Les travaux de Smartseille sur l’îlot Allar ont bien avancé. Outre l’hôtel B&B en fonctionnement depuis cet été, trois des principaux immeubles du périmètre sud (immeuble de logements, siège régional d’Eiffage et bureaux pour la ville de Marseille) sont en cours d’achèvement, voire même prêt à accueillir les occupants (service technique, direction des sports de la Ville). Ils jouxtent le siège d’EDF et, de ce côté-ci, on commence à percevoir ce que sera cet éco-quartier de la ville durable que Marseille veut porter en symbole de la smart city méditerranéenne.
Le laboratoire de ville de demain d’Eiffage, Phosphore, créé en 2007 comme outil de prospective, a fait de ce quartier l’un de ses terrains de jeu préféré pour expérimenter des innovations urbaines qui pourraient être ensuite généralisées dans d’autres secteurs de la ville ou dans d’autres communes, comme le rappelait récemment Luc Bouvet, le directeur régional d’Eiffage. Petit aperçu de ce que les « Smartseillais » vont pouvoir tester dans quelques mois dans trois domaines clés : l’énergie et l’environnement, la technologie et l’ingéniosité collective.
1. Les innovations en matière d’énergie.
Les équipes d’Eiffage parlent « d’énergitecture ». Ce concept consiste à allier l’excellence architecturale et l’efficience énergétique. Comment ? « Le respect du génie du territoire exige que les besoins énergétiques des bâtiments soient réduits à la source et couverts grâce aux ressources locales renouvelables » explique-t-on chez Eiffage et à Euroméditerranée, l’établissement public à l’origine du projet d’îlot démonstrateur. Beau pari qui se réalise ici grâce, notamment, à la boucle d’eau de mer qui va permettre de chauffer et refroidir les bâtiments en utilisant l’énergie produite par les différences de températures avec l’eau de mer. Cette ressource portera à 70 % le taux de contribution des énergies locales renouvelables au chauffage et au rafraichissement des bâtiments du quartier. Autre piste : l’étude des vents et l’étude d’ensoleillement du quartier ont permis d’optimiser la configuration des bâtiments, notamment pour « limiter les effets de tourbillons liés aux vents dominants et au Mistral, et pour limiter l’impact du rayonnement solaire en été. »
La canopée qui couvrira l’ensemble du quartier influera aussi favorablement sur le microclimat en limitant l’effet d’îlot de chaleur souligne encore Eiffage. Les choix des matériaux veulent aussi respecter les normes du bâtiment durable. « Ainsi le choix d’un béton bas carbone doit réduire la part de ciment contenue dans le béton, et donc son impact environnemental global. » Le label Bâtiment durable méditerranéen viendra d’ailleurs valider la démarche de conception des bâtiments, qui utilise le climat méditerranéen comme un levier en faveur de la performance thermique, permettant d’atteindre le niveau Effinergie+ pour les bureaux et de dépasser les exigences de la réglementation thermique dans les logements sociaux. Luc Bouvet aime d’ailleurs souligner que le label national « Ville durable » permet de « déroger aux règles normatives (dictées par les textes de loi) pour préfigurer la ville de 2030. »
Les transports doux seront favorisés sur le site, les parkings et voies routières étant organisées en extérieur. Pour garantir la qualité du cadre de vie, la circulation en surface sera réservée aux piétons et cyclistes, tandis qu’un parking mutualisé accueillera les véhicules en infrastructure depuis les axes routiers situés à l’extérieur du quartier. La nature est aussi invité à contribuer à l’équilibre du quartier (lire plus bas).
L’écoquartier Smartseille en chiffres :
> 2,7 hectares
> 3 000 m² de commerces et services 58 000 m² de logements, bureaux et équipements
> 385 logements
> 90 chambres d’hôtel
> 1 crèche
> 1 résidence pour personnes âgées
2. Les innovations en matière technologique.
Tous les habitants de Smartseille auront accès à un bouquet wifi, téléphone et TV pour « quelques euros » promet la plaquette qui vante le programme de logements. Un intranet dédié à l’îlot servira de lien social entre habitants désireux de services de bon voisinage (prêt de matériel, partage de savoir-faire, entraide…). L’intranet sera également une plateforme d’échange avec la e-conciergerie. Pour développer ce pan du projet, c’est l’opérateur Orange qui a été sélectionné.
Le déploiement du réseau comprendra une infrastructure réseau globale « très haut débit », socle des services numériques du quartier et desservant notamment l’ensemble des logements et des bureaux. A l’extérieur, on annonce une couverture Wi-Fi des espaces publics en libre-service pour tous. « Des services innovants qui simplifient le parcours du résident, participent au développement du lien social et incitent au partage de ressources : e-conciergerie, affichages dynamiques et bornes interactives » explique Fabien Finucci, le délégué régional Marseille Provence d’Orange. Un portail web et mobile communautaire va être mis en place afin d’être un lien fédérateur de l’ensemble des services du quartier. « Ce portail servira également de plateforme d’échanges entre les habitants ; et de la vidéosurveillance. »
Autre intervenant côté technologique, la société d’Aix-en-Provence Mios spécialisée dans le contrôle d’accès et la télégestion. Des tablettes seront installées dans chaque appartement. Elles auront de multiples fonctions : visiophones, accès aux différents services, suivi énergétique. Les écrans domestiques vont permettre de faciliter la vie des habitants mais aussi de faire des économies. C’est bien le moins que l’on puisse tenter dans la ville durable. « Depuis votre salon, vous pourrez suivre votre consommation d’énergie et gérer au plus près de vos besoins le chauffage, l’éclairage, la production d’eau chaude… »
Le chantier Smartseille en images
(novembre 2016)
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3. Les innovations en matière d’ingéniosité collective
Les technologies dernier cri déployées sur Smartseille vont devoir démontrer leur utilité auprès des habitants. D’où la nécessité de créer des services vraiment utiles. « Une conciergerie associative de quartier proposera aux habitants un panel de services à la carte qui s’adapteront en fonction des besoins ressentis azurent les promoteurs de l’opération. À la gamme des services de base – pressing, services postaux, billetterie, point relais – s’ajouteront des prestations nomades – coiffure, soins esthétiques, massage. » Pas mal, non ?
