J-A Margarit (Synerpa) : « Les Ephad doivent devenir des plateformes multiservices »

Quels sont les chiffres des Ehpad en France et dans la région ?
Jean-Alain Margarit. Le Synerpa fédère en France près de 2520 adhérents dont, 1 800 résidences médicalisées (Ehpad),120 Résidences Services Seniors (RSS) et 600 Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD). En Paca, le Synerpa fédère 394 adhérents dont 317 Ehpad, représentant plus de 20 000 lits et places et plus de 12 000 salariés. Parmi nos adhérents figurent aussi 17 RSS, qui gèrent 1870 appartements et près de 340 salariés, ainsi que 60 SAAD qui emploient près de 2000 salariés.

Vous parliez lors de votre intervention d’ « Ehpad bashing » : en quoi cela consiste ?
J.-A.M. Il s’agit toutes les campagnes de dénigrement qui sont menées depuis des mois par les médias sur la situation des Ehpad, sans tenir compte de la réalité. La problématique du personnel existe, bien sûr. Nous sommes en recherche constante de personnels qualifiés, mais c’est le cas dans à peu près tous les pays européens. Il faut chercher à développer les formations, travailler sur l’attractivité des métiers, créer des passerelles entre les différents métiers, mais cela ne sert à rien d’effrayer les familles et jeter le discrédit sur des centaines de milliers de salariés qui font leur travail avec passion.

Outre cette problématique de personnel, quel est l’enjeu du secteur ?
J.-A.M. Selon le scénario de l’Insee, en 2060, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus représentera un tiers de la population française contre un quart aujourd’hui. Le nombre de personnes en perte d’autonomie doublera dans le même temps, passant de 1,5 à 3 millions de Français. La Loi d’Adaptation de la Société au Vieillissement (ASV) votée en 2015 sous François Hollande a permis des avancées mais reste insuffisante au regard de cette transition démographique.

Pourtant, ce secteur présente des opportunités de développement économique ?
J.-A.M. Oui. Au regard du doublement, voire du triplement des effectifs des personnes les plus âgées d’ici 2060, le secteur est particulièrement porteur en termes de recrutement sur des emplois variés et non délocalisables. Sur les 20 prochaines années, plus de 200 000 emplois soignants et non-soignants seront à pourvoir dans le secteur des Ehpad, et près de 150 000 emplois dans l’aide à domicile. En outre, les acteurs de l’économie du vieillissement proposent de plus en plus de produits et de services permettant de prévenir et d’accompagner la perte d’autonomie. En 2014 a été crée la première filière industrielle de la Silver Economy. Les seniors déterminent en effet 54 % de la consommation française. Dans le détail, ce sont 64% des dépenses de santé, 58 % pour l’équipement, 57 % pour les loisirs, ou encore 56 % des dépenses d’assurance. Le vieillissement de la population est donc aussi, au-delà de l’emploi, une formidable opportunité d’innovation et de développement économique !

Comment valoriser les Ehpad ?
J.-A.M. La télémédecine est l’une des pistes. Les Ehpad, dans l’avenir, doivent devenir une grande plateforme multiservices, un lieu de consultations gériatriques ouvertes sur l’extérieur, un lieu de répit qui permet aux aidants de pouvoir souffler. Nous avons en préparation une plateforme qui s’appellera Horizon 2030 pour émettre des propositions et nous intégrer dans les ateliers de réflexion de la future loi.

Quelles sont ces propositions ?
J.-A.M. Nous souhaitons des mesures de simplification relatives au travail et à l’emploi. Nous voulons aussi pérenniser et amplifier les allègements de charges aux entreprises et abandonner toute idée de taxation des CDD de remplacement. La taxation des contrats courts revient régulièrement dans le débat public. Or, si elle peut se discuter pour les surcroîts d’activité, la taxation des CDD de remplacement serait indiscutablement délétère dans les secteurs de la Santé et du Grand Âge, qui doivent assurer une mission d’intérêt général, 7 jours sur 7, 24h sur 24h, et ce malgré les congés, absences et autres indisponibilités des collaborateurs en CDI. Le Synerpa souhaite plutôt promouvoir une nouvelle forme de « contrat de remplacement », alliant flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les salariés.

Vous souhaitez également créer une véritable filière professionnelle des métiers du Grand Âge ?
J.-A.M. Oui, avec un potentiel de recrutement d’environ 350 000 emplois à l’horizon 2030 mais des problématiques avérées de pénurie de personnels soignants, le temps est venu d’offrir à cette filière professionnelle ses lettres de noblesse et d’avenir. Nous souhaitons donc mieux intégrer la gériatrie et la gérontologie dans les cursus médicaux et paramédicaux, promouvoir les filières de 2e et 3e cycles dédiées aux métiers de la Santé et du Grand Âge et lancer, avec les Régions, un plan national pluriannuel de formation au métier d’Aide-soignant.

Qu’en est-il du secteur du Handicap ?
J.-A.M. Il vit actuellement un grave crise. D’une part par la qualité de l’accompagnement proposé, de plus en plus déficiente, et d’autre par la raréfaction des investissements consentis qui conduit à un déficit de places dédiées au handicap. Le secteur est cadenassé par un blocage culturel : il est historiquement associatif, et les pouvoirs publics se montrent hermétiques à toute ouvertures au privé. Pourtant, les entreprises du Grand Age soutiennent quotidiennement à domicile ou en établissement des personnes âgées en situation de handicap. Elles sont volontaires pour apporter leur expertise et leur savoir-faire. Mais seuls 17 établissements privés spécialisés ont pu voir le jour en France. Devant cette situation de pénurie de places, mieux vaut reconsidérer ces tabous liés aux statuts juridiques des structures et ouvrir le secteur aux opérateurs privés.