« Utilisez la nature, cette immense auxiliaire dédaignée. Faites travailler pour vous tous les souffles de vent, toutes les chutes d’eau, tous les effluves magnétiques […] Réfléchissez au mouvement des vagues, au flux et reflux, au va-et-vient des marées. Qu’est-ce que l’océan ? Une énorme force perdue. Comme la terre est bête ! ne pas employer l’océan ! » C’est en hommage à cette citation tirée du roman de Victor Hugo Quatre vingt treize que Stéphan Guignard nomme son entreprise … VH Quatrevingtreize. Chercheur en mécanique des fluides et enseignant à Aix-Marseille Université, ce passionné des phénomènes environnementaux reconnaît dans cette citation la description parfaite de son projet : un bateau nouvelle génération, naviguant grâce à l’énergie des vagues, couplée à la force vélique. Un prototype était présenté à l’occasion des Nauticales, à La Ciotat, du 20 au 25 mars derniers.
Produire de l’énergie bleue
Avant d’imaginer cette technologie marine, c’est aux rivières que s’intéresse Stéphan Guignard lorsqu’il crée l’entreprise en 2017. Il imagine des hydroliennes, fonctionnant avec l’énergie du courant. Il met le projet sur les rivières en pause, sans pour autant l’abandonner, et décide d’exporter plutôt le concept à la mer, pour récupérer l’énergie du ressac des vagues, grâce à des hydroliennes Rotor Savinius, pour générer un courant électrique.
Autonome, le bateau fonctionnera aussi avec l’énergie vélique. « En combinant l’énergie hydrique et éolienne, le bateau sera en excédent de production d’énergie et n’utilisera que 10% de celle-ci pour fonctionner » explique le fondateur de VH93. L’excédent a vocation à être stockée à bord, jusqu’à un kilowattheure, pour permettre, par exemple, d’alimenter des drones, très utiles pour assurer une surveillance logistique et sécuritaire. Les premiers clients de VH quatrevingtreize, potentiellement intéressés soit par l’achat soit par la location d’un navire sont d’ailleurs des fabricants de drones, dont Stephan Guignard ne souhaite pas pour l’heure révéler le nom.
Mais l’énergie produite pourra également être stockée sous forme d’hydrogène ou d’eau douce dessalée en mer, ce qui nécessiterait des bateaux beaucoup plus gros que les trois mètres de long initialement prévus. Pour l’heure, le navire intègrera également un système d’intelligence artificielle, qui proviendra d’un opérateur externe, pour optimiser les trajectoires en fonction du mouvement des vagues.
Une levée de fonds d’un million d’euros en avril pour lancer la phase de commercialisation du navire
Aujourd’hui basé entre le technopôle de l’Arbois à Aix-en-Provence et La Ciotat, VH93 cherche actuellement un nouveau terrain à La Ciotat d’environ 200 mètres carrés, afin de se rapprocher de la mer. En avril, l’entreprise prépare le lancement d’une levée de fonds d’un million d’euros, à la fois auprès de fonds privés et au travers du financement participatif et vise un objectif total d’un million pour faire passer son navire de l’état de prototype à un modèle grandeur nature et lancer la commercialisation à l’horizon 2026. Le prototype a été conçu avec des matériaux bio-sourcés, comme la fibre de lin. Grâce à cette levée de fonds, l’équipe de VH93 doit aussi s’agrandir, pour passer de trois à dix personnes.
« Toutes ces années, l’industrie a voulu aller contre la nature. Aujourd’hui, avec des événements climatiques de plus en plus intenses, nous devons faire avec la nature », plaide Stéphan Guignard. Le concept, novateur, a même été présenté à l’occasion du Consumer electronic show (CES) 2021 à Las Vegas et, plus récemment, au salon de la décarbonation à Tokyo. En conclusion, ce n’est pas Victor Hugo mais un autre auteur, Jean de la Fontaine, que cite Stéphan Guignard pour appuyer son projet : « Avec les événements climatiques qui se déchaînent, c’est une véritable course contre la montre qui est lancée. Un peu comme l’histoire du lièvre et de la tortue, sauf qu’il n’est pas certain que la tortue gagne cette fois… Nous voulons vraiment apporter une solution pour s’adapter à notre environnement.»
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