Une webconférence au sujet de la lutte contre les violences sexuelles dans le sport suivie par plusieurs organismes sportifs, fédérations, clubs et étudiants en sport a eu lieu le 25 novembre dernier. Organisée par le Cros (Comité régional olympique et sportif) région Sud, la réunion s’inscrivait dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Laurent Bonvallet du ministère des Sports, Anne Vial de la Ligue Sud Natation, Isabelle Demongeot de la Fédération Française de Tennis, Tess Harmand de la Fondation Alice Milliat et Caroline Fanciullo, psychologue clinicienne spécialisée dans le sport, étaient présents pour partager leurs expériences et les solutions qu’ils proposent.
Pour mettre en contexte, Gaël Biraud, animateur de la conférence et responsable des sports du journal La Marseillaise, a fait référence au #MeToo du sport, au film Slalom, et à l’affaire Abitbol, la patineuse artistique accusant son entraîneur de viol et d’agression sexuelle.
C’est ensuite Caroline Fanciullo qui a pris la parole pour expliquer en quoi le milieu sportif peut parfois favoriser des abus et des violences sexuelles. Elle témoigne des nombreux cas qu’elle a suivi en tant que psychothérapeute du sport en activité depuis 18 ans à Aix. Elle insiste sur le fait que « le milieu sportif engendre des enjeux émotionnels très forts, ce qui crée un manque de discernement, une recherche de performance à tout prix, et fait que les limites au niveau du rapport au corps disparaissent ».
« Le corps devient un objet de travail, un objet idéalisé, un objet de performance »
Caroline Fanciullo
Elle mentionne les hiérarchisations entraîneur-entraîné qui favorisent aussi les abus. « Le corps devient un objet de travail, un objet idéalisé, un objet de performance », ajoute-t-elle.
La psychothérapeute généralise en affirmant que, dans le milieu sportif, « les jeunes s’identifient souvent à des idoles, ils veulent faire comme les autres. Il y a peu de diversité sociale et de mixité, et les sportifs sont souvent jeunes et manquent donc de maturité. Etant donné que c’est une communauté cloisonnée, il peut y avoir de la rivalité et un musèlement de la parole de par les enjeux compétitifs ».
Elle ajoute le langage dénigrant, les pertes de frontières entre soi et l’autre, les relations fusionnelles, l’idéalisation du milieu sportif et le manque d’espace personnel (en prenant comme exemple les douches collectives) qui augmentent le risque de « passage à l’acte ». Elle explique aussi que les victimes de violences sexuelles dans le sport ont souvent peur de dénoncer leur agresseur car « elles ne comprennent pas, elles sont dans un mécanisme de déni, elles ont peur des conséquences, et c’est un milieu macho qui laisse peu de place aux femmes ».
Les mesures mises en place par le ministère
C’est ensuite Laurent Bonvallet du ministère des sports qui a affirmé vouloir travailler sur la culture sportive et les stéréotypes qui vont avec, notamment « la grossophobie, la nudité et l’homophobie, qui empêche certains hommes violés d’en parler ». Il parle beaucoup du corps qui est « à la fois désacralisé et sexualisé ». Il fait également référence à la cyberviolence entre athlètes, aux dangers liés à l’exposition à la pornographie à des mineurs, et aux bizutages parfois sexuels.
Le chargé de mission Ethique du sport a ensuite présenté la stratégie ministérielle pour lutter contre les violences dans le sport. Parmi ces mesures, le contrôle judiciaire des éducateurs tous les ans même pour les bénévoles (ce qui n’était pas le cas avant), un code de la sécurité sportive, des formations de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles obligatoires, la nomination d’un référent éthique et intégrité dans chaque Centre de ressources d’expertise et de performance sportive (Creps) et une sécurisation du traitement des signalements.
Laurent Bonvallet s’est ensuite focalisé sur les procédures pénale, administrative, disciplinaire fédérale et en Creps qui peuvent être menées face à des violences sexuelles et sexistes dans le milieu sportif. Elles permettent par exemple une interdiction d’exercer en urgence.
Violences sexuelles : des sportives de haut niveau témoignent
Isabelle Demongeot, deuxième sportive de haut niveau à avoir brisé le silence et dénoncé les violences dans son sport, a par la suite témoigné. « C’est un handicap invisible que je garderai toute ma vie, je n’oublierai jamais. Une victime est une survivante. Je n’ai jamais pu retrouver de vie sexuelle avec un homme depuis les violences que j’ai subies », affirme-t-elle. « Après les viols, j’ai perdu l’équilibre pendant trois ans et j’ai eu une perte d’estime importante », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, elle est épanouie dans sa fédération et ne veut plus raconter les faits comme elle l’a fait pendant des années.
Anne Vial, ancienne athlète de haut niveau, ancienne formatrice d’éducateurs sportifs et adjointe chargée du sport à la mairie des 4ème et 5ème arrondissements, a ensuite insisté sur l’importance de la sensibilisation et la formation des sportifs. « Le sport a été conçu par les hommes et pour les hommes. Il y a un manque de formation des éducateurs. A 13 ans, quand j’étais nageuse, je devais mettre en place des stratégies d’évitement. On nous pesait devant tout le monde et on faisait des commentaires sur les corps des athlètes féminines », dénonce-t-elle. Elle-même formait des éducateurs sur comment prévenir ces violences, mais elle observe que les formateurs sont souvent eux-mêmes mal formés.
Violences sexuelles dans le sport : une Fondation qui lutte
Tess Harmand et Ombeline Berteaux ont ensuite présenté leur Fondation Alice Milliat, la première fondation française pour le sport féminin. A travers ses actions, la Fondation défend l’égalité de genre dans le sport, une meilleure représentation des sportives dans les médias et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. « Les violences sexuelles sont le continuum de violences verbales et sexistes, de stéréotypes. Il faut alerter sur la prévention et les outils qui existent pour dénoncer », expliquent-elles. Elles présentent les signes qui peuvent alerter : « isolement, dénigrement, moins d’investissement… ».
La conférence s’est terminée par un débat entre les différents intervenants.
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