national – structure hybride en charge de la rénovation urbaine détenue par la Métropole, la Ville de Marseille et l’Etat – pourrait bientôt accoucher de ses premières concrétisations.
En effet, les représentants des trois actionnaires ainsi que le directeur de la SPLA-IN, Franck Caro, ont convié la presse à un point d’étape mardi 11 octobre, à la Maison pour tous située boulevard de Strasbourg (3e), en plein cœur de la zone Hoche-Versailles, l’un des quatre îlots démonstrateurs sur lesquels la SPLA-IN agit (voir la carte ci-dessous). Ils ont notamment annoncé le lancement prochain d’un appel à manifestation d’intérêt à destination des bailleurs pour la réhabilitation et la mise sur le marché d’une première vague d’immeubles rénovés. Ces immeubles seront répartis en trois voire quatre paniers pouvant comprendre jusqu’au maximum dix immeubles, de quoi contenter trois ou quatre bailleurs ou groupement de bailleurs.
Les noms des bailleurs retenus devrait être dévoilé d’ici mars ou avril 2023. La SPLA-IN signera des conventions de coopération avec eux : « Le but n’est pas de leur livrer le produit fini : nous souhaitons les impliquer dans le processus de rénovation. Ainsi, la SPLA-IN assurera le gros œuvre, le “dérisquage” mais laissera le soin aux bailleurs de faire les finitions », explique David Ytier, président de la société, conseiller métropolitain et adjoint au maire de Salon-de-Provence. Autre sujet sur lequel lui et ses collègues souhaitent associer les bailleurs : le choix des architectes qui réaliseront les plans d’aménagement des îlots. Sur ce point, un accord cadre sera présenté dans quelques jours. Les bailleurs devront s’engager à garder les mêmes architectes tout au long du chantier, pour ne pas perturber l’exécution complète de la maîtrise d’œuvre. Selon le calendrier défini par la SPLA-IN, le travail des architectes devrait débuter au printemps 2023, pour lancer véritablement les travaux à compter du début 2024.
Lexique de la rénovation urbaine
SPLA-IN (Société publique locale d’aménagement d’intérêt national) : société à capitaux publics chargée de la rénovation urbaine en centre-ville de Marseille, elle est détenue par la Métropole Aix-Marseille Provence (actionnaire majoritaire avec 8,43 millions d’euros au capital), l’Etablissement public d’aménagement Euroméditerranée pour le compte de l’Etat (5 millions d’euros) et la Ville de Marseille (860 000 euros).
PPA (Projet partenarial d’aménagement) : dispositif contractuel associant la Métropole, la Ville, le Département, mais aussi l’Etat et ses opérateurs (Anru, Anah, Euroméditerranée, Banque des territoires etc.) visant la rénovation du centre-ville de Marseille. C’est ce projet qui identifie les quatre îlots démonstrateurs (Noailles Delacroix / Noailles Ventre / Hoche Versailles / Belle de mai) sur lesquels la SPLA-IN agit. Ces îlots ont été choisis car tous différents : ils sont « démonstrateurs » dans la mesure où ils serviront de modèle pour la rénovation d’autres périmètres de la ville.
Le parc privé, nerf de la guerre de la rénovation urbaine
Cette trentaine d’immeubles est dispatchée dans Marseille et se compose d’immeubles appartenant principalement à la puissance publique – ce que la SPLA-IN qualifie de « 5e îlot » ou « îlot multisites » (voir la carte ci-dessus). Une cible plus facilement maîtrisable, pour commencer, que les immeubles détenus par les propriétaires privés. Ces derniers constituent le plus gros défi de la SPLA-IN. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le propriétaire le plus problématique n’a pas toujours l’apparence d’un marchand de sommeil aux dents longues. « Les profils sont très variés : cela va de “mamie Anisette”, qui a 80 ans, vit au premier étage depuis toujours et y a vu ses enfants grandir, au tout jeune couple qui vient d’acheter son premier appartement. Aucun des deux n’a les moyens de sortir des milliers d’euros pour rénover l’immeuble », analyse Franck Caro. L’homme a la gorge serré lorsqu’il évoque certaines situations, auxquelles les salariés de la SPLA-IN sont confrontés sur le terrain, lorsqu’ils vont démarcher les propriétaires privés pour les informer des travaux à réaliser sur leurs immeubles : « Une grande partie du job consiste à faire de la psychologie et surtout de la pédagogie, même si ce n’est pas l’essence de notre fonction, qui est de faire appliquer la loi », concède-t-il.
