Aujourd’hui, la suite des déclarations de Christophe Mirmand recueillies à la préfecture vendredi 3 janvier alors que le haut-fonctionnaire quitte son poste après quatre ans et demi au service de l’Etat à Marseille.
Concernant les projets industriels, certains demandent la création d’une Opération d’intérêt national (OIN) pour encadrer le développement. Comment cela avance-t-il ?
Christophe Mirmand : l’Etat s’est beaucoup mobilisé pour permettre d’accompagner les projets industriels sur la zone industrialo-portuaire de Fos. Effectivement, nous avons la chance d’avoir sur le territoire le premier port national. Autour des bassins ouest, ce sont 8 à 10 milliards d’euros de projets industriels qui, potentiellement, peuvent sortir de terre dans les années avenir. Bien sûr, tout cela n’est pas garanti ni assuré. Il faut continuer à travailler, d’abord apporter de l’énergie électrique pour les projets de décarbonation des industries historiques, qui sont confrontées à des enjeux de soutenabilité de leur process industriels. Je parle de la sidérurgie, mais aussi de la chimie autour des hydrocarbures.
Il y a aussi des sujets d’infrastructures de mobilité. Cette préoccupation est revenue de façon lancinante dans tous les débats publics. Cela nécessite aussi d’anticiper les besoins en logements et en équipements, notamment sanitaires. Et donc, effectivement, la question de la gouvernance a été posée. C’est pour cela que j’ai demandé la conduite d’une mission interministérielle pour faire des propositions. En lien bien sûr avec les collectivités locales, dans le but d’améliorer à la fois la lisibilité des projets d’investissements mais surtout leur pilotage, pour faire en sorte que nous puissions être dans une dynamique comparable à celle que connaît par exemple le port de Dunkerque et sa zone industrielle, le système maritimo-fluvial “Haropa Port”. Il y a deux réflexions qui progressent conjointement. L’une concerne la zone industrialo-portuaire sur la base de ce rapport, qui devrait être communiqué dans les jours à venir. Une réunion est prévue dans quelques jours avec les collectivités territoriales.
Quelles sont les solutions envisagées ?
Christophe Mirmand : elles sont d’intensité variables, de l’Opération d’intérêt national jusqu’au Groupement d’intérêt public (GIP). Cette dernière est une formule peut-être moins ambitieuse, moins structurante en termes de portage mais elle a l’avantage de la souplesse pour permettre aussi de faire participer à la gouvernance, outre les collectivités et le port, d’autres acteurs.
Quid de l’axe fluvial Rhône-Saône ?
Christophe Mirmand : c’est un sujet qui figurait dans le discours du président de la République de septembre 2021 consacré à Marseille en grand. Il est piloté par ma collègue préfète du Rhône puisque c’est elle qui est la coordinatrice de ce travail. L’Idée est de faire en sorte de donner au port de Marseille-Fos un lien plus étroit avec son hinterland fluvial. Il y a 18 ports fluviaux jusqu’à Pagny en Saône-et-Loire, pour lesquels une stratégie foncière et industrielle, ainsi qu’un système d’informations intégré, peuvent permettre de donner plus d’attractivité au port de Marseille et, en même temps, pour les industriels des quatre régions concernées, de pouvoir plus naturellement être amenés à utiliser le port de Fos pour l’exportation de leurs productions. Et donc cette démarche se poursuit.
Investissements routiers sur Fos : dans l’attente de la signature du CPER
Sur le volet mobilités autour de la zone portuaire, les élus locaux attendent toujours des engagements de l’Etat. Quels sont les délais ?
Christophe Mirmand : nous avons toujours la perspective de la signature du volet mobilités du Contrat de plan Etat-Région (CPER). Il n’a pas été signé. La validation générale a été transmise par le ministère il y a quelques jours et il faut maintenant signer avec le Conseil régional. Il est assez probable que cette signature soit différée compte tenu du souhait de la Région de connaître le niveau d’engagement de l’Etat sur les infrastructures de mobilités nécessaires pour les Jeux Olympiques de 2030. L’amélioration de la desserte ferroviaire Marseille – Briançon en fait partie, comme le contournement de Gap et l’amélioration du réseau routier des Hautes-Alpes.
