Le Sommet sur l’Intelligence artificielle vient tout juste de s’achever à Paris. Prenant le contrepied de son homologue américain, le président de la République Emmanuel Macron y a scandé le slogan « plug, baby, plug » vantant le mix électrique très décarboné de la France pour y accueillir les serveurs et data centers dont la consommation électrique pourrait s’élever à 170 TWh dès 2027. Mais dès le lendemain, le Gouvernement met selon les professionnels un coup d’arrêt brusque au développement du solaire photovoltaïque.
Le Syndicat des énergies renouvelables s’associe avec Enerplan (La Ciotat) pour réagir dans un communiqué.
Le cabinet du ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci, a présenté hier soir aux représentants de la filière une refonte radicale du cadre de développement du solaire photovoltaïque. Si les annonces en faveur de l’industrialisation sont favorablement accueillies par la profession, avec l’introduction au 1er juillet 2026 de nouveaux critères soutenant les projets de gigafactories en France, les autres évolutions annoncées reviennent, dans les faits, à mettre un coup d’arrêt brusque à tous les futurs projets solaires sur les moyennes toitures et les ombrières de parking à court terme, mettant ainsi en risque la viabilité de centaines d’entreprises et de milliers d’emplois.
Ce changement brutal de politique publique aura des conséquences très graves
Le Gouvernement envisage en effet de réduire, de façon rétroactive au 1er février, les niveaux de soutien aux projets solaires d’une puissance inférieure à 500 kWc (segment dit « S21 »), d’une manière telle que plus aucun projet ne sera viable économiquement en 2025. Ceci revient en réalité à instaurer un moratoire, dans l’attente qu’un nouveau mécanisme de soutien se mette en place dans un calendrier non défini. Ce changement brutal de politique publique aura des conséquences très graves, que la filière a déjà subies en 2010 lorsqu’un moratoire avait été instauré, et qui avait conduit à la destruction de près de 20 000 emplois. Il va complètement déstabiliser un segment de marché qui a permis de développer des milliers d’installations l’année dernière et qui apporte une activité à des centaines de PME et d’artisans dans les territoires. Il empêchera une grande partie du monde agricole de bénéficier du développement de l’énergie solaire qui lui assure pourtant un revenu complémentaire indispensable.
Le SER et Enerplan appellent ainsi le Gouvernement à revenir sur sa position en maintenant le cadre tarifaire actuel pour le segment S21, le temps que le nouveau mécanisme, dont le calendrier de mise en œuvre apparaît incertain, soit effectivement mis en place. Ceci permettra de sécuriser les investissements déjà engagés par la filière solaire en France et évitera un coup d’arrêt soudain.
« Le Gouvernement considère manifestement le solaire comme une variable d’ajustement de la consommation d’électricité, ce qui est une politique court-termiste par rapport aux besoins d’électrification. Le dynamisme du segment S21 est brutalement cassé dans son élan. Cet arrêt brutal n’est pas acceptable » a réagi Daniel Bour, Président d’Enerplan.
« Nous le répétons depuis toujours, et le sommet sur l’IA le confirme. Disposer d’une offre abondante d’électricité décarbonée est un atout industriel et un atout de souveraineté. Mais il faut être cohérent : où trouverons-nous les 170 TWh supplémentaires dans les deux ans qui viennent si nous mettons le pied sur le frein du solaire ? » déclare Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables.
La réaction de Jérôme Mouterde, CEO de Dualsun (Marseille), leader du solaire résidentiel en France
« Si l’on parle d’impact économique et industriel, la filière solaire dans son ensemble est un levier majeur de croissance et de création d’emplois en France. C’est pour rappel 17 000 emplois préservés et plus de 2 milliards d’euros de travaux générés pour 230 000 foyers français chaque année. Cela en fait un segment bénéficiaire pour les finances publiques grâce aux apports de TVA et de cotisations sociales qui compensent largement les dépenses liées au tarif de surplus et à la prime. En coupant sur les aides, le gouvernement risque de couper bien plus sur ses recettes.
Si l’on parle d’efficacité de notre mix énergétique, quoi de plus efficace que de permettre au particulier de consommer une énergie qu’il produit lui-même ? Nous avons un cruel besoin, bien perçu par le gouvernement, de développer et d’accélérer l’innovation dans le stockage de l’énergie et le pilotage de l’autoconsommation pour garantir une meilleure gestion de notre électricité et maximiser l’intégration des renouvelables. Mais pourquoi dans le même temps pénaliser le solaire de proximité alors qu’il constitue le fer de lance de ces innovations ?.Voilà qu’au lieu d’accompagner une filière qui coche toutes les cases de l’efficacité invoquée, on la torpille en ne soutenant plus le segment résidentiel, alors même que le besoin en électricité ne cessera d’augmenter. On met en péril des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois. Si ces décisions venaient à être confirmées, on freinerait notre innovation et on compromettrait notre capacité à répondre aux grands défis énergétiques à court et moyen terme.
Cette contradiction est un signal négatif envoyé à toute la filière. Nous avons besoin de clarté, de visibilité et d’un cap clair. Nous poursuivons ce me semble tous un objectif commun : celui de l’efficacité de notre mix énergétique face aux besoins croissants en électricité, et du développement d’une industrie de pointe. Il est temps que le Gouvernement aligne son discours avec des décisions cohérentes et pérennes pour l’avenir de l’énergie solaire en France. »