« Le morcellement extrême de la propriété rend le processus très long pour faire asseoir tout le monde autour de la table du syndic et approuver les travaux de rénovation »
Franck Caro
Et puis, il y a également tous ces multi-propriétaires qui vivent à des kilomètres et suivent de plus ou moins loin les affaires concernant leur logement, sans pour autant être des marchands de sommeil. « Nous sommes face à une tel morcellement de la propriété que le processus est extrêmement long, pour arriver à faire asseoir tout le monde à la table du syndic et approuver les travaux », poursuit le directeur de la SPLA-IN. Le processus promet donc d’être long et fastidieux, ce qui ne décourage pas la SPLA-IN. « De toute façon, nous n’avons pas le choix : soit on traite le problème, soit on ne fait rien », tranche la maire de secteur du 1/7 Sophie Camard. Celle qui représente la Ville de Marseille au sein du conseil d’administration de la SPLA-IN insiste sur l’importance de la coopération des propriétaires : « Il ne faut pas qu’ils soient abandonnés à eux-mêmes, certes, mais il ne faut pas non plus les déresponsabiliser. » De fait, la loi prévoit des sanctions pour les propriétaires réfractaires – mais quid d’une « mamie Anisette » ?
Des financements complémentaires attendus de la part de l’Anru
Heureusement, l’Anru abonde au portefeuille : 109 millions d’euros qui doivent permettre le recyclage de l’habitat privé dégradé pour 182 immeubles au total, dont 116 sur les quatre îlots prioritaires et le reste sur l’îlot multisites. Des immeubles destinés à accueillir à 70% du logement social.
Cette enveloppe de 109 millions s’intègre dans celle de 650 millions obtenue en mars dernier, qui couvre un périmètre plus large. S’ajoutent à cela 12 millions d’euros par an sur huit ans apportés par l’Agence nationale pour l’habitat (Anah). La SPLA-In espère des financements complémentaires à venir, mais ne s’avance pas trop : « Utilisons déjà l’argent que nous avons et nous demanderons ensuite des financements complémentaires », tempère cependant Laurent Carrié, préfet délégué au plan Marseille en grand, qui représente l’Etat au sein de la SPLA-IN. A noter que ces sommes ne concernent que la rénovation des bâtiments et pas l’aménagement autour, qui est également un champ d’action de la SPLA-IN : verdissement, rénovation de la tuyauterie et des équipements publics de proximité etc.
Depuis le 19 septembre dernier, la SPLA-IN a mis en place des permanences dans chaque îlot concerné pour renseigner les habitants :
– Ilot Clovis Belle de mai : Maison pour tous, 6 bd Boyer (3e), mardi après-midi et vendredi matin
– Ilot Hoche-Versailles : Maison pour tous, 16 rue Desaix (3e), lundi matin et vendredi matin
– Ilots Noailles Delacroix / Noailles Ventre : Espace accompagnement habitat, 19 rue de la République (2e), mardi après-midi et jeudi après-midi
La SPLA-IN avance donc, à petits pas, mais progresse tout de même. Une progression qui n’est pas sans rapport avec l’entente des collectivités sur la question du logement, « sanctuarisé de toutes questions politiques », affirme Sophie Camard. D’ici quelques jours, la Métropole signera ainsi la concession d’aménagement afin de permettre à la SPLA-IN d’agir sur le périmètre d’Hoche-Versailles. Pour une fois, Métropole et mairie semblent donc avancer en ordre de marche, de concert avec l’Etat. Mais cela suffira-t-il ? Afin d’éviter une aggravation d’ici les prochaines années, le directeur de la SPLA-IN tire tout de même la sonnette d’alarme : « Il faut faire davantage de prévention auprès des propriétaires afin d’éviter d’en arriver à des situations extrêmes », plaide Franck Caro.
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