Et concernant le bassin de Gardanne ?
Christophe Mirmand : nous sommes dans une problématique un peu différente. Le sujet principal est le redémarrage de P4B, la tranche biomasse de GazelEnergies. La ministre de l’Energie du précédent gouvernement est venue sur place pour confirmer un accord de principe entre l’Etat et l’industriel pour fixer le prix du rachat d’électricité produite. Cela permet de sécuriser les conditions de production de l’électricité et de garantir le redémarrage dans de bonnes conditions économiques du site. Autour du site de Gazel, il faut que les objectifs de réindustrialisation qui étaient inclus dans le protocole territorial signé en décembre 2020 puissent être mis en oeuvre, c’est-à-dire que les projets industriels soient accompagnés pour permettre de créer de nouvelles activités. Pas moins de 80 hectares sont potentiellement mobilisables sur le site. C’est le rôle qu’a reçu le délégué interministériel (Yves Schenfeigel, NDLR), avec les services de l’Etat au plan local.
Ligne THT : débat public fin du 1er semestre 2025, enquête publique au printemps 2026
Le projet de ligne aérienne à très haute tension (THT) en Camargue suscite des débats. Quelles sont les prochaines étapes autour du projet ?
Christophe Mirmand : j’ai évoqué trois procédures en conclusion de la procédure de concertation, dite “fontaine”, qui s’est déroulée jusqu’au mois de septembre dernier. Cette concertation s’organise selon une méthode de “l’entonnoir”. On part d’un périmètre qui est très large et qui a fait l’objet des premières réunions de concertation avec l’ensemble des acteurs aussi bien dans le Gard que dans les Bouches-du-Rhône, et puis, progressivement, en fonction des contraintes, on ressert le choix d’un fuseau qui permet d’identifier la zone du tracé qui sera retenu, soumis à concertation et études complémentaires, pour aller ensuite jusqu’à l’enquête publique.
Nous sommes aujourd’hui dans cette phase intermédiaire entre la première phase de concertation et l’enquête publique qui, vraisemblablement, se tiendra au printemps 2026. J’ai assorti le choix du fuseau de moindre impact de trois éléments complémentaires. Le premier était une analyse actualisée des études conduites sur les besoins énergétiques puisque les opposants au projet considéraient qu’il n’y aurait pas autant de besoins en puissance électrique à horizon 2030 comme c’était envisagé. Le deuxième est un travail complémentaire conduit, notamment, avec le monde agricole, et plus particulièrement pour l’enfouissement des lignes. Troisième point, une tierce analyse sur le principe de ligne à très haute tension en aérien plutôt qu’en enfouissement.
Cette tierce expertise va être engagée prochainement. L’idée est de valider, ou pas, les principes sur lesquels a fondé son projet RTE, en tant qu’opérateur national du transport d’électricité. Ce dernier considère que l’enfouissement d’une ligne serait, d’abord, quasiment physiquement impossible compte tenu des lois de la physique qu’il faut prendre en compte dans ce type d’ouvrage, extrêmement lourd en termes de travaux d’infrastructures à réaliser – ce serait une tranchée de près de 65 km de long sur 30 mètres de large et de 1,5 à 2 mètres de profondeur. On voit bien que cette hypothèse n’est pas neutre sur le plan environnemental. Enfin, l’autre élément soulevé par RTE est le coût considérable comparé à une ligne aérienne classique.
Le projet est-il décalé compte tenu de cet horizon du printemps 2026 pour le début de l’enquête publique ?
Christophe Mirmand : on a légèrement détendu le calendrier pour tenir compte de cette série d’études qu’il faudra construire mais, parallèlement, le travail préparatoire sur l’enquête publique se poursuit. Il était difficile d’aller plus vite. Le débat public, lui, se tiendra à partir de la fin du premier semestre 2025. Nous sommes en discussion avec la Commission nationale du débat public.
Demain, la suite du verbatim de Christophe Mirmand avec le dossier Marseille en grand (3/4)
Lien utile :
[Verbatim] Christophe Mirmand dresse son bilan : le logement « très en deçà » des besoins (1/4)