Sélectionné par le comité de pilotage de la fondation A*Midex dans le cadre de l’appel à projets « International 2018 », le projet TONGA, porté par Sophie Bonnet de l’Institut Méditerranéen d’Océanographie (M.I.O-IRD) d’Aix-Marseille et Cécile Guieu (Laboratoire d’Océanographie de Villefranche, CNRS ) apporte un nouvel éclairage sur le rôle des volcans sous-marins dans le développement du plancton, micro-organismes essentiels à la bonne santé des océans.
A l’instar des forêts, l’océan a la capacité de capturer le CO2 contenu dans l’atmosphère pour le stocker dans ses profondeurs : cette capture de CO2 est réalisée par les microalgues du plancton, à la surface de l’océan, dont une partie va ensuite sédimenter au fond des océans et potentiellement séquestrer ce carbone sur des temps géologiques. C’est ce que l’on appelle la pompe biologique à carbone. Mais tous les océans ne sont pas égaux dans cette capacité à séquestrer le CO2 : ainsi, 60% de l’océan mondial manque de nutriments nécessaires au développement du plancton, et donc à l’efficacité de cette pompe. C’est particulièrement le cas dans l’océan tropical.
Mais alors, comment expliquer la présence d’une oasis de vie de 500 000 km2 au beau milieu d’un désert océanique, au large de l’archipel de Tonga ? Une hypothèse improbable est mise sur la table : l’existence d’un arc volcanique peu profond (200-500 m sous le niveau de la mer) suggère la présence de volcans sous-marins émettant des fluides hydrothermaux qui fourniraient au plancton les nutriments nécessaires, notamment le fer, ce micronutriment essentiel à la vie. Ainsi naît le projet Tonga, à l’initiative de deux chercheuses : Sophie Bonnet, de l’Institut Méditerranéen d’Océanographie (M.I.O-AMU-IRD) d’Aix-Marseille et Cécile Guieu (Laboratoire d’Océanographie de Villefranche, CNRS). Pour mener à bien leur expédition aux confins du Pacifique Sud, elles parviennent à lever 2,4 millions d’euros, dont 160 000 financés par la fondation A*Midex, qui sélectionne par ailleurs le projet dans le cadre de l’appel à projet « International 2018 ».
Une hypothèse audacieuse comme point de départ
C’est le début d’une aventure de quatre ans, et notamment d’une expédition océanographique de 37 jours qui réunit 90 scientifiques et pas moins de 21 laboratoires internationaux issus de différents pays : Australie, Allemagne, Italie, Israël, Etats-Unis… Surtout, le projet a une dimension hautement interdisciplinaire : il nécessite de croiser plusieurs champs disciplinaires dans le domaine de l’océanographie : « Les chercheurs qui travaillent sur les fonds marins et ceux qui, comme moi, étudient la surface de l’océan, où se fait la vie, nous nous parlons rarement, car il s’agit de deux champs de recherche relativement différents : or, en l’occurrence, nous avons œuvré main dans la main pour la réalisation de Tonga », relate Sophie Bonnet.
D’octobre à décembre 2019, l’équipe explore les fonds océaniques pour tenter de valider l’hypothèse qui, il faut le dire, est audacieuse en ce qu’elle bouleverse les connaissances acquises en océanographie.
En définitive, Sophie Bonnet et Cécile Guieu réussissent leur pari : l’expédition, couronnée de succès, permet en effet de démontrer le lien entre l’émission de fluides hydrothermaux sortant des volcans, chargés en fer, et le développement de cette vaste oasis de vie à cet endroit du globe, où la pompe biologique à carbone est 2 à 3 fois plus efficace que dans la zone adjacente, non fertilisée.
A*Midex, un « marche pied » vers des financements européens ERC
Avec le recul, Sophie Bonnet analyse le rôle d’A*Midex dans le succès de cette expédition : non seulement A*Midex a cofinancé le projet Tonga, mais il a été « un marche pied » pour obtenir un financement ERC (European Research Council) pour la chercheuse : en effet, au cours de l’expédition Tonga, Sophie Bonnet a testé une deuxième hypothèse, et a accumulé les données nécessaires à l’élaboration de son projet ERC, cette fois liée à la capacité des océans à séquestrer du CO2 via les diazotrophes, des micro-organismes fixateurs d’azote atmosphérique qui se développent notamment dans l’océan tropical.
A son retour en France, elle bénéficie d’un coaching ERC via le CERCle – club des ERC financé par A*Midex et lancé par Aix-Marseille Université, le CNRS, l’INSERM, l’IRD et le CEA pour soutenir la candidature de chercheurs issus d’Aix-Marseille Université aux fonds ERC. « J’ai pu bénéficier d’un environnement favorable et d’un coaching d’une grande qualité pour la préparation de mon projet, aussi bien pour l’écrit que pour l’oral », se réjouit Sophie Bonnet, qui est lauréate de l’appel ERC Consolidator Grant 2021 et a obtenu un financement à hauteur de 2,5 millions d’euros pour son projet intitulé HOPE.
Le projet Tonga en vidéo
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