[pullquote]Réunion associative, fête des voisins, coaching énergétique…[/pullquote]La conciergerie pourra aussi gérer « le co-working en mettant à disposition des salles de travail, la mobilité partagée et le parking mutualisé ainsi qu’un espace multi-usages modulable pouvant accueillir des réunions associatives ou des séances de sport. Elle aura enfin une fonction d’animation sociale – fête des voisins, atelier de jardinage, coaching énergétique (…) pour promouvoir les gestes éco-responsables et prévenir les éventuels conflits d’usages. Une émulation collective qui devrait également servir à réduire la facture : « Les habitants de Smartseille pourront connaitre leur classement sur les différentes consommations (eau, chauffage, eau chaude…) par rapport à l’ensemble des autres occupants de façon anonyme. Ce classement permettra à chacun de mesurer l’impact de son comportement sur sa facture. »
Dans le cadre de la promotion de l’intensification des usages, une solution innovante de stationnement mutualisé permettra de jouer sur la temporalité des usages pour réduire l’emprise du parking souterrain. Très en vogue dans les grandes villes européennes, plusieurs opérateurs interviennent aujourd’hui pour proposer leur service de gestion des places de parking aux acteurs qui détiennent des volumes suffisants. Zenpark a été choisi pour Smartseille (consulter ici la présentation détaillée du service) « En relation avec les services numériques de la e-conciergerie, une application permettra ainsi de gérer la mise en commun des places entre logements et bureaux : les usagers travaillant dans le quartier les occuperont pendant la journée tandis que les habitants du quartier les utiliseront durant la nuit. » En complément de l’offre de stationnement, le parking sera équipé de bornes de recharge destinées aux véhicules électriques individuels et réservera des places aux automobilistes pratiquant le co-voiturage.
[pullquote]Dernier défi et pas le moindre : créer du lien social.[/pullquote] Dernier défi et pas le moindre : créer du lien social. Lieu de rencontre entre les actifs, les enfants du quartier, les personnes âgées de la résidence, les résidents de l’hôtel et des logements, Smartseille veut favoriser la création de liens. Les espaces communs, les potagers mutualisés, les services entre voisins généreront des occasions de partage et de convivialité. Objectif : créer une véritable quartier avec une âme et une identité. Ce n’est pas le moindre des défis. Livraison de l’ensemble de l’opération fin 2018.
Bienvenue à la nature en ville
Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, l’avait souhaité lors de sa visite sur le site : « Il faudra planter des arbres. » Elle a été entendue. Au moins sur le papier glacé de présentation, avant de voir la concrétisation pousser dans la terre…
« Les aménagements paysagers du démonstrateur Allar ont été conçus pour participer à la qualité de vie et à la biodiversité urbaine » assure ainsi la présentation sur le site Internet du projet. Les start-ups Amplify Nature, Urbagri, l’agence Jean Mus, et Compagnie, spécialiste des jardins méditerranéens, se mobilisent pour valoriser les aménités et services rendus par la nature aux citadins nous dit-on. [pullquote]Arbres de haute tige côtoieront arbustes et plantes méditerranéennes locales.[/pullquote] « Concrètement, la programmation du site se développe verticalement afin de favoriser la libération de l’emprise au sol pour limiter l’imperméabilisation et permettre le développement d’une canopée végétale sur l’ensemble de l’îlot. » Autre engagement : « Arbres de haute tige plantés sur les 20 % de zones de pleine terre côtoieront arbustes et plantes méditerranéennes locales. Cette palette végétale diversifiée sera complétée par la végétalisation des clôtures et de certaines toitures en jachères fleuries pour favoriser le déploiement de la trame verte urbaine. » Et d’ajouter : « Une gestion favorable à la biodiversité sera assurée à travers l’entretien « zéro phyto », la réduction de la pollution lumineuse liée à l’éclairage public et l’alimentation autant que possible les zones de pleine terre avec les eaux de ruissellement. »
Dans la perspective d’enrichir les services rendus par l’intégration de la nature en ville, « l’agriculture urbaine s’invitera dans le démonstrateur Allar. Arbres fruitiers, plantes aromatiques ou encore potagers socio-éducatifs sur la terrasse de la résidence pour personnes âgées inciteront les habitants à s’approprier les espaces végétalisés partagés. En complément, l’agriculture maraichère péri-urbaine sera promue via la e-conciergerie grâce à la distribution de paniers de légumes frais locaux. »
Enfin, « pour favoriser le développement de la biodiversité faunistique et sensibiliser les habitants à sa préservation, murets en pierre sèche, hôtel à insectes et nichoirs adaptés aux espèces locales d’oiseaux seront aménagés. Il est également envisagé de mettre en place des ruches en toiture pour accueillir des abeilles nécessaires au développement de la flore du site. Reste à trouver des occupants-apiculteurs pour récolter le miel, c’est peut-être l’occasion de faire naitre une vocation ? » s’interroge le programme marseillais. Avis aux amateurs !